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Balades à la découverte des légendes de Wallonie: le Hainaut, terre de dragons

Estelle Spoto Journaliste

La Belgique est terre de contes et de légendes. Leur histoire s’est souvent effacée avec le temps. Pas leurs lieux. Le Vif/L’Express vous y emmène, en six balades fantastico-touristiques.

Pendant six semaines, Le Vif vous emmène à la découverte des contes et légendes de Wallonie. Cette semaine : en route vers la province de Hainaut. A Wasmes, dans le Borinage, une procession entretient la mémoire d’un chevalier victorieux d’un dragon et de la petite fille qu’il sauva. Profitez-en pour vous balader dans la région, Le Vif vous propose ses bons plans pour manger, boire et dormir.

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Le Hainaut a-t-il été, à une lointaine époque, une terre de dragons digne d’un épisode de Game of Thrones ? Car celui de Mons, dont la mise à mort par saint Georges est célébrée chaque année à la Trinité (sauf circonstances exceptionnelles, comme une pandémie, par exemple) lors de la ducasse du Doudou, n’est pas le seul reptile monstrueux à avoir marqué les esprits dans la région. Un autre, peut-être moins connu mais dont le souvenir est entretenu avec autant de ferveur, a péri à Wasmes, dans l’actuelle commune de Colfontaine, en plein Borinage, sous les coups de Gilles de Chin.

Alicia Vilain, Pucelette en 1894.
Alicia Vilain, Pucelette en 1894.© DR

Si l’existence de saint Georges, martyr chrétien du ive siècle, s’ancre en Cappadoce, à des milliers de kilomètres de la Grand-Place de Mons, celle de Gilles de Chin est attestée dans la terre même qui porte sa légende.  » Gilles, fils de Gontier, seigneur de Chin, et neveu d’Isaac, seigneur de Berlaymont et de Wasmes, naquit à la fin du xie siècle ou dans les premières années du xiie. On ne sait rien de sa jeunesse. Il hérita des domaines de Chin, de Berlaymont et de Wasmes, fit partie du conseil de Baudouin IV, comte de Hainaut, et fut revêtu de la dignité de chambellan héréditaire « , développe Camille Liégeois dans Gilles de Chin, l’histoire et la légende, publié en 1903 par les membres des Conférences d’histoire et de philologie de l’université de Louvain.

L’accessoire le plus spectaculaire, un diadème surmonté de trois plumes d’autruche. Une vraie parure de princesse pour la pucelle.

Au Moyen Age, Gilles de Chin est vanté pour ses exploits en Palestine,  » ses victoires sur les musulmans et particulièrement l’éclatant triomphe remporté sur un lion « ,poursuit Camille Liégeois. Mais au début du xviie siècle, sous l’impulsion d’un moine de Saint-Ghislain manifestement désireux d’amplifier l’éclat de celui qui céda par donation une partie de ses biens à l’abbaye, mais aussi d’  » augmenter la dévotion envers Notre-Dame de Wasmes « , le chevalier change de figure : de défenseur de la chrétienté en pays lointain, il devient héros protecteur de Wasmes, victorieux d’un  » monstre qui désolait la contrée « , avec le secours de la Vierge Marie qu’il aurait implorée avant son combat. Un triomphe qu’avère la présence d’une tête de dragon (en fait, de crocodile) conservée à Mons (et que les Montois revendiquent bien sûr comme la tête de leur propre monstre, occis par saint Georges), mais qui ne serait étrangement arrivé en Hainaut qu’après 1409.

Toujours est-il qu’au XVIIIe siècle, probablement par contamination avec l’histoire de saint Georges, selon Camille Liégeois, la légende s’enrichit d’un nouvel élément : en tuant la bête immonde, Gilles de Chin aurait délivré une jeune fille retenue prisonnière. Plus qu’une jeune fille, une fillette. Plus qu’une pucelle, une « pucelette ».

Pour découvrir nos bons plans dans la région, cliquez sur les icônes bleues de la carte. Les autres contes et légendes s’y retrouvent aussi, dans d’autres couleurs.

Baisers-bénédictions

La vraie héroïne, finalement, c’est elle. La petite, la  » gamine  » de 4 ou 5 ans, symbole d’innocence et de pureté, star du Tour de Wasmes organisé chaque année (sauf circonstances exceptionnelles donc) à la Pentecôte et où elle figure au moins depuis 1834.  » Ça commence le samedi, avec l’ouverture de la kermesse sur la place de Wasmes, en présence de la Pucelette qui coupe le ruban tricolore « , précise Lino Rizzo, vice- président du comité organisateur de la procession et qui – ça ne s’invente pas – réside à la rue du Dragon. Sa propre fille, Sarah, a été Pucelette en 2006 avant de devenir, à 18 ans, la plus jeune élue de Wallonie aux élections communales de 2018.  » Le lundi après-midi, les parents de la Pucelette organisent chez eux une réception où ils accueillent les autorités religieuses et communales, avant la bénédiction de la Pucelette à l’église.  » Ce jour-là, au dernier moment avant sa présentation au public par le curé de la paroisse au son de La Brabançonne qu’entonne la fanfare, la Pucelette revêt pour la première fois sa tenue si particulière et extrêmement codifiée : une robe de satin bleu ciel garnie de brocarts d’or et de soie, un manteau et une traîne assortis, bordés de fourrure blanche (du lapin, traditionnellement) semé de taches noires, et, accessoire le plus spectaculaire, un diadème surmonté de trois plumes d’autruche. Une vraie parure de princesse pour laquelle les parents sont prêts à faire quelques sacrifices financiers.

