Catherine Fonck (CDH): « Nous avons pris trop de retard en matière de vaccination » (entretien)
Le cheffe de file CDH s’inquiète de voir notre pays entamer après les autres cette étape stratégique pour maîtriser la Covid. Le gouvernement, dit-elle, va seulement présenter un plan… sur papier. Et le ministre Vandenbroucke manque de transparence.
« Forcément, quand on prend du retard à la base pour décider, c’est toujours compliqué de le rattraper ensuite. » Catherine Fonck, présidente du groupe CDH à la Chambre, ne cache pas son inquiétude au sujet de la stratégie de vaccination belge, en dépit de l’annonce faite ce mercredi par le Premier ministre, Alexander De Croo, qu’elle débutera le 5 janvier.
La conférence interministérielle de la santé, qui réunit tous les ministres de la Santé du pays, s’est conclue sans accord, ce mardi, un Conseil des ministres fédéral a lieu ce soir et le plan de vaccination devrait être annoncé jeudi. « Mais ce ne sera encore qu’un plan sur papier, s’étonne le cheffe de file du parti d’opposition francophone. Après, il faut mettre en oeuvre la campagne de vaccination en elle-même: il restera énormément de décisions à concrétiser pour que ce soit opérationnel. »
Un retard institutionnel
Bien sûr, pour l’heure, on ne sait pas encore quel sera le vaccin susceptible d’être administré en premier, compte tenu du/des feux verts qui seront donnés par l’Agence européenne du médicament (EMA). « Mais cela ne devrait pas prendre un mois, il est plus que probable qu’il survienne assez rapidement, dit-elle. La plupart de nos pays voisins sont déjà prêts, nous avons pris un retard considérable. » Celui-ci est dû, en grande partie, à notre complexité institutionnelle.
« On sait que l’on ne va pas administrer le même vaccin à tous les Belges, explique Catherine Fonck. En substance, certains pourront être conservés dans de simples congélateurs et d’autres l’être à -70-80°, certains doivent être administrés en deux fois et d’autres sont présentés par doses pour plusieurs personnes. Cela posera des problèmes de stockage et de nombreuses questions logistiques: matériel de vaccination, personnel pour vacciner, lieux où la vaccination sera organisée…. Jusqu’à présent, on ne nous en a pas dit grand-chose. » Dans les maisons de repos, ce sera assez ‘simple’, mais pour le reste: des officines? des hôpitaux?
La complexité institutionnelle, de ce qu’elle sait des discussions en cours, rend les choses périlleuses. « Il y a un accord sur le financement – 80% pour le fédéral, 20% pour les entités fédérées – mais pour le reste… Qui va organiser le stockage? Les centres de vaccination et la communication, ce devrait être les Régions et Communautés compétentes en matière de prévention… Cela fait des semaines que j’interroge au parlement à ce sujet et, visiblement, cela coince. »
De même, poursuit-elle, il n’y a pas de grande clarté au sujet de la façon d’atteindre l’objectif: quelque 70% de la population devrait être vaccinée afin d’atteindre une immunité collective. « Pour y arriver, il faut se fixer des étapes intermédiaires, se donner des délais. La plupart des pays savent à quel moment ils vont atteindre un taux de 50% de la population vaccinée. Et chez nous? »
Un manque de transparence
Catherine Fonck s’étonne encore d’un manque de transparence au sujet des vaccins qui pourrait compromettre l’adhésion de la population. Il est acquis que ce vaccin ne sera pas obligatoire, ce qui nécessite un gros effort de communication.
« Vous ne réussirez pas à convaincre les gens si vous n’avez pas cette transparence en matière de données scientifiques et de contrats, dit-elle. J’ai déjà abordé cela dix fois, au moins, avec le ministre Vandenbroucke et il ne m’a jamais répondu, en disant comprendre ma frustration. J’imagine pourtant que des informations ont dû être données au moment de la commande. Les informations selon lesquelles les vaccins sont efficaces à 70% ou 95%, c’est du pur marketing commercial, il n’y a pas de donnée scientifique publiée. »
« Tout cela n’est pas de nature à rassurer », souligne-t-elle. Nous avons pris un retard considérable et tout retard va se payer cash, tant en matière sanitaire que socio-économique. » Cette médecin de fomation l’avoue: « J’aimerais bien être une petite souris pour voir ce qui se passe au niveau des conférence interministérielles de la santé. Chaque niveau de pouvoir se bat-il pour savoir ce qu’il est prêt ou non à faire? A un moment, que le fédéral décide seul et qu’il impose aux Régions ce qu’elles doivent faire. Nous n’avons pas le droit de tergiverser. »
Et l’on ne parle pas encore, dans tout ça, de l’ordre des priorités des catégories de population à vacciner. Ce que l’on sait, c’est que le personnel prioritaire de la première phase – personnes de plus de 65 ans, personnes et personnel soignant – représentait, début 2020, environ quatre millions de personnes: 2 204 475 personnes de plus de 65 ans, 1 303 881 personnes de moins de 65 ans présentant des comorbidités courent un risque plus élevé de développer une pathologie Covid-19 sévère, sur la base des facteurs de risque et 498 383 personnes travaillant dans le secteur des soins de santé, sans compter le personnel non médical d’autres institutions et les aidants informels âgés de 50 à 64 ans. Ceux-ci constitueront, en tout état de cause, le premier objectif de l’Etat.
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