Zeno Debast et Wout Faes n’ont jamais été à la hauteur face aux offensives françaises. © FEP / Icon Sport

Les Diables en crise: et si on s’était simplement vus trop beaux?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Les Diables ont été ridiculisés par la France. De quoi remettre en question leur approche plus audacieuse du match, leur véritable niveau, leur défense et les choix de Domenico Tedesco.

C’était il y a un peu plus de deux mois. Au moment de choisir son costume pour entrer sur la scène des huitièmes de finale de l’Euro, le Diable avait commencé par un bouclier. Un 4-4-2 en trompe-l’œil, comme s’il allait mener une charge héroïque face à l’arsenal offensif de son imposant voisin, alors qu’il s’était très vite retranché derrière ses remparts en espérant résister à l’assaut français. Au final, la muraille belge avait cédé. Un tir dévié comme symbole d’une équipe qui avait accumulé trop de jambes dans sa propre surface.

Domenico Tedesco l’avait annoncé: les leçons de l’échec étaient tirées. «J’aurais dû être plus courageux et tenir un autre discours à la mi-temps contre la France», lance d’ailleurs le sélectionneur avant même d’annoncer les élus désignés pour enchainer le duel contre Israël et la revanche de Lyon, lors de sa conférence de presse de rentrée. «On a trop voulu s’adapter à l’adversaire. Il faut toujours s’adapter un peu mais là, c’était trop. On ne peut qu’en tirer les leçons. Et à l’avenir, je veux plus miser sur les qualités de mon équipe

Au moment de poser les crampons à Lyon, le costumier change donc de logique. Son 4-2-3-1 diffère à peine de l’équipe alignée contre Israël, avec une défense plus solide sur papier quand Arthur Theate glisse à gauche pour faire une place à Zeno Debast dans l’axe. L’entame est prometteuse, même si elle n’aboutit que sur deux frappes en 20 minutes (dont une reprise de Lukebakio sur une phase arrêtée parfaitement bottée par De Bruyne). Le problème, c’est que l’épée belge était un boomerang. Une fois réglée, la France expérimentale de Didier Deschamps met la main sur le match et le transforme en promenade sur un boulevard. Parce que le Diable a décidé de ne plus regarder dans ses rétroviseurs à l’heure de construire son plan de jeu, il semble avoir oublié les limites individuelles de son secteur défensif.

Peut-on attaquer avec cette défense?

Rarement aidé par Jérémy Doku et Amadou Onana dans la reconversion défensive, Arthur Theate boit la tasse face aux dribbles d’un Ousmane Dembélé survolté. Dans l’axe, Zeno Debast peine toujours autant à réguler le trafic aérien aux abords de sa surface tandis que Wout Faes enfile sa tenue de pompier pour éteindre des incendies souvent allumés par son positionnement aléatoire. Timothy Castagne est transparent, et la montée au jeu de Thomas Meunier débute par une course-poursuite aux airs grotesques dans le sillage de Bradley Barcola. En Allemagne, Domenico Tedesco avait pris le parti de protéger sa ligne défensive, quitte à réclamer des miracles à ses offensifs. Les Diables étaient certainement moins télégéniques, mais peut-être un peu plus compétitifs qu’en ouvrant des fenêtres derrière alors qu’aucun de leurs défenseurs n’est capable d’éviter les courants d’air.

La Belgique avait concédé deux tirs cadrés français à l’Euro, elle en subit neuf en Ligue des Nations. Tout ça pour péniblement faire grimper son total à l’autre bout du terrain de deux à quatre frappes entre les perches, sans jamais solliciter véritablement le talent de Mike Maignan. Au moment où Ousmane Dembélé inscrit le deuxième but de la soirée après une promenade entre Doku, Onana, Theate et Debast, la Belgique n’a frappé que deux fois. De quoi rendre étonnants les propos d’Amadou Onana qui déclare à la RTBF après le coup de sifflet final qu’il a vu «une équipe plus libérée qu’à l’Euro», que les Diables ont créé «quand même beaucoup d’occasions» et que les Français ont juste été «plus efficaces que nous».

Le boomerang ramène dans le visage national un déni de réalité. Kevin De Bruyne injecte la piqure de rappel devant les caméras de VTM dans la foulée du coup de sifflet final: «Je peux accepter qu’on n’est plus si bon qu’en 2018, je suis le premier à avoir dit cela, mais d’autres choses sont inacceptables.» S’il pointe du doigt la mentalité défaillante de certains, coupables d’avoir levé le pied face à l’invasion bleue, le capitaine rappelle aussi la baisse de niveau de ceux qui l’entourent sur le pré. Derrière, des défenseurs qui tutoyaient les sommets de la Premier League ont laissé leur place à des espoirs pas vraiment confirmés, dont les discours ambitieux hors du terrain peinent de plus en plus à masquer les limites sur le pré.

Les Diables face au miroir

La Belgique s’est sans doute vue trop belle à l’heure de partir à l’assaut de Lyon. Elle voulait provoquer des émotions chez ses supporters après un Euro joué sous somnifère, mais s’est retrouvée sous certificat médical après avoir ouvert les portes de la rencontre. L’heure est désormais à la recherche du remède pour se remettre sur pied.

Sera-ce encore avec Domenico Tedesco au laboratoire? L’ambiance semble être devenue pesante, les spécialistes improvisés en lecture labiale des réseaux sociaux ayant pris soin de déchiffrer les messages distillés par Youri Tielemans ou Kevin De Bruyne en quittant la pelouse. Un an et trois mois après l’affaire Courtois, qui avait déjà provoqué des secousses dans le vestiaire national en pointant du doigt le niveau de certains porte-drapeaux de la nouvelle génération, les dissentions semblent avoir fait leur retour au sein du groupe diabolique.

Depuis le Qatar, où certains membres plus jeunes de la sélection de Roberto Martinez avaient ouvert le feu en privé sur les privilèges de certains anciens de la génération dorée, le vestiaire belge est proche de l’ébullition à chaque contre-performance. L’énergie collective fait défaut, comme l’a encore souligné De Bruyne après la débâcle de Lyon. En ouvrant les portes pour faire preuve de cette bravoure qui avait manqué à l’Euro, la Belgique de Domenico Tedesco voulait montrer son courage. Elle a surtout affiché ses limites.

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