Battu, le cdH choisit l’opposition
Le cdH a décidé mercredi à l’issue d’un Bureau extraordinaire de siéger dans l’opposition au niveau fédéral et dans les entités fédérées. Le parti centriste constate sa défaite électorale le 26 mai et refuse d’ignorer le « signal » des électeurs.
« Les électeurs nous ont adressé un signal très clair le 26 mai, un signal de sanction. Un signal qui dit que les Bruxellois et les Wallons ne sont pas demandeurs dans une proportion forte que le cdH continue d’assumer des responsabilités », a déclaré le président, Maxime Prevot, devant les cadres et élus du cdH.
Dès le lendemain des élections, en coulisses ou publiquement, de nombreux centristes francophones ont laissé entendre que l’opposition serait sans doute la meilleure solution. La décision a finalement été prise mercredi à l’issue d’une discussion de près de trois heures. Si certains ont émis des réticences (pas des poids lourds, assurait-on), ni le constat du peu de poids qui reste au cdH, ni le choix de l’opposition n’ont été contestés, ont confié plusieurs participants à la réunion.
« Nous servirions d’alibi ou de caution pour un projet sur lequel nous ne pèserions pas suffisamment. La pertinence de notre action est plus importante que la tentation des postes ministériels. Nous n’aurions pas, à défaut, la défaite digne, car le signal des électeurs serait méprisé au seul bénéfice de notre sauvetage. Or nos idées et valeurs sont plus grandes que cela », a souligné M. Prévot.
Le parti dispose de 5 ans pour se « réinventer ». « Le travail de refondation interne et de refonte doctrinale radicale va devoir s’effectuer à présent, en associant un maximum de générations et de regards extérieurs », a ajouté M. Prévot qui veut ouvrir « une nouvelle ère pour le cdH ».
Un processus d’environ deux ans devrait s’ouvrir, sans tabou, même sur la dénomination, pour refonder le parti avant de laisser trois ans à l’électeur pour s’approprier le nouveau message. Le cdH ne participera donc pas aux négociations des futures majorités. « Les électeurs ont souhaité donner la main à d’autres partis. C’est donc à eux, démocratiquement, qu’il revient de nouer les compromis utiles à la constitution des futurs exécutifs », a encore dit le président.
M. Prévot a attendu d’avoir été reçu par les différents informateurs pour réunir son bureau et faire cette annonce, après avoir laissé plané le doute sur ses intentions pendant quelques jours. Les centristes se veulent lucides, à entendre plusieurs membres du Bureau: à l’exception de 2004, ils ont perdu toutes les élections depuis 1999 et, au fil du temps, leur poids s’est tellement amenuisé qu’à Bruxelles, ils sont assurés de ne plus faire partie de la coalition régionale et, au fédéral, leur apport n’est plus décisif (ils perdront même le droit de vote en commission à la Chambre). Il ne leur serait donc resté que la Wallonie, avec le PS et Ecolo, et un arrangement bancal pour la Fédération Wallonie-Bruxelles. Et les centristes craignaient de devoir composer avec des socialistes et des écologistes sur lesquels le PTB aurait trop déteint. Ils en veulent pour preuve les promesses de gratuité qui ont fleuri pendant la campagne mais qui sont budgétairement intenables, selon eux.
Le cdH tire aussi les leçons de sa position « illisible » pour les électeurs en fin de législature: en majorité avec le MR en Wallonie mais dans l’opposition face à lui au fédéral, et en majorité avec le PS à Bruxelles et en Fédération Wallonie-Bruxelles. Il veut être en mesure de tenir un langage clair, à la manière sans doute d’Ecolo qui, durant les 5 années passées, a pu se requinquer en étant partout dans l’opposition. Le retrait du cdH empêche le retour d’une majorité Olivier (PS-Ecolo-cdH) en Wallonie et FWB. Il reste la possibilité d’une alliance de gauche PS-Ecolo-PTB. Si le PS peut être tenté d’essayer, sa concrétisation est très hypothétique vu la ligne de rupture radicale des communistes. L’arc-en-ciel (PS-MR-Ecolo) est également sujet à caution puisque les Verts ne seraient pas indispensables numériquement. Il reste une alliance PS-MR… mais ce n’est sans doute pas la formule dont rêvent les socialistes même si elle leur assurerait un axe plus solide en vue des négociations fédérales.
Les socialistes et les libéraux n’ont pas commenté le choix du cdH. Les écologistes ont dit prendre acte et indiqué qu’ils répondraient favorablement aux initiatives des différents informateurs « dans le cadre de leur mission actuelle ». Sur twitter, l’ex-homme fort des Verts, Jean-Michel Javaux, artisan des Oliviers en 2009, a jugé durement le retrait centriste, le qualifiant de « prématuré »: « En politique, l’avenir de son pays de sa région, de la collectivité, devrait parfois/souvent/toujours primer sur l’intérêt de son parti », a-t-il lancé. M. Prévot lui a répondu en rappelant les raisons de cette décision.
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