USA: les nouveaux outils high tech pour lutter contre le sexisme, les préjugés raciaux et sociaux en entreprise

Post-it voulant témoigner de l'augmentation de la participation des femmes dans les high tech, conférence Google I/O developers, San Francisco, juin 2014. © Reuters

Trop d’hommes blancs et pas assez de femmes, de noirs ou d’hispaniques: au-delà des débats qu’il suscite, le manque de diversité de la Silicon Valley fait naître des entreprises se spécialisant sur des moyens d’y remédier.

Après le procès médiatisé l’an dernier d’Ellen Pao, qui accusait son ex-employeur de sexisme, et les statistiques trop homogènes de nombres de géants du secteur concernant le genre et l’ethnicité de leurs effectifs, “c’est logique que les gens essayent de faire cela. C’est un sujet brûlant”, estime Angela Benton.

Elle-même femme et noire, elle revendique un rôle de pionnière: son accélérateur de startups NewME accueille depuis 2011 à San Francisco des créateurs d’entreprises “non traditionnels”. Au programme résidentiel pour entrepreneurs noirs des débuts s’ajoute désormais une plateforme d’aide en ligne.

Parmi ses succès, Angela Benton évoque Pigeonly, un système d’envoi de photos inventé en prison par un ex-trafiquant de drogue. Son accélérateur a investi directement dans 39 startups, et surtout donné à “des centaines d’entrepreneurs” l’accès à un réseau.

“Les entrepreneurs issus des minorités n’ont pas beaucoup de gens qui peuvent les aider”, ni les contacts “que beaucoup tiennent pour acquis” dans la Silicon Valley, où il suffit d’entrer dans un café pour entendre parler de startups, avance-t-elle.

A priori inconscient

Manquer de contacts, d’un diplôme de la “bonne” université ou d’expérience chez un groupe connu: autant de handicaps, fréquents chez les minorités, pour trouver des investisseurs ou même juste un emploi.

C’est d’ailleurs sous l’angle du recrutement que beaucoup de startups lancées depuis l’an dernier avec l’étiquette “diversité” abordent le problème.

Textio à Seattle évalue ainsi l’attrait d’une offre d’emploi pour certains publics, ou le risque de les faire fuir, avec “une sorte de correcteur automatique” adopté notamment par Twitter, selon sa patronne Kieran Snyder.

Le fait d’être homme ou femme est un critère d’analyse. Textio débusque par exemple les analogies militaires ou sportives, prisées dans le monde des affaires et de la technologie, qui attirent surtout les hommes. “Plus la formulation est agressive, moins les femmes sont susceptibles de postuler”, dit-elle aussi: elles préfèreront travailler “avec des délais serrés” que “sous pression”.

Unitive, basée à Woodside près de San Francisco, propose d’éliminer tout “a priori inconscient” des recruteurs. Souvent ils ont une idée en tête, ils se disent: “J’ai besoin d’un autre Jacques”, explique sa fondatrice, Laura Mather. Qu’un candidat joue au cricket, comme Jacques, et “ce CV soudain prend plus d’importance qu’un autre, même si ce n’est pas pertinent”.

Unitive contrebalance ces réactions avec un logiciel censé “recentrer” le recruteur sur les vrais enjeux. Il va hiérarchiser les informations d’un CV pour montrer d’abord les expériences ou capacités cruciales pour le poste, en “cachant” le reste sur une autre page. Ou structurer les entretiens en déterminant des questions à poser à chaque candidat pour évaluer des compétences précises.

Buzz et bonnes intentions

“Le succès des efforts va dépendre de ce qui se passe dans l’entreprise”, prévient Joelle Emerson. Ex-avocate spécialisée dans les affaires de discrimination et de harcèlement, elle aussi a fondé une entreprise oeuvrant pour la diversité, un cabinet de conseil à Palo Alto, Paradigm, qui détermine des stratégies sur-mesure pour une quinzaine de clients, dont Pinterest.

Corriger ses offres d’emplois, anonymiser les CV, inviter au moins un candidat issu d’une minorité aux entretiens d’embauche… cela aide parfois. Dans d’autres cas, il faudra plutôt prendre le temps de chercher de vrais bons candidats en dehors de la Silicon Valley ou des grandes universités, ou réfléchir à sa culture d’entreprise, avance-t-elle.

“Les femmes quittent le secteur technologique à des taux deux fois plus élevés que les hommes”, souvent “pas pour leur famille” mais “à cause de la culture, du manque de possibilités d’avancement”, rappelle-t-elle.

Partant de ce même constat, une autre startup de San Francisco, Doxa, propose aux femmes de consulter des profils similaires à ceux des sites de rencontre, mais consacrés à des entreprises. Parmi les critères de compatibilité figurent régularité et amplitude des horaires, vacances et congés parentaux, ou encore possibilités d’avancement.

Quel effet auront ces initiatives? Joelle Emerson note que les entreprises “pas vraiment engagées” ont pour point commun “des dirigeants qui ne comprennent pas quelle valeur la diversité a pour leur activité, qui pensent que c’est juste du buzz”.

Soutien d’associations ou d’événements, financement de programmes spécifiques, ou récemment annonces de congés parentaux… les acteurs du secteur médiatisent leurs efforts, mais les bonnes intentions se teintent d'”opportunisme pour améliorer l’image de marque”, regrette Angela Benton.

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