Caricature de Mahomet: un enseignant mis à pied devant le Conseil d’Etat
L’instituteur écarté de l’école n°11 de Molenbeek va aujourd’hui au Conseil d’État. Il avait montré à ses élèves la caricature de Mahomet que n’a pas supportée l’assassin de Samuel Paty.
A.D., le professeur de philosophie et de citoyenneté mis à pied pour avoir montré une caricature de Mahomet à une classe de 5e de l’école Aux sources du gai savoir de Molenbeek, demande l’annulation de cette décision devant le Conseil d’État. La mort horrible du professeur d’histoire-géographie de Conflans-Saint-Honorine, Samuel Paty, avait suscité des questions dans sa classe. Il avait donc préparé pour le jeudi 22 un cours sur la liberté d’expression. A la demande d’élèves, l’enseignant leur a alors montré, non sans hésiter, le dessin de Coco (Charlie Hebdo) à l’origine du drame : le prophète Mahomet, nu, sous le titre « Une étoile est née ». Le même cours a été donné en 6e, mais sans le dessin.
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Dès le lendemain, une dame faisait écouter au directeur de l’école le message vocal d’une maman dont l’enfant avait été choqué. Après enquête auprès des élèves de 5e et de 6e, le directeur a fait savoir au professeur qu’il ne devait pas se présenter à l’école le lundi 26, mais se rendre à l’administration communale. Son écartement lui a été signifié par la directrice du département Education, Petite enfance, Sports et Jeunesse. Décision confirmée dès le lendemain par la bourgmestre Catherine Moureaux (PS), qui a l’Instruction publique dans ses attributions.
Dans sa requête en annulation, l’avocat de l’enseignant molenbeekois, Me Jean Bourtembourg, épingle deux difficultés. D’une part, la directrice du département Education ne pouvait pas prendre cette décision qui relève de la responsabilité du Collège. Ce dernier est également fautif car, le 29 octobre, « il ne pouvait valablement ratifier l’acte pris par une autorité incompétente sans s’approprier l’illégalité de cet acte. » D’autre part, pour l’avocat, cette mesure constitue « une erreur manifeste d’appréciation » et « un excès de pouvoir ». L’article 60 du décret du 6 juin 1994 permet « d’écarter sur le champ un membre du personnel en cas de faute grave pour laquelle il y a flagrant délit ou lorsque les griefs qui lui sont reprochés sont tels qu’il est souhaitable dans l’intérêt de l’enseignement que le membre du personnel ne soit plus présent à l’école ». Ce n’est pas le cas pour la production d’une image illustrant un cours sur la liberté d’expression dans le cadre d’un fait d’actualité où celle-ci a joué un rôle. L’enseignant ne fait pas non plus l’objet de poursuites pénales, d’une procédure disciplinaire (depuis lors initiée) ou d’une incompatibilité qui auraient permis de justifier un écartement immédiat.
« Agi dans l’improvisation »
De son côté, le Collège communal de Molenbeek avait motivé sa décision par « la manière trop directe de traiter ce sujet d’actualité » et par le préjudice porté aux « intérêts de l’enseignement du pouvoir organisateur » : l’enseignant aurait dû se concerter avec son directeur pour préparer ce « sujet très sensible » ; il a préparé sa leçon « sur la base d’un dossier pédagogique conçu pour des élèves plus âgés » et « agi dans l’improvisation lorsqu’il a choisi de montrer la caricature litigieuse. » Pour Catherine Moureaux (PS), c’est le caractère « obscène » de l’image montrée devant une classe de 5e année dont les enfants ont environ 10 ans qui est incriminé, et non les caricatures religieuses. Signe d’une gène qui touche aussi les adultes : La caricature de Charlie Hebdo ne figure pas au dossier ouvert par la commune.
Le professeur de philosophie et de citoyenneté est convoqué devant le Collège le 17 décembre prochain. Il devrait être changé d’école et placé sous la tutelle d’un autre enseignant.
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