Carte blanche
Canettes consignées: « Madame Tellier, vous avez le pouvoir de motiver l’industrie à retrouver le chemin du bon sens » (carte blanche)
Régine Florent, auteure d’une pétition au parlement wallon en faveur de la consigne sur les canettes et les bouteilles en plastique, adresse cette lettre ouverte à la ministre wallonne de l’Environnement Céline Tellier (ecolo),aux membres de la commission environnement et à tous les députés.
Chère Madame la Ministre,
Chers membres de la Commission,
Chers député.e.s
Je voudrais partager avec vous quelques réflexions post-audition.
J’ai porté au parlement la voix de 80% des citoyen.nes qui demandent la consigne. J’ai parlé … mais ai-je été entendue, avons-nous été entendus ?
Nombre d’entre vous ont continué à parler de l’importance de l’expérience-pilote « prime retour » alors que vous savez pertinemment bien qu’elle n’est en rien comparable au vrai système de consigne. Il aurait été plus simple et utile d’aller voir en Hollande ou en Allemagne comment ça se passe ou simplement de lire le rapport de l’étude très complète faite sur le sujet en 2018 par onze intercommunales flamandes et la ville d’Anvers (j’en parlerai plus loin).
Vous savez aussi que ces expériences-pilotes ont été mises sur pied par les organismes qui NE VEULENT PAS DE LA CONSIGNE. (Système hyper compliqué, laborieux, peu motivant). Expériences vouées à l’échec ! Quels résultats scientifiques espérer de telles expériences ?
Vous avez été nombreux à reparler de caméras et de répression alors qu’il est hyper facile de jeter une canette régulièrement sans se faire prendre. La preuve, je le répète, les 16000 canettes et bouteilles déposées devant le parlement ont été jetées « discrètement » sans que personne ne se fasse « pincer ». Par ailleurs, les caméras et la gestion de la répression sont financées par les contribuables.
C’est l’industrie (qui se cache derrière FostPlus et BeWapp) qui, à un moment donné, a fait le choix délibéré de tourner le dos aux « vidanges consignées » pour se lancer dans l’aventure (néfaste à l’environnement mais très profitable pour eux) du jetable gratuit. Ce n’est pas aux contribuables, ni à la nature de payer pour ces choix regrettables de l’industrie.
Or actuellement, les citoyen.nes paient tous les jours : en voyant leur environnement se dégrader, en payant le ramassage par les ouvriers communaux ou régionaux, en finançant des caméras de surveillance, en donnant de leur temps pour ramasser les crasses qui enrichissent l’industrie.
Les citoyen.nes sont impuissants mais le monde politique a le pouvoir, voire le DEVOIR de fixer des règles strictes au monde de l’entreprise afin de les empêcher de nuire à l’intérêt public en poursuivant avidement leurs intérêts privés. L’industrie ne veut pas de la consigne car ils craignent que leurs bénéfices soient affectés et c’est relativement normal, ils défendent « leur beefsteak » … mais le monde politique a le devoir de leur dire STOP, d’exiger qu’ils assument les conséquences de leurs actes.
Ils ont VOULU LE JETABLE … qu’ils assument maintenant les conséquences de ce choix. Ils sont seuls responsables de ce gâchis. Ils ne veulent pas de la consigne ? Ce n’est pas à eux de décider !
Vous avez le pouvoir de leur imposer …
Certain.e.s d’entre vous ont aussi minimisé l’importance des canettes et bouteilles en plastique dans l’environnement alors que le site de BeWapp fait état de – 16500 sacs « tout venant » et de 12300 sacs PMC ramassés en 2020.
Il s’agit bien d’une proportion de 42% de sacs PMC. J’avais parlé d’un tiers, voire 40% avant d’être contredite.
Enfin, je voudrais partager avec vous une étude très intéressante produite par RECOVER (10 intercommunales flamandes en collaboration avec les universités de Leuven, Hasselt et Anvers). Ce document analyse les systèmes de collecte et de recyclage en Flandre mais aussi dans divers pays où la consigne est d’application. Les recherches montrent clairement les effets bénéfiques du système de consigne sur les déchets sauvages et sur la qualité du vrai recyclage. Ce document fait aussi la lumière sur le fait que des systèmes similaires à notre « sac bleu » continuent à exister en parallèle avec un système de consigne efficace.
Il donne aussi des pistes de réflexion quant aux règles qui devraient être imposées à l’industrie afin de faciliter le recyclage.
« Le meilleur déchet est celui qui n’existe pas » est une phrase que j’ai entendue à plusieurs reprises mardi dernier lors de mon audition en commission Environnement du parlement wallon et avec laquelle je ne peux qu’être d’accord …
Toutefois, force est de constater que c’est un voeu pieux, nous ne vivons pas dans un monde zéro déchet ! Chaque jour, l’industrie et la publicité poussent les citoyen.nes à (sur)consommer et c’est ce qu’ils font, produisant des masses considérables de déchets plastiques et autres.
Je pense que l’industrie est un peu comme un enfant à qui il faut imposer des règles … sinon ils font n’importe quoi.
Nous observons qu’alors que l’on disserte sur le « zéro déchet », les emballages jetables ne font qu’augmenter !
Je vous invite à ce propos à lire la traduction d’un article néerlandais intitulé : « Statiegeld is geen doel op zich maar een middel om de kringloop te sluiten » « La consigne n’est pas un but en soi mais un moyen d’arriver à une économie plus circulaire. » On y parle des manoeuvres « historiques » de l’industrie pour s’opposer à la consigne.
Si nous ne faisons rien, nous allons continuer à exporter nos déchets vers des pays moins développés, comme nous le faisons déjà…
NOUS SOMMES LES CHAMPIONS DU MONDE DU RECYCLAGE affirme FostPlus et dans le même temps, en 2019, la Belgique, a envoyé à la Turquie 85.843 tonnes de déchets plastiques et figure dans le trio de tête des exportateurs de déchets, derrière l’Angleterre et l’Italie.
Les chiffres rapportés en 2020 par Greenpeace étaient encore plus accablants pour la Belgique, qui est passée en deuxième position.
En 2019, une émission « Question à la Une » a aussi rapporté des exportations de déchets vers la Malaysie et la Turquie.
Si ces déchets plastiques affluent vers des pays moins développés, c’est que nous n’avons pas résolu nos problèmes de déchets ...
Nous ne nous dirigeons pas vers l’économie circulaire, nous sommes en train de nous en éloigner. Il faut changer de cap sans tarder.
Qui, sinon vous, a le pouvoir de motiver l’industrie à retrouver le chemin du bon sens … ?
Commençons par consigner les canettes et les bouteilles en plastique puis pensons à réduire la présence des emballages jetables dans nos magasins …
Qu’en pensez-vous ?
Je vous remercie pour votre attention et vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments les plus constructifs.
Bien à vous,
Régine Florent, citoyenne auteure d’une pétition au parlement wallon en faveur de la consigne.
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