Catherine Fonck (CDH) © Belga

Catherine Fonck (CDH): « La gestion du coronavirus? Ce fut en permanence ‘too little, too late' » (entretien)

Olivier Mouton Journaliste

La commission parlementaire spéciale chargée d’évaluer la crise organise ses travaux. La cheffe de groupe CDH espère qu’elle permettra de remédier aux manquements pour éviter d’autres confinements. Elle craint le manque de transparence et les jeux de ping-pong entre pouvoirs. Entretien.

Catherine Fonck, cheffe de groupe CDH à la Chambre, est membre de la comission spéciale chargée d’évaluer la crise du coronavirus. Sans voix délibérative, en raison du poids modeste de son parti (cinq députés). Elle représente aussi la seule formation politique qui, pour l’heure, n’est présente dans aucune majorité au pouvoir. Très investie depuis le début de la crise, cette médecin de formation préface des travaux qu’elle espère « sans tabous ».

Le PTB dénonce dans un tweet le fait que l’ordre du jour des travaux de la commission soit déterminé à huis-clos. Vtre sentiment?

Nous avons eu une deuxième réunion ce vendredi matin pour poursuivre la mise en place de la méthode de travail. Certains membres de la commission ont tweeté de façon purement politique au cours de celle-ci, mais ce sont des petits jeux qui ne m’intéressent pas. Le huis-clos se justifiait notamment, cette fois-ci, parce que l’on devait évoquer des noms de personnes dans le cadre de la désignation des quatre experts qui vont accompagner nos travaux. Le PTB est peut-être vexé parce qu’il n’a pas obtenu le poste de vice-président de la commission ou de rapporteur, je ne sais pas, mais cela ne m’intéresse pas.

Vous attendez beaucoup de cette commission spéciale?

J’ai énormément d’attentes, bien sûr. La première, c’est que nos travaux puissent se dérouler en parfaite transparence. Si j’avais plaidé pour la mise en place d’une commission d’enquête, et non d’une commission spéciale, c’est parce qu’il y a beaucoup de demandes que l’on nous a refusées au cours de la crise. J’ai d’ailleurs listé tous les documents auxquels j’espère avoir accès, avec la volonté de pouvoir en disposer rapidement pour mener un travail de fourmi ces prochaines semaines. J’ose aussi espérer que cette commission spéciale ne va pas reproduire les jeux de ping-pong entre les niveaux de pouvoir auxquels nous avons assisté ces derniers mois.

Quels sont les enjeux de fond?

Il y a des choses qui ont été bien gérées durant cette crise, mais il y a aussi eu une lenteur de réaction, un manque d’anticipation. Je résumerais cela par ces mots: ‘Too little, too late‘. Etait-on prêt pour gérer une telle épidémie? Non! Faut-il un plan d’urgence pour l’ensemble du pays, tous niveaux de pouvoir confondus, au-delà du plan spécifique pour les hôpitaux? La réponse est oui. Faut-il constituer une réserve stratégique en vue d’une prochaine épidémie? Oui!Et je ne parle pas de la question du tracing ou de la décision que l’on vient enfin de prendre pour le port obligatoire du masque, alors qu’on la réclame depuis des semaines et des semaines.

Je répète: « Too little, too late« . Le problème, dans notre pays, c’est que personne n’est jamais responsable de rien, tout le monde se renvoie la responsabilité de ce qui ne va pas. J’espère vraiment que cette commission ne reproduire pas ce petit jeu insupportable entre les différents gouvernements.

J’espère enfin que les travaux de cette commission seront efficaces et sans tabous. On ne peut plus se permettre de reconfiner! Nous devons absolument renforcer les maillons faibles que nous allons déceler pour éviter de devoir le faire à nouveau, parce que ce serait catastrophique. Que ce soit dans le cas d’une seconde vague, en espérant pouvoir l’éviter, ou dans le cas d’une épidémie d’un autre type.

Craignez-vous que la commission spéciale ne puisse mener ce travail à bien?

Je vois deux faiblesses.

La première, c’est qu’il ne s’agit pas d’une commission d’enquête, contrairement à ce que nous demandions. Si on nous répond à tout bout de champ que l’on ne peut recevoir tel ou tel document, que l’on ne peut pas auditionner l’un des nombreux experts intervenus durant cette crise, ce sera un problème.Ce sera le premier test de crédibilité.

La deuxième faiblesse, c’est le risque que l’on reproduise le jeux des gouvernements qui se renvoient sans cesse la balle. Nous devons dépasser les discours liés au strict respect des compétences. Je vais donner un exemple: les maisons de repos. On peut bien sûr évoquer le fait qu’il s’agit d’une compétence régionale. Mais nous devrons en parler parce qu’il est essentiel que l’on évoque une vision de la santé plus intégrée, avec un continuum de soins. Si chacun s’accroche à tout bout de champs aux structures, on ne pourra pas trouver de solutions innovantes.

Je peux vous assurer que je compte bien veiller à ce que l’on parle de tout ça. Cette commission doit être efficace et sans tabous, faute de quoi elle ne mènera pas à bien la mission qui doit être la sienne.

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