Tout au long de la procession, la Pucelette enchaîne les saluts. Lors de la dernière édition, en 2019, c'est Abigaël Goret Blanchez qui eut cet honneur.
Tout au long de la procession, la Pucelette enchaîne les saluts. Lors de la dernière édition, en 2019, c’est Abigaël Goret Blanchez qui eut cet honneur.© DR

Le mardi, c’est le grand jour. Vers 7 heures, à la chapelle du Calvaire d’Hornu, la Pucelette rejoint le cortège des pèlerins qui s’est mis en branle en pleine nuit, trois heures plus tôt, avec la messe célébrée à l’église Notre-Dame de Wasmes, et qui porte une lourde statue de la Vierge avec l’enfant Jésus, couronnés par quatre anges. La procession, attestée depuis le xiie siècle, parcourt 16,5 kilomètres en suivant les contours de l’ancienne paroisse de Wasmes et correspondrait, selon la légende, au périple du dragon à l’agonie. La route est longue pour la Pucelette. Tenant d’une main celle du curé et de l’autre celle de son père, la fillette doit enchaîner les saluts (mains sur la bouche, sur les épaules puis lancées au public) et distribuer aux jeunes et aux moins jeunes des baisers qui ont valeur de bénédiction.

Tout au long de la procession, la Pucelette enchaîne les saluts. Lors de la dernière édition, en 2019, c'est Abigaël Goret Blanchez qui eut cet honneur.
Tout au long de la procession, la Pucelette enchaîne les saluts. Lors de la dernière édition, en 2019, c’est Abigaël Goret Blanchez qui eut cet honneur.© Valentin Lévêque

 » Ce qui m’a marquée lors de mon immersion dans l’univers de la Pucelette, c’est qu’il s’agit d’une enfant vraiment très jeune. Je ne suis pas sûre qu’elle se rende vraiment compte de ce qui arrive, du poids qu’elle doit porter sur les épaules à ce moment-là « , explique Laura Fautré, comédienne qui s’est plongée pendant plus d’une année dans le foklore wasmois (elle a même eu l’honneur de porter Notre-Dame de Wasmes pendant la procession) pour créer le seul-en-scène Ma Pucelette, mis en scène et commandité par Lorent Wanson pour le projet artistique Une Aube boraine dans le cadre de Mons 2015. Le spectacle est d’ailleurs repris à la rentrée, aux Riches-Claires à Bruxelles (1). Sur un fond de robes blanches servant à l’occasion d’écran de projection, Laura Fautré y incarne plusieurs Pucelettes qu’elle a rencontrées et interviewées, dont Marie-Thérèse Jorion, Pucelette de 1933, décédée depuis, tout en livrant sa propre vision des événements et en traçant des parallèles avec les dragons d’aujourd’hui, abstraits ou bien réels. A l’âge où elle-même aurait pu être Pucelette, Laura Fautré se souvient de l’enlèvement de Julie et Mélissa. Au xiie comme au xxie siècle, l’innocence des enfants à préserver du mal tapi dans l’ombre reste une valeur fondamentale, universelle, et Gilles de Chin, un héros à célébrer.

Se balader dans la région

Si vous souhaitez vous balader dans la région, la ville de Mons vous propose une balade de 6,6 kilomètres dans le bois de Colfontaine. Vous la retrouverez dans la carte ci-dessus ou vous pouvez la télécharger en format GPX sur le site visitmons.be.

Comment lire un fichier GPX

Pour ne pas se perdre lors d’une randonnée, il existe plusieurs logiciels GPS qui permettent de suivre facilement un itinéraire à l’aide de votre smartphone. Il est ainsi possible d’utiliser GoogleMap. Le problème avec l’app du géant du Net, c’est qu’elle ne contient pas les petits sentiers que l’on peut retrouver sur une carte IGN, ou sur une carte d’état-major. Du coup, l’application prend parfois la tangente ou des raccourcis qui peuvent vous emmener dans une impasse. Marrant quand la balade dure moins de 2 heures. Moins rigolo quand vous venez de marcher 5 heures et qu’il vous reste encore une petite dizaine de kilomètres à parcourir.

Cartographie et navigation

Pour éviter cet inconvénient, il est donc judicieux d’utiliser des logiciels dédiés à la randonnée. A pieds ou en vélo, Osman (https://osmand.net/) devraitvous permettre de suivre facilement les nombreux itinéraires de randonnées que l’on peut trouver en ligne. Application de cartographie et de navigation disponible sur Android et iOS, Osman utilise les cartes OpenStreetMap qui sont mises à jour régulièrement par la communauté des randonneurs. Pas de risque donc de se retrouver avec des cartes obsolètes. Celles-ci peuvent même être stockées dans votre GSM et l’application peut fonctionner hors-ligne. Une fois que vous avez repéré votre parcours, il suffit de télécharger son fichier GPX (GPS eXchange Format permettant l’échange de coordonnées GPS) et de l’ouvrir dans l’application au début de votre randonnée pour commencer à suivre son tracé. Avant de vous lancer sur un itinéraire relativement long, n’oubliez pas de vérifier l’autonomie de votre smartphone. L’utilisation de sa fonction localisation est en effet gourmand en batterie. Pour tracer vos propres parcours et les rendre disponibles en ligne, il est également possible d’utiliser un outil comme wikiloc (https://fr.wikiloc.com/).

(1) Ma Pucelette, du 16 septembre au 2 octobre prochains aux Riches-Claires, à Bruxelles.

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