Les paroisses sont plus vivaces dans les grandes villes, à l’inverse des campagnes où le manque de prêtres est particulièrement problématique. © BELGA

Pourquoi certaines régions sont davantage affectées par la pénurie de prêtres

Presque 30 ans après la dernière visite d’un souverain pontife en Belgique, le pape François arrivera jeudi dans un pays où la crise sacerdotale est devenue particulièrement forte. Si le manque de prêtres touche toutes les régions, certaines le ressentent plus intensément.

Une chute vertigineuse. Entre 2017 et 2022, les prêtres diocésains, c’est-à-dire ceux sous l’autorité d’un évêque, ont vu leur nombre dégringoler de 33% en Belgique. Les prêtres religieux, qui appartiennent à des communautés (comme les jésuites), ne s’en tirent guère mieux, avec une baisse de 22%. Ensemble, ils ne représentent plus que 3.582 personnes, contre 4.979 cinq ans plus tôt, constate le dernier rapport annuel de l’Eglise catholique de Belgique.

La régression différée de la prêtrise flamande

Pendant longtemps, ce déclin touchait avant tout le sud du pays. «En Flandre, le catholicisme était plus vivace, d’où des taux de pratique religieuse plus élevés et donc une plus grande facilité à recruter», rappelle Caroline Sägesser, chercheuse au CRISP et historienne des cultes.

Mais le nord du pays n’échappe désormais plus à ce déclin. «Les scandales d’abus sexuels au sein de l’Église, particulièrement nombreux côté flamand, ont eu un impact indubitable. Ce phénomène a été si brutal que la Flandre a rattrapé la courbe décroissante wallonne. Aujourd’hui, les deux régions sont au même point», estime l’experte.

Des prêtres devenus rares en milieu rural

Au nord comme au sud, c’est surtout dans les campagnes que le manque de prêtres est particulièrement problématique. Même le bastion des chrétiens francophones, le diocèse de Namur (qui couvre les provinces de Namur et de Luxembourg), n’est pas épargné par le problème. «Lorsque Monseigneur Léonard était évêque de Namur, de 1991 à 2010, les taux de pratique ont chuté là-bas aussi, parce qu’il n’était pas fort apprécié. À ma connaissance, il n’y a pas eu d’inversion depuis et la situation est aujourd’hui pareille qu’ailleurs», analyse la chercheuse du CRISP.

Charles Delhez, sociologue jésuite et curé de la paroisse de Blocry à Ottignies-Louvain-la-Neuve, qualifie la situation en milieu rural de «catastrophique». «Imaginons un village de 500 habitants. Si on a 1%-2% de pratiquants, cela fait 5-10 personnes. Faites le calcul pour trouver de potentiels prêtres, analyse-t-il. Les prêtres sont donc obligés de courir d’une paroisse à une autre, tant le déficit est manifeste.» Une mobilité d’autant moins simple à gérer que de nombreux prêtres sont âgés, certains outrepassant largement l’âge de la retraite.

Le recrutement à l’international est devenu la principale piste de solution. Selon le dernier rapport annuel de l’Eglise, les étrangers représentent 21,3% des ministres du culte (c’est-à-dire les prêtres, diacres ou laïcs payés par l’Etat pour gérer les pratiques religieuses). Les données ne précisent pas comment ils sont répartis en Belgique, mais certains diocèses seraient plus ouverts à l’idée d’y avoir recours que d’autres, précise Charles Delhez. «C’est notamment le cas dans le Brabant wallon», ajoute-t-il. «Cela pourrait aussi s’expliquer par la présence de l’UCLouvain, car un nombre non négligeable de ministres du culte étrangers combinent leur service pastoral avec des études», indique Caroline Sägesser.

Une dynamique urbaine qui inspire

En ville, le tableau est assez différent. Certes, le manque de prêtres s’y fait également ressentir, mais de façon moins flagrante, les paroisses étant plus proches les unes des autres. Puis la grande force des églises urbaines est leur spécialisation. Certaines s’adressent davantage à un public très conservateur, comme Sainte-Catherine à Bruxelles qui attire des personnes parfois venues de la périphérie. D’autres sont plus progressistes. «C’est la personnalité du prêtre qui va attirer ou pas un certain nombre de gens et créer une dynamique», résume l’historienne.

Le curé de Blocry le constate aussi dans une ville moyenne comme Louvain-la-Neuve, où les églises «ont des sensibilités très différentes et sont toutes pleines». Cela vaut pour sa paroisse, plus décentrée, détachée de l’université et avec des pratiquants ordinaires, mais aussi des jeunes familles venant d’un peu partout.

Pour lui, la leçon est claire: «Il faut arrêter d’entretenir un modèle d’Eglise détaché de la réalité du terrain. Nous ne sommes plus à une époque où tout le monde était catholique. Aujourd’hui, nous représentons des petites communautés vivant ici ou là, dans une société qui ne se définit plus comme chrétienne, et il faut fonctionner autrement». C’est dans cette logique qu’il compte créer un habitat groupé catholique dans son quartier. Une façon aussi de préparer la fin de ses responsabilités à la tête de la paroisse d’ici peu. A 73 ans, Charles Delhez pourrait bien être le dernier prêtre à la tête de Blocry.

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