
» Notre amour pour le Japon, nous l’avons dans le ventre «
Les histoires les plus diverses circulent sur la culture d’entreprise japonaise, avec une constante: elle est difficile à comprendre pour les Occidentaux. Sans compter qu’il existe également de grandes différences entre les entreprises. Bart et Gert Hendrickx travaillent depuis le début de leur carrière pour des marques automobiles japonaises.
Le lieu de rendez-vous est fixé à Hemiksem, facile à trouver selon Bart Hendrickx: » Au bout de la civilisation, et puis à droite. » Le ton est donné, son jeune frère Gert ponctuant par un clin d’oeil. La région du Rupelstreek est leur domaine, et Schelle le village où ils ont grandi. » Nous avons eu une jeunesse merveilleuse. Tout était permis et rien n’était imposé « , explique Bart. » Du moins, telle était notre interprétation du discours de nos parents. Tant que nous apprenions de nos erreurs, il n’y avait pas de problème. C’est ainsi que nous sommes devenus qui nous sommes, des hommes libres à l’esprit ouvert, qui ont trouvé leur voie en vivant leur propre expérience. Pour nous, le verre est toujours à moitié plein, et le rire un bon médicament. Naturellement, nous avons aussi connu des revers mais sans jamais renoncer. En mars, je suis quand même passé par le chas de l’aiguille avec le coronavirus. J’ai vu la mort en face mais j’étais visiblement trop jeune pour rejoindre une place au ciel. Heureusement car je suis encore devenu papa d’une petite fille l’an dernier et aimerais la voir grandir et devenir une jeune femme qui sait ce qu’elle veut dans la vie. »
Nous sommes des hommes libres avec un esprit ouvert. Pour nous, le verre est toujours à moitié plein et le rire un bon médicament.
LE RESPECT DES CLIENTS
Bart travaille depuis le début de sa carrière pour Alcopa, le holding de la famille d’entrepreneurs anversois Moorkens. À Kontich, dans les années 1960 et jusqu’au début des années 1970, le groupe Moorkens a assuré l’assemblage de plus de 55.000 BMW pour le marché belge. En 1972, lorsque cette collaboration s’est terminée, Moorkens est devenu l’importateur de Mitsubishi. Ensuite, ce fut au tour de Hyundai, Suzuki, SsangYong et Isuzu, mais aussi des marques chinoises Maxus et MG.
Bart Hendrickx: » En fait, j’ai débuté chez Suzuki comme mécanicien. Mais après quelques mois, je suis passé au service Sales & Aftersales. En 2002, je suis devenu PR Manager pour les marques Suzuki et ensuite SsangYong et MG. Dans les faits, je travaille pour l’importateur privé de Suzuki en Belgique mais j’ai déjà effectué tellement de visites professionnelles au Japon que je sais comment cela se passe là-bas. Il faut beaucoup de temps aux Japonais pour prendre une décision. Et les discussions sont très longues. Mais une fois que la décision est prise, ils la mettent en oeuvre d’une manière rigoureuse jusque dans les moindres détails. En outre, Suzuki est très attaché aux traditions et n’implémente les nouvelles technologies que lorsqu’elles sont fiables à 100% et apportent une réelle plus-value. Je ne connais aucune marque qui montre plus de respect pour ses clients. »
UN CAFÉ ET DES BISCUITS
Gert est six ans plus jeune que Bart, et son frère reste un exemple à suivre. » Chez nous, ce n’était pas ‘tel père, tel fils’. L’exemple à suivre, c’était le grand frère. Notre père n’était pas du tout intéressé par les voitures ou les motos. Il a très longtemps roulé en Peugeot 504, parfois même du mauvais côté des arbres le long de la route. Bart et moi aimons les voitures grâce à notre oncle. Avant même que nous puissions lire, il nous abreuvait de magazines automobiles. Mais je pouvais reconnaître toutes les voitures à 200 mètres de distance en ayant regardé les photos. À dix ans, depuis mon lit, je pouvais re- connaître à son bruit le modèle d’une voiture qui passait devant la maison. J’étais donc prédestiné à travailler dans l’automobile. »
» Depuis cet été, je suis Head of Sales & Fleet chez Lexus, la marque premium de Toyota. Avant, je travaillais pour Mazda. Et j’ai débuté chez Suzuki sur recommandation de Bart. Je suis moins casanier que lui et j’ose davantage changer de marque. Mais d’une manière ou d’une autre, je suis attiré par les marques japonaises. C’est certainement dû au fait qu’ils produisent des voitures de qualité, qui durent longtemps, ce qui permet d’avoir des clients contents et fidèles. Dans le cas de Lexus, les modèles brillent par leurs niveaux de qualité, de finition et de confort exceptionnels. À la base, on trouve une quête absolue de la perfection, puisant son origine dans la tradition japonaise séculaire de l’artisanat. Les travailleurs à la chaîne de Lexus sont dirigés par des ‘Takumi’, qui possèdent au moins 25 années d’expérience dans une phase spécifique du processus de production. Ils recherchent constamment les applications les plus conviviales. Et seul ce qui se fait de mieux est suffisamment bien! Cette philosophie se retrouve dans les contacts avec le client. Lorsqu’il amène sa voiture pour un entretien, il est accueilli chaleureusement et on lui sert un véritable expresso et de délicieux biscuits. Des petites attentions qui font partie de l’hospitalité orientale et donnent au client le sentiment d’être comme chez lui. Un client qui y a goûté restera client jusqu’à la fin de ses jours. »
