Faux maillots de foot : petit business entre amis

En plein Euro 2024, les contrefaçons de maillots de football pullulent sur internet, les réseaux sociaux ou les plateformes de vente en seconde main. Ils se rapprochent de plus en plus des « vrais », sont de plus en plus facile d’accès et sont parfois revendus par des mineurs. Enquête au cœur d’un trafic organisé de manière (très) décomplexée.

Par Nicolas Taiana, avec Arthur Lejeune (#Investigation, RTBF)

D’après le lieu de rendez-vous, on aurait pu s’attendre à recevoir un tout autre type de marchandise. Contacté sur Vinted, Antoine* avait évoqué sa période d’examens pour fixer l’entrevue sur le parking de son université. L’étudiant avait au moins rassuré, par message, sur la qualité du produit : « C’est une pépite », avait-il écrit. La perle rare en question ? Le dernier maillot des Diables rouges, un hommage à Tintin floqué du nom de son meilleur représentant, Kevin De Bruyne. Le maillot, vendu en boutique officielle à un minimum de 100 euros, était affiché à 70 sur le profil d’Antoine, avant d’être négocié – sans forcer – à 60. Une aubaine. Jusqu’à ce que le couperet tombe, une fois le tricot sorti d’un sachet de lingerie : la « pépite » annoncée est en réalité une contrefaçon, comme tant d’autres circulent en ligne.

Un peu d’argent de poche

Mis devant le fait accompli, Antoine formulera une parade plus ou moins bien orchestrée : son oncle, qui tiendrait un magasin de sport, lui offrirait ponctuellement l’un ou l’autre maillot. Antoine les revendrait ensuite pour se faire « un peu d’argent de poche ». Selon ses dires, il ne savait donc pas qu’il s’adonnait au commerce de contrefaçons, lui dont le profil Vinted stipulait justement que « tout est authentique avec preuve d’achat » et dont la garde-robe comprenait, aux côtés de la liquette de Kevin De Bruyne, les maillots du Real Madrid, de l’équipe de France ou de la sélection mexicaine. Ce type d’articles a depuis disparu de son compte, tout comme la mention sur l’authenticité de ses produits.

Si l’étudiant n’a pas souhaité s’exprimer davantage, il s’inscrit parmi les centaines de particuliers qui revendent des faux maillots de foot sur Vinted. Quand on leur demande s’il s’agit de vrais, ces marchands improvisés répondent par l’affirmative, bottent en touche ou laissent en « vu ». Mais racontent, dans la grande majorité des cas, avoir reçu un cadeau qui ne leur convenait pas, avant de le poster sur l’application pour en faire profiter quelqu’un d’autre. Tout porterait presque à croire que les anniversaires sont légion, et que la générosité ne connaît plus de limites, à l’heure de l’Euro 2024.

Un business florissant

« Je ne vais pas faire ça pendant des années. Je travaille, j’ai un job étudiant, mais voilà, c’est de l’argent facile », confesse Jonathan*, l’un des rares à avoir accepté de détailler le business florissant dans lequel il vient de se lancer avec un flegme déconcertant. Tuyauté par des potes et des vidéos Tiktok, cet ado de seize ans a déjà acheté, en quelques semaines, une petite dizaine de contrefaçons. Il se les procure sur des sites spécialisés, via Telegram ou WhatsApp, les paie environ 20 euros l’unité, puis les revend en moyenne à 35. La marchandise est écoulée en quatre ou cinq jours à peine. Et tout le monde est content. « Les jeunes de mon âge se moquent que ce soient des faux », reprend-il. « C’est une question de style et de prix. Pour la plupart, ils n’ont pas les moyens de s’acheter un maillot officiel à 100 euros. »

Les statistiques donnent raison à Jonathan : une étude de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), publiée le 12 juin, atteste que 19% des Belges âgés de 15 à 24 ans ont acheté des articles de sport contrefaits, dont plus de la moitié intentionnellement (10%).

Lisez la suite de cette enquête, réalisée en collaboration avec la cellule #Investigation de la RTBF, mercredi 26 juin prochain sur le site du Vif ou dans sa version magazine publiée le lendemain.

*Prénom modifié afin de conserver l’anonymat.

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