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N’utilise-t-on vraiment que 10% de la capacité de notre cerveau?

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

C’est une affirmation qu’on entend souvent, or elle est complètement fausse: non, l’être humain n’exploite pas que 10% de son cerveau, confirme la science.

Dans le film Lucy, de Luc Besson, sorti en 2014, l’héroïne (Scarlett Johansson) devient subitement omnisciente et capable de voyager dans le temps après avoir ingéré une substance permettant d’exploiter 100% de sa capacité cérébrale. L’intrigue entière repose sur une affirmation souvent relayée, selon laquelle l’homme n’utiliserait que 10% de son cerveau. Qu’en est-il vraiment?

C’est de la pure intox, objecte la science. Les recherches en neurosciences et les imageries médicales prouvent que toutes les régions du cerveau humain s’activent à divers degrés. Raisonnement, langage, coordination motrice, mémoire, perception spatiale, émotions, traitement de stimuli sensoriels… Composé de 100 milliards de neurones, le cerveau prend en charge d’innombrables fonctions, bien au-delà des seules connaissances qu’il emmagasine.

D’où provient, dès lors, cette affirmation erronée? «Pour certains, ce mythe proviendrait d’un grand psychologue américain du siècle dernier, William James, pour d’autres, l’origine serait attribuée à Albert Einstein, souligne le Centre national français de la recherche scientifique (CNRS). Cependant, il n’existe aucune trace de preuves attestant que ces deux chercheurs aient un jour formulé une telle idée. […] Comme souvent, une bonne partie de ces neuromythes repose sur des études scientifiques réelles, mais dont les résultats ont été plus ou moins correctement compris et/ou plus ou moins dévoyés​.»

D’après des chercheurs des universités de Montréal et de Laval, au Canada, l’origine du mythe, vieux de plus de 100 ans, pourrait remonter à la phrénologie, qui aurait sous-estimé, au XIXe siècle, la localisation des fonctions cognitives corticales. Au cours des années 1920 et 1930, poursuivent-ils, une expérience menée par le psychologue américain Karl Spencer Lashley aurait démontré qu’après «avoir perdu 58% de leur cortex cérébral, les rats pouvaient encore faire des apprentissages simples.» Mais «les promoteurs du mythe négligent de signaler que d’après Lashley, plus on enlève du tissu cérébral, plus les performances diminuent».

Enfin, estimer un pourcentage d’utilisation nécessite de définir ce qu’on entend par «potentiel du cerveau» ou «capacités cérébrales». Par ailleurs, s’agit-il de 10% du volume, du poids (variant d’un à deux kilos chez l’adulte moyen, dont 75% d’eau), des neurones? Dans tous les cas de figure, aucune hypothèse ne tient la route. L’être humain utilise donc bel et bien son cerveau à 100%, même si ce dernier recèle encore de nombreux mystères et quels que soient les doutes qu’on pourrait émettre envers certains individus. A cet égard, la célèbre réplique d’André Dussollier, dans le film Tais-toi, s’avère sans nul doute bien plus vraie que la théorie de Lucy: «C’est un asile de fous, pas un asile de cons. Il faudrait construire des asiles de cons. Mais vous imaginez un peu la taille des bâtiments…»

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