Ça s’est passé l’année prochaine: 2022 fut dix mille fois plus dingue
Impensables, 2020 et 2021? Allons donc! 2022 a été dix mille fois plus dingue. On a tout eu, on a tout vécu. Et on a presque tout perdu. Au point que c’est déjà écrit dans des livres et qu’on en a souvent fait tout un film.
En cette fin d’année, Le Vif a décidé de prendre le temps. D’enquêter, de raconter le monde, d’offrir à ses lecteurs des récits qu’ils ne liront pas ailleurs. Retrouvez tous les articles de notre premier mook ici.
Quelle année ce fut, celle qui arrive! La planète est partie en lambeaux. Désastres ajoutés aux tragédies. Tyrannies mariées aux calamités. Plus aucune ressource naturelle à tirer, faune et flore pratiquement rayées, séismes à la chaîne, nouveaux prédateurs par légions, technologie démoniaque, humanité en perdition… Rétrospective de l’an de disgrâce 2022.
FEVRIER – Shutdown mondial et foot robotisé
Ça sent déjà la fin du monde mais on n’annule pas pour autant la finale du Super Bowl. C’est peut-être la dernière… Elle était donc prévue le dimanche 13 février, au soir, au SoFi Stadium de Inglewood, en Californie. Mais un gigantesque bug technologique est survenu, un off général, une trahison des intelligences artificielles, la vaste extinction. Tous les systèmes morts: électriques, numériques, électroniques, téléphoniques, plongeant écrans et villes dans le noir, bloquant ascenseurs et métros, paralysant les hôpitaux, affolant les avions… Les magasins se sont barricadés, on a allumé des bougies et enfilé des lainages, les gens sont sortis pour se rassurer puis se sont battus. Tout le monde s’est découvert soudain si vulnérable, si dépendant des choses qu’on ne contrôlait plus.
Le dernier Super Bowl classique aura donc été celui de 2021. Puisque, dès le retour des connexions, les règles ont changé en football américain: ce ne sont plus des joueurs qui s’affrontent désormais mais des robots. Le ballon est maintenant une bombe et le but du match est de la faire exploser dans le camp adverse.
Même le sport est devenu complètement fou, en 2022.
MARS – Violence légale aux USA
La grande sorgue rôdant, la secte millénariste des Nouveaux Pères fondateurs de l’Amérique (NFFA) s’y est emparé du pouvoir. Pour juguler la criminalité et le chômage, elle a institué parmi ses premières mesures ce qu’elle appelle « la Purge »: entre le 21 mars à 19 heures et le 22 mars à 7 heures, tous les délits sont autorisés, sauf s’attaquer à un membre du gouvernement ou utiliser grenades, lance-roquettes, missiles et autres armes du genre. Ce sont surtout les SDF et les habitants de quartiers défavorisés qui ont été visés par ce feu vert à douze heures de violence légale.
Autre mesure: les criminels très dangereux sont envoyés sur l’île-prison d’Absolom. Dont on ne s’échappe jamais et où le directeur fait larguer la nourriture par hélico dans des endroits isolés, pour que les détenus s’entre-tuent. Une autre prison a fait parler d’elle, l’année prochaine: celle de haute sécurité de New Alcatraz, d’où on a libéré quatre détenus pour qu’ils aillent sauver un vaisseau spatial en perdition. Durant la mission, une femme s’est introduite par effraction dans leur programme de réalité virtuelle personnel, destiné à leurs loisirs et fantasmes. Elle y a éliminé tous les personnages fictifs. Puis s’est attaquée, en chair et en os, à l’équipage.
En 2022, distinguer l’humain de l’immatériel est devenu quasiment impossible.
AVRIL – Tsunami sur Bangkok et président islamiste en France
Le 13 avril, la Thaïlande a fait l’actualité: malgré la création du Centre national des catastrophes naturelles après le cauchemar du 26 décembre 2004, un séisme bien plus violent que celui d’il y a dix-huit ans a frappé Bangkok, la capitale. En cause: l’éruption de trois volcans, qui ont déclenché le plus grand tsunami de l’histoire terrestre.
Les éléments n’étaient pas rassasiés pour autant: Dutch Boy, le dispositif international satellitaire d’ajustement climatique installé en 2019, a été détourné. Résultats: des villages gelés en Afghanistan, une explosion de gaz à Hong Kong due aux fortes chaleurs, un tsunami à Dubaï, un déluge de grêle au Japon, une tempête d’envergure mondiale…
En France, universités islamisées, femmes exclues du marché de l’emploi, polygamie instaurée, chômage et délinquance réduits à rien…
Le 24 avril, cataclysme en France, mais d’une autre nature: Mohammed Ben Abbes, chef de la Fraternité musulmane, est devenu président de la République, battant Marine Le Pen au second tour de l’élection. Dans un climat insurrectionnel, avec affrontements entre identitaires et salafistes, mais en ayant rallié tous les partis traditionnels. L’Hexagone s’en est retrouvé pacifié (la délinquance a été divisée par dix), François Bayrou est réapparu et a été nommé Premier ministre, les universités ont été privatisées et islamisées (la Sorbonne est maintenant financée par l’Arabie saoudite), les enseignants ont dû se convertir ou démissionner, des marieuses ont fourni en étudiantes ceux qui pouvaient rester, les femmes ont été exclues du marché de l’emploi, le taux de chômage a été réduit à presque rien, les allocations familiales conditionnées à la cessation de toute activé professionnelle, la polygamie instaurée… Le programme de Fraternité musulmane considère que « celui qui contrôle les enfants contrôle le futur ». En conséquence, « chaque enfant français doit avoir la possibilité de bénéficier, du début à la fin de sa scolarité, d’un enseignement islamique ».
Comment en est-on arrivé là? L’une des explications: on a découvert après l’élection que, depuis 2017, depuis un « cabinet noir » au coeur du pouvoir, des robosapiens avaient réinventé « la façon dont les électeurs peuvent être efficacement manipulés et convaincus de voter en masse pour le futur chef de l’Etat choisi par une équipe restreinte ». Ces robots-jouets avaient donc créé le « candidat fantastique, sélectionné, formaté et entraîné à cette haute fonction en moins de trois ans, sans jamais avoir vraiment eu auparavant la fibre patriotique chevillée au corps ni ressenti l’envie viscérale de se présenter à un suffrage dont il ne connaissait guère les règles »…
MAI – Los Angeles rasée
Pendant ce temps, le coronavirus a continué son festin. Rien qu’à Los Angeles, jusqu’à deux millions de morts par jour. Los Angeles où les réplicants Nexus-8 de la Tyrell Corporation, toujours plus humains, d’apparence et d’âme, étaient pourchassés par les suprémacistes, qui les pendaient haut et court dans les rues. En mai, un commando de ces automates androïdes – créés dès avant 2016 grâce à des transferts énogénétiques spécifiques – a donc détourné un missile sur la ville, pour que l’humanité, la vraie, y retrouve enfin ses droits. La production de réplicants a depuis été interdite et la Tyrell Corporation a fait faillite. Mais la Wallace Corporation l’a acquise et a déjà relancé un nouveau modèle qui devrait voir le jour dans les prochaines décennies.
Ailleurs aux USA, on a récolté ce que des hackers avaient semé en 2012, via un virus injecté dans les versions électroniques du Nasdaq: dix ans plus tard, les groupes financiers qui ont survécu, comme la Cytox Corporation, se sont déchirés à travers une guerre armée, forçant les citoyens à choisir leur camp. Des villes ont été le théâtre d’affrontements d’une violence inouïe entre mercenaires, gangs de rue, forces de l’ordre et milices, robots d’entreprises rivales.
En 2022, en un petit semestre, le chaos a colonisé toute la Terre.
L’ÉTÉ – Aliments à base d’humains à New York
Et on n’était loin du bout de nos peines! A New York, on a ainsi assisté à d’autres scènes effarantes: quarante-quatre millions d’habitants entassés sous une température permanente de 33°C, crevant de faim et de soif, provoquant des émeutes matées par des « dégageuses », ces camions à benne bulldozers qui ramassent par pelletées les manifestants. La surpopulation a poussé les habitants sans toit à s’agglutiner la nuit sur les escaliers des immeubles. On a découvert que les vieux étaient éliminés par leurs propres proches, pour toucher l’indemnité de décès et parce que ça faisait des bouches en moins à nourrir. Pour manger, justement, un seul et ultime moyen s’est imposé: ingérer les tablettes jaunes, orange ou bleues de la multinationale Soylent Corporation. Des aliments de synthèse, produits à partir de plancton océanique ou de germes de soja.
Puis est arrivé le Soylent Green, plus cher parce que plus riche en nutriments mais disponible seulement le mardi, amplifiant les insurrections. Presque au moment de l’assassinat, chez lui, de William Simonson, l’un des boss de Soylent Corporation. L’enquête a révélé qu’il y avait dans son appartement, comme dans celui de son garde du corps, des aliments frais, vrais (viande, confiture de fraise, bourbon…), que chez ces gens-là les compagnes étaient du mobilier (elles restaient dans les lieux, à disposition des locataires ou propriétaires successifs) et que le Soylent Green était en réalité fabriqué à partir de cadavres humains! On donnait à manger aux gens des gens…
A New York, on donnait à manger aux gens des gens…
Pendant ce temps, le coronavirus ne faiblissait pas: début août, on en était à 31,2 millions de morts, rien qu’aux Etats-Unis. Los Angeles s’est dès lors transformé en Etat policier.
En 2022, ceci n’était plus une planète. C’était un enfer.
OCTOBRE – Attaque d’aliens
Un enfer sans limite: déjà la proie de tous les fléaux, les USA ont été la cible d’une attaque d’aliens le 6 octobre. Même le Capitole est tombé, avec son bunker nucléaire secret. Mais l’humanité a sauvé ce qui lui restait de peau grâce au pilote de chasse américain Michael Raynor: en mission à travers le temps, il était en bivouac, au moment de l’invasion, dans l’année 1992. C’est de là qu’il a pu alerter pour qu’on parvienne à repousser les aliens.
Tous ces épisodes menant à une seule et même conclusion: c’est la technologie, défaillante ou salvatrice, visionnaire ou cataclysmique, qui a influencé tout le déroulement de l’année prochaine. L’affaire Okinotori-island Mega Float City n’en a été qu’une énième illustration. Depuis cette académie japonaise, grâce à une technologie de l’informatique quantique révolutionnaire, on a pu, l’année prochaine, transférer l’esprit des gens dans le cyberespace par un réseau de nanomachines implantées dans le cerveau, le corps restant baigné dans une cuve d’eau. Mais un accident est survenu, tuant une grande partie des utilisateurs. Il est apparu ensuite que les esprits ayant pu être récupérés n’ont peut-être pas réintégré leur corps d’origine…
NOVEMBRE – Massacre de gamers
Et la sidération a encore été mondiale le 6 novembre: plus de 10 000 joueurs s’étaient connectés, pour la première fois, au jeu Aincrad, qui exige un casque virtuel spécifique, le NerveGear, et comporte cent paliers. On accède au suivant uniquement en ayant battu le boss du précédent. Mais le créateur du jeu avait piégé les participants: si on mourait dans le jeu, on mourait dans la vie. Et qui tentait de débrancher son casque d’immersion y passait aussi. Bilan: 213 joueurs tués le premier jour, leurs proches ayant essayé de les déconnecter, et plus de deux mille le premier mois, battus par une créature du jeu. Ils seraient toujours quelques centaines à jouer. Par addiction ou obligation de survie.
Entre-temps, aux Etats-Unis, face à la multiplication d’attentats, notamment à Los Angeles (véritable ville martyre de 2022) et Seattle, nouveau changement de régime: le pays est tombé dans la théocratie fondamentaliste chrétienne, dirigée par la First Evangelical Church of Plano. Contrôle absolu de tous les habitants, notamment via le Bureau de moralité, permis de mariage et d’enfanter institués, opposants envoyés dans des camps ou liquidés. Et médicament immunisant contre toute attaque bioterroriste injecté dans l’eau courante. Mais on a découvert qu’il s’agissait d’une drogue psychoactive réduisant l’agressivité, affectant la mémoire et augmentant l’adhésion aux nouvelles autorités. De quoi déclencher la création de mouvements rebelles clandestins, comme Art is Resistance et Solutions Backwards Initiative.
DÉCEMBRE – Guerre du futur et pluie lunaire
En pleine finale de la Coupe du monde, au Qatar, le 18 décembre, nouvelle stupeur: des hommes surarmés ont fait irruption dans le stade, affirmant arriver de l’an 2051. En mondiovision, devant les derniers milliards d’habitants de la planète, ils ont expliqué qu’une guerre nous opposera dans trente ans aux Whitespikes, des extraterrestres dont l’objectif est d’exterminer ce qui reste de l’humanité. La bonne nouvelle est que, malgré tous ces cataclysmes, la Terre n’aura pas encore complètement disparu en 2052. La contrepartie est qu’il a fallu envoyer des renforts pour vaincre les Whitespikes. Des milliers de militaires et de civils se sont donc envolés à travers l’espace-temps pour sauver notre avenir.
Avenir quand même très fort compromis: c’est encore en 2022 que le premier pont astral construit en orbite autour de la Lune a explosé, déclenchant sur Terre une pluie de débris lunaires ayant absorbé l’énergie solaire. Bilan: 4,7 milliards d’habitants tués. Il n’en restait dès lors plus qu’1,5 milliard, contraints à vivre dans les sous-sols.
DEMAIN – Semences de l’espoir
Mais à Heartflame Island, petite île de l’hémisphère sud, le Dr Theo Hope a résisté. Il a créé un garçon artificiel, qu’il a doté de ses propres connaissances scientifiques et d’un coeur bon comme le pain d’antan. Lui assignant une mission: gérer une ferme située dans un ancien temple. Labourer, planter, arroser, récolter, cueillir… Prouver aux Esprits de la nature que les êtres humains peuvent aiment leur planète. Et la respecter.
Ça a été l’apocalypse, l’année prochaine. Mais elle ne nous a pas tout à fait détruits. Pas encore. Pas tous.
Un gouvernement musulman et des loups-garous
Chez nous aussi, 2022 a été une année échevelée. Politiquement, alors que les négociations avec l’Algérie et la Tunisie en vue de leur adhésion à l’Union européenne avançaient rapidement, ces deux pays devant donc rejoindre le Maroc au sein de l’UE, on a assisté à un tournant historique: les partis musulmans de Flandre et ceux de Wallonie se sont regroupés sous une même coupole, le Parti musulman de Belgique, et, « sur la base d’une religion commune, sont très facilement parvenus à un accord de gouvernement ». Juste avant, la tribune d’un professeur d’université français, en visite dans la capitale, avait fait grand bruit: il écrivait notamment que « c’étaient surtout la saleté et la tristesse de la ville qui [l’] avaient frappé, ainsi que la haine palpable, plus encore qu’à Paris ou à Londres, entre les communautés: à Bruxelles, on se sentait plus que dans toute autre capitale européenne, au bord de la guerre civile ». La nouvelle majorité fédérale semble n’y avoir rien changé, l’universitaire, revenu après son installation, estimant plus tard que, « les rues étaient toujours aussi sales » et le quartier européen toujours « cette forteresse lugubre, entourée de taudis ».
Mais en novembre, c’est d’un tout autre phénomène auquel Bruxelles a fait face: dès le 13, la panique s’installe après l’attaque de joggeurs par des loups-garous. L’enquête a révélé que plusieurs de ces créatures travaillaient jusque dans les plus hautes sphères des pouvoirs installés dans la capitale, notamment celui de l’ex-Union européenne, devenue Fédération européenne.
Tous les faits évoqués proviennent de: Absolom 2022 (film, 1994): survie dans une île-prison en 2022. Alien Intruder (film, 1993): quatre détenus en mission spatiale en 2022. American Nightmare (film, 2013): crime permis durant 12 h aux USA en 2022. Among the Shadows (film, 2019): les loups-garous attaquent Bruxelles en 2022. Aruvu Rezuru: Kikaijikake no Y?seitachi (manga, Y? Yamaguchi, Kodansha, 2011): l’esprit humain dans le cyberespace en 2022. Blade Runner Black Out 2022 (anime, 2017): les réplicants détruisent Los Angeles en 2022. Cowboy Bebop (anime, 1998): le pont astral lunaire explose en 2022. Cyberball (jeu vidéo, 1988): le football américain se joue entre robots en 2022. Death Wave (film, 2009), un tsunami ultraviolent frappe la Thaïlande en 2022. Geostorm (film, 2017): tempête mondiale en 2022. Innocent Life: A Futuristic Harvest Moon (jeu vidéo, 2006): cultiver pour survivre en 2022. Le Silence (roman, par Don DeLillo, Actes Sud, 2021, 128 p.): les connexions meurent en 2022. Mission Tsunami 2022 (récit, par Gaëtan Garonne, Blue Lettuce Publishing, 2019, 256 p.): l’IA manipule la présidentielle française 2022. Safer at Home (film, 2021): la pandémie fait de Los Angeles un Etat policier en 2022. Skyhammer (jeu vidéo, 2000): guerre armée entre industries en 2022. Soleil vert (film, 1973): aliments de synthèse pour tous en 2022. Soumission (roman, Michel Houellebecq, Flammarion, 2015): nouveau président français et nouveau gouvernement belge musulmans en 2022. Sword Art Online (anime, 2009): les participants d’un jeu vidéo piégés en 2022. Time Runner (film, 1993): des aliens envahissent la Terre en 2022. The Tomorrow War (film, 2021): une guerre extraterrestre est annoncée en 2022. Year Zero (jeu vidéo, 2007): les USA sont une théocratie fondamentaliste chrétienne en 2022.
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