Le business des passeurs
Huit migrants sur dix font appel à un passeur pour traverser illégalement une frontière, souvent au péril de leur vie. Qui sont ces trafiquants ? Quels sont leurs tarifs ? Comment opèrent-ils ? Comment lutter contre eux ? Notre enquête.
Qui sont les trafiquants ?
Les autorités européennes ont identifié un groupe international de 30 000 suspects dans toute l’Europe, dont 3 000 opérant en Méditerranée. Petits ou grands, ces réseaux se déclinent, dans la plupart des cas, par communauté : les Albanais, les Africains (Erythréens, Soudanais), les Moyens-Orientaux (Afghans, Syriens, Irakiens…), les Asiatiques (Chinois, Vietnamiens), les ressortissants du sous-continent indien (Indiens, Sri-lankais).
Combien coûte un passage ?
Les tarifs varient souvent en fonction de l’origine des migrants. A Calais, on a observé que les Erythréens, qui représentent un quart des candidats au passage vers la Grande-Bretagne, se voient réclamer environ 500 euros, les Irakiens entre 900 et 1 500 euros et les Syriens entre 6 000 et 8 000 euros. Les tarifs peuvent aussi varier selon la prestation et le type de transport.
Comment paient les migrants ?
Ils redoutent d’être rackettés par des passeurs. Aussi se déplacent-ils généralement avec peu d’argent. Ils retirent les fonds nécessaires, dans chaque pays où ils passent, via un compte ouvert au préalable dans une banque internationale ou via des transferts de leurs proches, restés au pays, par Western Union ou MoneyGram.
Combien rapporte ce trafic ?
Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, le trafic de migrants et de réfugiés aurait rapporté 5,5 milliards de dollars aux passeurs, en 2014. Le recrutement des « clients » se fait par le bouche-à-oreille, mais aussi via les réseaux sociaux voire les petites annonces. Le récent démantèlement d’un réseau qui transportait clandestinement des Albanais à travers la Manche a permis aux enquêteurs de constater que les criminels avaient récolté 1,4 millions d’euros en six mois pour le transport d’environ 250 personnes.
Les passeurs sont-ils incontournables ?
Sur cent migrants ou réfugiés, quatre-vingts font appel à un passeur. Les 20 % restants utilisent encore des ficelles classiques comme le visa étudiant ou le visa touristique pour arriver dans un pays européen puis disparaître dans la nature, mais la combine s’avère de plus en plus difficile. Les smartphones commencent à concurrencer les passeurs. Ils permettent aux migrants de s’en passer partiellement, voire totalement, en fonction des pays traversés.
Combien d’arrestations en Belgique ?
Depuis le 1er janvier 2014 jusqu’au 20 août dernier, on comptabilise 418 arrestations de passeurs sur le territoire belge : 64 d’entre eux ont la nationalité belge (mais la plupart sont de la même origine que leurs « clients »), 26 sont Syriens, 23 Irakiens, 21 Afghans, 19 Albanais, etc. La Belgique est un pays à la fois de transit et d’installation.
Comment s’organise la lutte ?
Il n’est plus envisagé de bombarder les bateaux utilisés par les trafiquants. Il est davantage question de collecte et de partage de renseignements. Une seconde phase prévoit l’inspection et l’interception de bateaux, puis leur neutralisation, mais sans utiliser des moyens militaires comme le bombardement. Pour la phase 3, la neutralisation des embarcations et l’arrestation des passeurs, un feu vert du Conseil de sécurité de l’ONU et des Etats côtiers est nécessaire.
Thierry Denoël et Marie-Cécile Royen
L’enquête, les détails, les témoignages et les reportages dans Le Vif/L’Express de cette semaine.
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