Carl Devos : « Georges-Louis Bouchez devra poser un geste clair »
La fin de Vivaldi est-elle en vue ou Bouchez et Rousseau peuvent-ils encore arrondir les angles? « Ils vont tous les deux droit au but et ils n’ont pas peur de nouvelles élections », estime le politologue Carl Devos.
Une nouvelle fois, la politique belge est en proie à des tensions. Dimanche soir, le président du sp.a, Conner Rousseau, a déclaré qu’il ne voulait plus négocier avec les libéraux francophones présidés par Georges-Louis Bouchez. Lundi après-midi, les préformateurs Rousseau et le président de l’Open VLD Egbert Lachaert se sont rendus chez le roi Philippe pour lui présenter leur démission, qui a été refusée par ce dernier. Les deux présidents ont jusqu’à mercredi pour arrondir les angles. Le sp.a reviendra-t-il sur son ultimatum de dimanche ou Bouchez mettra-t-il de l’eau dans son le vin ? Et cette fois, Lachaert est-il prêt à lâcher MR? Nos confrères de Knack ont demandé des explications au politologue Carl Devos (Université de Gand).
« L’histoire nous apprend que chaque tentative de formation a sa crise. Le problème cette fois-ci, c’est qu’elle éclate très tard et tourne autour d’un président de parti spécifique qui est solidement en place. Après, je n’exclus pas que le sp.a revienne sur ses pas, mais alors Bouchez devra poser un geste clair », explique Devos
Ce n’est pas la première fois que le sp.a et le MR ne s’entendent pas. Un geste de Bouchez suffira-t-il à garantir un gouvernement stable ?
En effet, la démarche de Rousseau n’est pas surprenante : au sein du sp.a, il y a depuis quelque temps une grande insatisfaction quant à la prestation de Georges-Louis Bouchez. Souvenez-vous de l’accrochage qu’ils ont eu il y a quelques mois et pour lequel ils se sont réconciliés avec un verre symbolique rouge et bleu de Chaudfontaine. Cette tentative de réconciliation a apaisé les émotions pendant un moment, mais n’a pas pu dissiper les tensions sur le contenu des pourparlers.
Bien entendu, Bouchez met tout en oeuvre pour rendre l’accord de coalition le plus à droite possible en termes de contenu, alors que les sociaux-démocrates flamands ne veulent rien savoir. Dans la dernière ligne droite vers la formation d’un gouvernement, ces frictions politiques font naturellement surface, surtout entre deux présidents tout neufs qui vont tous deux droit au but et n’ont pas peur de nouvelles élections.
Le président de la N-VA, Bart De Wever, s’est également plaint de la performance de Bouchez.
Bouchez ne respecte pas ses rendez-vous, change constamment d’avis, organise une fuite et y répond … De Wever avait raison, mais ses déclarations étaient dures, fortes et arrivaient à un moment où il négociait avec la famille libérale au sujet d’un gouvernement jaune-violet. La frustration que suscitent les actions de Bouchez est en fait ressentie par toutes les parties qui se sont assises autour de la table avec lui. Au CD&V, on entend les mêmes voix qu’au sp.a, mais les chrétiens-démocrates ne le font pas ouvertement parce qu’ils ont peur de nouvelles élections.
Bouchez a-t-il pris le risque de voir le sp.a tenir bon et de voir Lachaert lâcher les libéraux francophones ?
C’est vrai, mais nous devons voir si on en arrive là. Il était remarquable que le président de l’Open VLD, Egbert Lachaert, ait seulement déclaré qu’il rendrait sa mission au roi s’il ne peut pas mettre en place un gouvernement Vivaldi. Toutefois, il n’a pas dit qu’en aucun cas il ne lâcherait le MR. Sans le dire explicitement, l’Open VLD indique donc que la condition de gouverner avec le MR n’est plus d’application.
Lors des négociations sur le gouvernement jaune-violet, Lachaert ne voulait pas lâcher le MR. A-t-il un problème de crédibilité ?
Absolument. Lachaert et son parti ont de gros problèmes. En fait, ils ne peuvent pas aller plus loin. Les nouvelles élections risquent d’être une catastrophe et gouverner sans le MR et avec le CDH produirait un programme à peu près aussi à gauche que le texte jaune-violet. Lachaert l’a qualifié de « communiste ». Pour le CD&V, un gouvernement sans le MR ne serait pas inintéressant : dans ce cas, le parti ne serait plus incontournable et retrouverait sa famille politique du côté francophone. Les chrétiens-démocrates auraient ainsi une plus grande prétention à la première place, même si cela n’éliminerait pas la discorde au sein du parti.
L’Open VLD ne peut-il pas revendiquer le « 16 » si en échange il lâche le MR?
Ce serait très difficile, mais ce n’est pas une piste irréaliste. La question est de savoir que représente encore ce poste de Premier ministre. Avec douze sièges et sans partenaire de la même famille politique, il est difficile de peser sur le contenu, même si vous livrez le Premier ministre.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici