« C’est précisément à cause de son discours que la N-VA a nommé Theo Francken »
Ce jeudi, Theo Francken s’est justifié à propos de ses déclarations sur les immigrés et sa présence à la fête d’anniversaire du fondateur de la VMO Bob Maes. Nous avons interrogé Walter Pauli, notre confrère du magazine Knack, au sujet de la polémique suscitée par le secrétaire d’État de la N-VA. « La perception s’est encore aggravée : il véhicule l’image d’un salaud de droite antidémocratique, favorable à la collaboration et à moitié raciste. Et vous n’avez encore rien vu ».
Theo Francken est vivement critiqué. Quel est le poids des accusations portées contre lui ?
Walter Pauli : « À première vue, il s’agit évidemment d’une canonnade de « nouveaux faits ». D’abord, il y a sa présence à la fête d’anniversaire d' »un membre du VNV condamné » et de « l’ancien fondateur de la VMO », puis son affiliation au « club secret » également appelé VNV, suivie de la révélation d’un statut Facebook contenant une pique envers les Marocains. Un secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration devrait pouvoir fournir des explications face à cela, du moins s’il n’est pas trop tard.
Cependant, il faut tenter de présenter l’affaire sous un jour différent. À l’instar de milliers d’autres anciens membres de la VU, Bob Maes a été effectivement condamné pour collaboration. Ceux qui s’en étonnent ne connaissent pas l’histoire de leur patrie : la VU a été fondée comme le parti qui « voulait réparer les conséquences de la répression suite à la Seconde Guerre Mondiale ». Cependant le fond de cette accusation est peut-être moins lourd qu’il n’y paraît. Francken était à cette fête d’anniversaire à la demande de son parti. C’est d’ailleurs le cas dans tous les partis : les ministres du parti de la province sont présents lorsqu’on célèbre un ancien mandataire. Le bourgmestre libéral Francis Vermeiren (Open VLD) était également de la partie, même s’il a affirmé qu’il n’avait été présent « que dix secondes ».
On peut, en revanche, lui reprocher son affiliation d’il y a quelques années au club VNV (Vlaams-Nationale Vrienden, effectivement une référence de mauvais goût au Vlaamsch Nationaal Verbond, le parti de collaboration). Lorsque l’information a fuité, Francken s’est contenté de plate excuses.
La remarque envers les Marocains sur Facebook cadre dans la pensée de Francken à propos de la migration et de l’asile, qui est une autre histoire que celle du sp.a, de Groen et de l’aile « ACW du CD&V » : plus dure, plus musclée, avec moins de compliments et/ou de compassion, certainement contre les demandeurs d’asile déboutés. Mais il s’agit également d’un autre regard sur la migration et sur l’acquisition de la nationalité tout court.
On pourrait dire, sans beaucoup exagérer que c’est précisément à cause de son action politique autour de l’asile et la migration qu’il est devenu secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration. Est-ce nouveau ? Seules les personnes mal informées l’ignoraient ».
Dans ce cas, pourquoi la discussion politique est-elle aussi vive ?
Laurette Onkelinx, la leader de l’opposition francophone, utilise Theo Francken pour son véritable objectif : la lutte politique contre le MR. Celle-ci est légitime et est menée par tous les moyens. Pour les socialistes francophones, Theo Francken constitue la preuve vivante que le MR a accédé au pouvoir (et a rejeté le PS) en faisant cause commune avec un parti qui porte le nom de N-VA, mais qui est en fait un Vlaams Belang.
Et si c’est le cas, le MR a déjà enfreint la règle du jeu démocratique habituel. Et si les libéraux le font, les forces démocratiques de gauche en Wallonie pourront en faire de même. Dans ce contexte, les hurlements contre le premier ministre, même si c’est de façon rarement vue au parlement, relèvent du « moindre mal ». Les prochains jours, on entendra une artillerie plus calibrée encore. On n’a encore rien vu.
Si l’on prend toutes ces nuances en compte, que faut-il penser du « Franckengate » ?
Cela montre surtout que la coalition suédoise ne sera pas de tout repos. Le « Franckengate » prouve aussi que la N-VA possède quelques points faibles. En Flandre, on posait finalement assez peu de questions fondamentales à la N-VA. La vision francophone offre un regard différent. Le débat s’ouvre davantage, le parti est plus contredit. Et quand ce genre de chose se passe quand Bart De Wever n’est pas en Belgique, il est frappant que le moteur N-VA toussote rapidement.
Cependant, l’opposition fait comme si elle voulait se débarrasser de Francken alors que le véritable coup de fusil vise le premier ministre Charles Michel (MR)…
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