Carte blanche
Catastrophes climatiques, risques sanitaires…: les populations les plus vulnérables sont aussi les plus pauvres!
Pour un droit de protection aux chocs externes, augmenter très rapidement les revenus les plus bas est vital!
À la mi-juillet, après la pandémie, la Belgique est à nouveau frappée par une crise majeure. À la suite des inondations, 41 personnes ont perdu la vie, plus de 10 000 personnes n’ont plus de logement, des infrastructures essentielles ont été détruites et la reconstruction prendra des mois, voire des années. Si ces inondations ne touchent pas uniquement des ménages vulnérables, force est de constater qu’une fois de plus, les personnes confrontées à de multiples inégalités dont de trop faibles revenus, sont les principales victimes de cette catastrophe. Si les autorités publiques agissent dans l’urgence pour tenter notamment de juguler l’appauvrissement, il est tout aussi urgent que les responsables politiques prennent enfin les décisions nécessaires pour mieux les protéger préventivement de ces types d’événements. De plus, la pauvreté risque de s’accroître parce que le coeur de l’équilibre complexe des ménages est touché, à savoir le logement et la totalité de ce que les personnes possédaient. Si les crises impactent tout le monde, elles fragilisent fortement ceux celles qui sont privé.e.s du minimum décent et sécurisant pour vivre.
Une partie très importante des personnes touchées par les inondations sont des personnes à très faibles revenus. Cela ne devrait pas nous surprendre. Les personnes à faibles revenus vivent souvent dans les quartiers où les loyers sont les plus bas. Moins bien localisés et plus vétustes, les récentes inondations les ont fortement impacté. A Verviers, par exemple, la Vesdre a frappé plus durement à Hodimont, Ensival et Pré-Javais. L’intensité exceptionnelle de ces vagues, comme les qualifient les habitant.e.s, n’en a fait qu’une bouchée, avec également trois cités d’habitations sociales de Trooz. Ce sont aussi les quartiers où vivent les personnes avec les revenus les plus faibles.
Cela signifie que les risques de fragilisations accrus sont importants et les possibilités de « se rétablir » sont beaucoup plus difficiles pour ces ménages. Leurs revenus trop faibles leurs permettaient déjà difficilement de joindre les deux bouts dans des circonstances « normales ». Ainsi une personne exprimait ceci au lendemain du drame : « Nous n’avions déjà rien, maintenant nous avons moins que rien ». Beaucoup ne sont souvent pas assurés ou insuffisamment parce qu’il faut choisir entre la prudence et la survie . Pour leurs déplacements, surtout dans les régions rurales, les personnes ont recours à des voitures d’occasion sans assurance omnium. S’il existe un fond des calamités, les critères d’accès sont actuellement fortement limités. Malgré les nombreux efforts des autorités locales, elles-mêmes fortement impactées, les personnes vivant dans les quartiers les plus pauvres indiquent également que l’aide ne leur parvient pas ou pas suffisamment. Pour beaucoup d’entre elles, outre le traumatisme, les perspectives d’avenir risquent d’être assombries, si outre les réponses conjoncturelles, des mesures structurelles accélérées ne viennent pas les soutenir.
Le fait que les personnes en situation de pauvreté soient les plus impactées n’est malheureusement pas inattendu. La crise covid l’a déjà montré : les personnes en situation de pauvreté ont été exposées à une plus grande surmortalité (voir étude de Solidaris). Les travailleur·euse·s précaires étaient les moins bien protégé·e·s par la sécurité sociale, en raison de l’augmentation des dépenses en biens de base (nutrition, électricité, gaz,…), les personnes à faibles revenus ont eu des difficultés à payer leurs factures, leur loyer, etc. Si nous voulons faire en sorte que celles-ci ne soient plus celles qui paient le prix fort lors tels chocs « externes » qui risquent de se reproduire selon les expert.e.s, il n’y a qu’une seule solution, s’attaquer à la pauvreté et aux inégalités structurelles persistantes dans notre société.
Si de nombreuses mesures sont à prendre face à l’ampleur de telles crises, tant au plan sanitaire, environnemental, qu’en terme d’aménagement du territoire, d’accès à des logements de qualité, etc., l’importance de concrétiser une mesure qui fait consensus depuis des années l’est tout autant : il faut de toute urgence garantir un revenu adéquat pour tou.te.s en relevant les revenus les plus faibles au-dessus du seuil de pauvreté européen. Car le constat est à nouveau sans appel dans le cadre de ces inondations, sans un revenu décent, l’obligation de survie met fortement en danger ! Il est impossible pour les personnes avec de trop faibles revenus de s’adapter aux grands changements auxquels notre société est confrontée en matière de climat, de numérisation, de santé, etc. Inutile d’attendre encore d’autres catastrophes, il faut agir et vite ! Les personnes contraintes de se battre quotidiennement pour vivre, malgré la pauvreté, le savent. C’est pourquoi, la plateforme « Belgian Minimum Income Network »(BMIN), constituée des Réseaux de lutte contre la pauvreté, les syndicats, les mutuelles, des scientifiques et d’autres organisations de la société civile, plaident depuis plus de 10 ans en faveur de revenus adéquats (depuis plus de 10 ans, le « Belgian Minimum Income Network » (BMIN), qui est coordonné par le Réseau belge de lutte contre la pauvreté (BAPN) préconise des revenus adéquats et accessibles pour tou.te.s.).
Les trois derniers gouvernements fédéraux n’ont pas été sourds à cette revendication puisqu’ils ont inclus l’augmentation des revenus les plus faibles dans leur accord de coalition. Cependant, sous les gouvernements Di Rupo et Michel, il n’y a pas eu passage de la parole aux actes. Le gouvernement De Croo est le premier à avoir décidé effectivement une augmentation des revenus « en direction du seuil de pauvreté« . Si les partenaires de la plateforme BMIN se réjouissent de ce passage à l’acte, ceux-ci ont également exprimé que l’augmentation décidée est largement insuffisante, beaucoup trop lente, et ne constitue qu’une goutte d’eau dans l’océan au regard des événements dramatiques que connaissent les populations concernées. Toutes les compensations conjoncturelles ne combleront jamais ce déficit structurel.
La plateforme BMIN appelle nos décideurs politiques à avoir l’ambition de réduire la pauvreté et donc de combattre l’affaiblissement des personnes en situation de pauvreté lors de la reconstruction de notre pays après les inondations, tout autant que suite à la crise sanitaire. Que cette nouvelle catastrophe indique le chemin pour prendre enfin les mesures structurelles nécessaires. Mettez les personnes qui se battent pour vivre malgré la pauvreté dans de bonnes conditions afin de faire face aux futurs défis sociétaux. Mettez fin au fait que des centaines de milliers de personnes en Belgique ne peuvent toujours pas mener une vie digne et sécurisante Augmentez enfin les revenus les plus faibles au-dessus du seuil de pauvreté européen ! Sans plus attendre !
Partenaires du Belgian Minimum Income Network (BMIN), plateforme qui se bat pour des revenus décents et accessibles pour tou.te.s.
Sources:
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