Claude Desama : « Le PS n’a rien à espérer d’un gouvernement fédéral »
L’ancien bourgmestre de Verviers, Claude Desama, publie, sur 150 pages, son manifeste pour un socialisme du XXIe siècle. Le bilan est très critique pour un parti plus souvent en quête du pouvoir que du débat.
Dans Quand la gauche s’éveillera, le monde changera, vous posez une série de griefs sur l’évolution du PS devenu, selon vous, un parti de mandataires plus soucieux de la gestion du pouvoir que du débat. A vous lire, cette machine de pouvoir risque tôt ou tard d’être marginalisée…
Le malaise est réel au PS. Elio Di Rupo, lui-même, se rend compte qu’il y a péril en la demeure. Mais s’il sait qu’il doit donner des réponses plus fermes, il reste dans la même logique stratégique : la conquête du pouvoir. La volonté dans notre parti, c’est d’être au pouvoir pour être au pouvoir. Le principal objectif d’Elio Di Rupo, c’est d’y retourner en 2019. Mais pour quoi faire ? C’est la question que le PS ne se pose pas.
D’autant que, comme d’autres partis en Europe, le PS est talonné à sa gauche. De sondage en sondage, le PTB marque des points.
C’est un phénomène qui témoigne de la frustration des électeurs socialistes par rapport à ce que le PS fait quand il est au pouvoir. Je regrette son ampleur. Le PS n’a pas réussi à conserver un soutien populaire. Au contraire, il se délite. C’est une tendance lourde et je ne vois pas très bien à court terme ce qui pourrait l’inverser.
Parce que le PS n’a pas encore changé de logiciel par rapport aux évolutions démocratiques et sociales ?
Nous devons réfléchir au sens du socialisme aujourd’hui dans la société telle qu’elle est. C’est hélas la question qu’on ne se pose pas.Nous gardons nos vieux réflexes, mais je ne désespère pas. Même s’il est très timide en la matière, Elio Di Rupo a compris qu’il n’était pas seulement question de rénover le socialisme, mais aussi la démocratie. J’ai connu un PS qui était dynamique, où le militant avait son mot à dire dans les assemblées. Il y avait de véritables débats lors des congrès. Il y avait une vie de parti. On a anémié la vie du parti pour la limiter à une sorte d’entre-soi. Il faut en sortir, au plus vite. Au niveau démocratique, il en est de même. C’est la raison pour laquelle le PS devrait tout faire pour changer le système électoral actuel : la proportionnelle pure et simple a montré ses limites, en rendant impossible des majorités fortes dans un sens comme dans l’autre. Si bien qu’on mène une politique vaguement centriste… Mais ce n’est pas avec ce type de politique que les citoyens peuvent effectivement retrouver un enthousiasme démocratique. Il est temps, pour le PS, de faire de vraies alliances à gauche. Je ne comprends pas la logique d’une alliance avec le CDH qui est un parti sans doute modéré, mais fondamentalement conservateur alors que nous pourrions faire des coalitions avec Ecolo et peut-être demain avec le PTB.
Vous parlez largement du sort de la Wallonie. Vous dénoncez le désintérêt toujours plus grand du PS à son égard.
Avec Elio Di Rupo, on a assisté au retour vers un PS qui s’appuyait sur la Wallonie pour jouer un rôle plus important et plus fort au fédéral. C’est, à mes yeux, une erreur stratégique fondamentale. Pourquoi réinvestir au niveau fédéral alors qu’une bonne partie des pouvoirs des Etats ont été transférés vers l’Europe, avec des marges de manoeuvre limitées sur les questions économiques et financières ? Puis, la composante politique qui se retrouve au fédéral n’est jamais favorable au PS. L’idée selon laquelle la gauche pourrait avoir un gouvernement au niveau fédéral valait à l’époque de Léo Collard, il y a soixante ans. Depuis, on se rend compte qu’en Flandre, le glissement à droite est considérable. Le PS n’a rien à espérer d’un gouvernement fédéral. Il est important qu’on y soit chaque fois qu’on peut y être pour éviter des dérives comme celles que nous voyons aujourd’hui, mais ce n’est pas là que le PS peut affirmer ses idées alors que c’est possible en Wallonie. Ce désintérêt pour la Région me rend perplexe aussi, sans comprendre non plus ce qui justifie une telle évolution du parti.
L’ambition d’Elio Di Rupo ?
Pas sûr. C’est un homme ambitieux mais je ne l’imagine pas sacrifier une stratégie politique à son ambition personnelle. C’est un problème plus fondamental. Aussi bien au sein de la FGTB que des grandes fédérations socialistes, Charleroi ou Liège, il n’y a plus eu de courant régionaliste, ce qui a eu pour conséquence de démobiliser les Wallons. Nous devons donner plus de pouvoir aux Régions.
En supprimant la Communauté française ?
Par exemple. Elle est devenue une structure totalement obsolète et inutile, d’autant qu’on assiste à la montée en puissance de la Région bruxelloise. Mais le moment est venu de faire de la Wallonie une Région forte. Cela ne signifie pas qu’on doit cesser de coopérer avec les Bruxellois, mais eux, c’est eux, et nous, c’est nous. Il est temps que les Wallons cessent de se disperser dans des combats périphériques comme la solidarité francophone ou le maintien de l’unité du pays… Il faut en finir avec ce chaos qui existe aujourd’hui pour que la Wallonie gère au mieux ses compétences, et ce, si possible dans un esprit socialiste. Aujourd’hui, la Région est gérée comme une grande députation permanente avec un contenu politique relativement peu marqué.
Ce qui provoque, dites-vous, une injustice : tous les Wallons ne sont pas égaux entre eux…
En effet. La solidarité wallonne est une notion très relative. Depuis quelques années, ce phénomène a pris une ampleur exceptionnelle. Namur, Mons, Charleroi ou Liège captent une très grande part des moyens wallons. On est à l’époque des condominiums. C’est pour cela que j’appelle de mes voeux une réforme territoriale. On doit en finir avec des structures dignes d’un autre temps. Il faut développer des espaces métropolitains pour que les pouvoirs qui sont loin du soleil disposent aussi de la capacité de se faire entendre et d’obtenir ce à quoi ils ont droit.
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