25 ans après l’affaire : Dutroux reste en prison, Lelièvre libéré, Nihoul décédé
Vingt-cinq ans après la découverte de Laetitia Delhez et Sabine Dardenne dans la cache de Marcinelle, Marc Dutroux, l’auteur principal des faits, est toujours derrière les barreaux. Condamné en 2004 à la réclusion à perpétuité avec mise à disposition du gouvernement pendant 10 ans, sa récente demande de libération s’est soldée par un échec. Michel Lelièvre, son complice, a été libéré sous conditions, à l’instar de Michelle Martin, l’ex-épouse de Marc Dutroux, sortie de prison en 2012. Michel Nihoul est, lui décédé.
Michelle Martin a quitté la prison de Berkendael le 28 août 2012, après 16 ans d’enfermement et un arrêt de cour de cassation estimant conforme à la loi la décision du tribunal de l’application des peines (TAP) de la libérer sous conditions. La condamnée a séjourné deux ans et demi au monastère des Clarisses à Malonne.
En 2004, elle avait été condamnée par les assises d’Arlon à 30 ans de prison pour association de malfaiteurs impliquée dans les enlèvements et les séquestrations d’enfants, séquestrations, tortures et pour avoir participé au viol d’une jeune Slovaque.
Toujours en 2012, des propos échangés lors d’une médiation organisée entre Michelle Martin et Jean-Denis Lejeune, père de Julie, l’une des victimes de Marc Dutroux, sont rendus publics par les journaux de Sudpresse. Selon les témoignages, c’est le téléphone du médiateur qui, en tombant par terre, aurait rappelé automatiquement le dernier numéro composé, celui de la journaliste de Sudpresse, qui a alors pu écouter la conversation.
Cette affaire donnera lieu à un procès qui débouchera sur la mise hors de cause du médiateur et sur la condamnation, après appel, de la société Sudpresse et de sa journaliste à l’origine de l’article à respectivement 21.000 et 3.000 euros d’amende pour avoir obtenu illégalement, par un moyen technique, le contenu d’une conversation qui ne leur était pas destinée et pour l’avoir utilisée à des fins médiatiques.
Les soeurs Clarisses devant déménager en juillet 2015 à Woluwe-Saint-Pierre, Michelle Martin s’est ensuite installée, en avril 2015, dans la propriété floreffoise de Christian Panier, l’ancien président du tribunal de première instance de Namur. « J’ai la conviction que la réinsertion est ce qui fait la différence entre la justice de la vengeance et la justice de civilisation », avait alors expliqué celui-ci.
La libération conditionnelle de Michelle Martin a suscité un tollé dans l’opinion publique. En réaction, le législateur a adopté en 2013 une loi qui durcit l’accès à la libération conditionnelle. Cette loi prévoit notamment qu’un condamné à 30 ans ou à perpétuité ne puisse plus introduire sa demande de libération qu’après 15 ans de réclusion, au lieu de 10 précédemment. La décision sur une demande introduite par un condamné à 30 ans ou plus doit en outre être adoptée à l’unanimité de cinq juges, et non plus à la majorité simple de trois juges.
Dans le cadre d’une demande de libération de Marc Dutroux, le TAP a demandé à la Cour constitutionnelle notamment si la règle des cinq juges n’était pas contraire au principe de non-rétroactivité: cette règle s’applique à Marc Dutroux alors qu’il a été condamné avant l’entrée en vigueur de la loi. Le 28 janvier 2015, la Cour constitutionnelle a répondu par la négative. Il s’agit d’une règle procédurale qui ne modifie pas la peine, a-t-elle justifié. À noter que la prolongation des délais nécessaires pour pouvoir demander une libération conditionnelle, elle, ne s’applique qu’aux personnes condamnées après l’entrée en vigueur de la loi.
En théorie, Marc Dutroux est donc libérable depuis le 30 avril 2013. En pratique cependant, ses demandes ont peu de chance d’aboutir. Ses perspectives de réinsertion sociale sont inexistantes, d’après le parquet. En février 2013, le TAP a rejeté sa demande de port de bracelet électronique pour ce motif. Sa peine de prison à perpétuité est de plus assortie de 10 ans de mise à disposition du gouvernement (du TAP aujourd’hui). Cette peine complémentaire permet, le cas échéant, d’empêcher sa libération à l’échéance de sa peine principale.
En octobre 2017, pourtant, Bruno Dayez, l’avocat de Marc Dutroux, annonce vouloir introduire une demande afin que des psychiatres extérieurs et indépendants puissent examiner son client à la prison de Nivelles en vue d’une demande de libération conditionnelle. Dans cette même optique, une lettre de Marc Dutroux dans laquelle il se dit prêt à répondre aux questions des familles des victimes est envoyée a ces dernières par l’intermédiaire de son avocat.
En septembre 2019, Marc Dutroux introduit une nouvelle demande de libération après 23 ans d’incarcération. Il y renoncera en octobre 2020 après que les cinq experts psychiatres chargés par le TAP de l’évaluer ont rendu un rapport accablant pointant notamment un risque élevé de récidive.
Michel Lelièvre a, pour sa part, quitté la prison d’Ittre en décembre 2019 après que sa demande de libération conditionnelle a été acceptée par le Tribunal de l’Application des Peines (TAP) de Bruxelles. La principale condition étant de trouver un logement dans les six mois suivant sa libération.
Condamné à 25 ans de prison pour association de malfaiteurs, enlèvements et séquestrations d’enfants ainsi que pour trafic de drogue, Michel Lelièvre avait déjà introduit plusieurs demandes de libération depuis 2005. En juin 2013, le TAP de Bruxelles lui a accordé cinq permissions de sortie pénitentiaire en guise de préparation et de test à une éventuelle détention limitée. Il souhaitait suivre une formation en menuiserie mais l’association qui avait accepté de l’accueillir a finalement fait marche arrière en raison de la pression médiatique. Le TAP a donc rejeté sa demande de détention limitée pour absence de plan de réinsertion.
La sortie de prison de Michel Lelièvre a été très critiquée et l’homme a été agressé à Anderlecht deux semaines après sa libération. Un homme a également été condamné à un an de prison avec sursis pour avoir appelé à la violence contre l’ancien détenu.
Michel Nihoul, enfin, est sorti de prison en 2006. Blanchi pour tous les faits liés aux enlèvements d’enfants, il avait écopé d’une peine de cinq ans d’emprisonnement pour trafic de drogue et association de malfaiteurs. Il a depuis fondé une ASBL d’aide aux justiciables et a publié un livre autobiographique intitulé « Taisez-vous! ». Il est décédé en octobre 2019 à l’âge de 78 ans.