Manifestation de "pigeons ramasseurs" devant le parlement wallon à Namur. © Etienne Mayeur

Bientôt une consigne sur les canettes en Wallonie ? Les partis politiques sont de moins en moins contre

Caroline Lallemand Journaliste

La Wallonie va-t-elle bientôt décider d’implémenter une consigne sur les emballages de boissons ? Les partis politiques semblent de plus en plus ouverts au système, même si des questions d’ordre financier subsistent.

L’idée d’une consigne sur les emballages de boissons (canettes, bouteilles en plastique) fait son chemin en Wallonie. La commission « Environnement » du Parlement wallon a entendu ce mardi les conclusions du rapport sur l’expérience pilote de « prime de retour » sur les canettes abandonnées dans la nature. Lancé en 2018, le projet a été mené par Be WaPP, l’ASBL regroupant Fost Plus, Fevia Wallonie et Comeos. Les résultats sont mitigés.

Pour rappel, le principe était le suivant: les citoyens qui ramenaient 100 canettes ramassées dans l’espace public recevaient 5 euros en bon d’achat dans les commerces locaux, mais après une procédure d’inscription plutôt contraignante.

Nous évoquions déjà en mai dernier dans notre dossier consacré à la consigne ces difficultés et le fait que le projet pilote n’était pas représentatif de la réalité du terrain via divers témoignages de communes et de citoyens participants. Une carte blanche de Régine Florent, l’initiatrice de la pétition adressée au parlement wallon en faveur de la consigne, allait aussi dans ce sens.

Les bénévoles qui ramassent régulièrement les déchets sauvages et réclament la consigne à corps et à cris assurent que les résultats de ces expériences ne sont pas fiables.

Le rapport confirme tous ces échos. Il apparaît qu’il y a eu une baisse du nombre de canettes abandonnées, surtout le long des routes et dans les quartiers résidentiels. Mais ailleurs, l’impact se révèle faible. En outre, l’expérience s’avère assez coûteuse pour les services communaux. S’ajoutent à cela des problèmes techniques rencontrés par les machines de collecte qui ont découragé près de la moitié des communes participantes à continuer l’expérience. Le rapport révèle encore que le projet n’a mobilisé que 1% de la population des communes concernées et essentiellement un public déjà convaincu, la majorité étant des « Ambassadeurs de la Propreté » de Be Wapp.

Suite à ces conclusions plus que mitigées, le projet pilote a été enterré ce mardi par les députes wallons. « Malgré quelques signaux positifs, les résultats sont insuffisants en termes d’amélioration de la propreté publique« , a conclu la Ministre wallonne de l’Environnement Céline Tellier (Écolo).

Bientôt une consigne sur les canettes en Wallonie ? Les partis politiques sont de moins en moins contre
© Clean Walker Belgique/Facebook

Vers une « vraie » consigne?

Ce qui ouvre davantage la voie à l’instauration d’un « vrai » système de consigne en Wallonie, en concertation avec les autres Régions. Tous les partis politiques se disent prêts à poursuivre la réflexion, même le MR qui se montrait plus réticent semble se convaincre de l’utilité du système.

Le cdH est le moteur de cette réflexion. François Desquennes, le chef de groupe à la chambre, a déposé au Parlement wallon une proposition de décret en juin 2020 afin de généraliser le système à partir du 1er janvier 2022.

Une deadline certes très optimiste. La ministre de l’Environnement Céline Tellier (Ecolo) prône une diversité de mesures pour gérer la problématique des déchets sauvages sur la voie publique: l’augmentation des amendes (de 100 à 200 euros), l’accompagnement des communes dans des plans locaux de propreté avec la mise en place de caméras de surveillance et de poubelles sélectives,… la consigne n’étant qu’une des pièces du puzzle.

Elle dit vouloir prendre « le temps de la réflexion » et s’inspirer des modèles à l’étranger. La ministre nous déclarait elle-même en mai dernier ne pas avoir d’opposition de principe à la consigne. « Si on me démontre que ce système est un excellent complément au sac bleu P+MC, je signe tout de suite« , nous confiait-elle.

Reste que son instauration, qui revient sur la table des négociations depuis des années, se heurte à l’opposition de la grande distribution, productrice de ce type d’emballages, qui devrait organiser le système de récolte des consignes.

Fost Plus qui organise le recyclage des déchets s’opposent également farouchement au système. Fost Plus craint de voir lui échapper une partie des matières collectées. Le système pourrait aussi mettre à mal le nouveau sac bleu et les investissements colossaux qu’il a demandé en Région Wallonne.

Les producteurs d’emballages, de leur côté, y réfléchissent.A la fois pour redorer leur image fortement associée à la pollution au plastique et aux canettes, mais aussi pour des raisons économiques.

« Beaucoup de questions d’ordre financier »

Interrogée sur le « lobbying » exercé par Fost Plus, la Ministre admet que le dossier soulève beaucoup de questions d’ordre financier: « On ne veut pas désorganiser un système de collecte qui fonctionne et qui est en cours d’élargissement. »

« Des investissements importants sont en cours (600 millions d’euros) dans cinq centres de tri P+MC hyperperformants. Il est donc normal de réfléchir aux coûts-bénéfice d’instaurer un nouveau système par rapport au système existant basé sur le tri et le recyclage « , précise-t-on au cabinet de la ministre.

L’instauration d’une consigne n’est donc pas encore pour demain. La réflexion se poursuivra, assure la ministre Tellier. Elle devrait même prendre un rythme plus rapide puisque les auditions sont prévues lors de la prochaine commission, dans 15 jours, informe L’Avenir.

40% des déchets dans la nature sont des emballages de boissons

Bientôt une consigne sur les canettes en Wallonie ? Les partis politiques sont de moins en moins contre
© PG

Plus de 40% du volume des déchets retrouvés en rue ou dans la nature est constitué de canettes et d’emballages de boisson, révèle une expérience réalisée dans le Limbourg. Il y a aussi le problème du bien-être animal, avec des vaches qui avalent des canettes en broutant, ce qui peut être dangereux, voire mortel. Les syndicats agricoles FWA et FUGEA se sont à plusieurs reprises exprimés en faveur de la consigne. Près de trois Belges sur quatre (74%) se montrent favorables au système de consigne selon un sondage réalisé récemment par Test Achats. Le système est déjà en vigueur dans de nombreux autres pays européens (Allemagne, Pays-Bas, Scandinavie) avec des résultats probants.

Lire aussi : La consigne, si cela fonctionne pour les bouteilles de bière, cela fonctionnera pour le plastique!

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