PROVOQUER ET POLARISER
» Ce qui joue des tours à Lexus, c’est que nous sommes – en tant que marque de niche – dans l’ombre de Toyota et avons donc une renommée moins forte « , poursuit Gert Hendrickx. » Mais grâce à ce lien, nous pouvons toujours disposer de la technologie hybride la plus moderne. Toyota, et par extension Lexus, demeurent les pionniers dans le domaine de la propulsion hybride. Aucune marque ne possède un tel savoir-faire et une telle expérience dans le domaine. Et en ce qui concerne l’hydrogène aussi, Toyota est en pole position avec la Mirai. Grâce à leur efficience énergétique intelligente, nos modèles bénéficient d’un TCO ( Total Cost of Ownership) comparable aux hybrides rechargeables, et sans devoir faire appel à des infrastructures de recharge externes. En outre, ils se montrent particulièrement fiables et durables, ce qui se traduit par une haute valeur résiduelle. Dès lors, nos modèles sont aussi financièrement intéressants comme voitures de société. »
Au niveau du design, Lexus a adopté une approche volontairement audacieuse. » Notre philosophie L rompt avec les conventions classiques du design automobile, un choix assumé qui provoque et polarise. Avec leurs concepts innovants et leurs formes nouvelles, nos designers soulignent la philosophie et l’identité de la marque. »
LE JAPON FACE À LA CORÉE DU SUD
En plus de Suzuki, Alcopa assure l’importation de Hyundai, une marque sud-coréenne. En quoi les marques japonaises se distinguent-elles? Bart Hendrickx répond: » Les Sud-Coréens travaillent encore plus dur que les Japonais, et ce n’est pas peu dire, ce qui explique en partie l’essor de Hyundai sur les marchés internationaux. Contrairement aux Japonais, les Sud-Coréens prennent des décisions rapidement. Ils les transforment aussi très rapidement en actes mais peut-être pas toujours de manière aussi conséquente que les Japonais. Pour le reste, ils investissent énormément d’argent et d’énergie dans le développement de nouvelles technologies et comprennent bien les rouages du marketing. Les Sud-Coréens ont aussi très vite choisi de faire appel à des ingénieurs et des designers européens pour le développement et le style de leurs voitures destinées à l’Europe. Certains sont parvenus au sommet du groupe, comme notre compatriote Luc Donkerwolcke. »
» La plus grande différence entre les Japonais et les Sud-Coréens, je la situe au niveau de leur cuisine. Nous adorons tous les deux la cuisine japonaise. Elle constitue la meilleure preuve que l’on peut faire mieux avec moins et que la qualité est prioritaire au niveau du choix des ingrédients. Il faut aussi savoir que le Japon produit d’excellents whiskys et est le pionnier dans le domaine des appareils photo, des consoles de jeux, des installations hi-fi… La liste est longue. »
Note musicale
Au-delà de leur passion pour l’automobile, la musique réunit aussi Bart et Gert Hendrickx. Bart: » Gert est un orchestre à lui tout seul. Il joue différents instruments et chante très bien. Il lui arrive même de chanter à l’église – bien qu’il ne soit pas très catholique -, mais il assure la note musicale lors de cérémonies de mariage. » Et pour terminer cette interview en beauté, les Hendrickx Brothers n’ont pas hésité à s’emparer de leurs instruments pour proposer un medley de différents genres musicaux. Pour un public qui les remercie encore.
Le respect de la hiérarchie
Il est difficile pour les Occidentaux de gagner la confiance des Japonais et de travailler sur un pied d’égalité. La rumeur dit que les directeurs occidentaux des sièges européens des marques japonaises sont en fait ‘doublés’ par un alter ego japonais. Bart et Gert Hendrickx nuancent ce constat: » Ce management de l’ombre a existé mais il n’est plus que sporadique, même si l’on voit que certains postes clés, comme par exemple le responsable des Finances, est souvent un Japonais. Cependant, quand celui-ci a goûté à l’Europe, il ne veut généralement plus retourner vivre au Japon. La pression des performances et la pression de travail sont moins élevées en Europe qu’au Japon, c’est évident. En Europe, les manières sont aussi bien moins formelles. Dans la culture japonaise règnent des interdits et des préceptes très stricts. Il existe un grand respect de la hiérarchie au sein de la famille et de l’entreprise, nombre de règles de comportement dominent. Si vous n’en tenez pas compte, inutile d’espérer être considéré comme un partenaire ou gagner leur confiance. »
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