La libération de Noa Argamani, le 8 juin, a été permise par une opération très élaborée de Tsahal au cœur de la bande de Gaza. © REUTERS

Guerre Israël-Hamas: pourquoi tant d’otages n’ont pas encore été libérés

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Des dizaines de captifs sont vivants dans la bande de Gaza, assure un responsable israélien. Mais, hors d’un accord négocié, les autres voies pour les libérer sont complexes et risquées.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou subordonne l’ouverture d’une commission d’enquête officielle sur les failles dans le dispositif de sécurité lors du massacre du 7 octobre par le groupe islamiste palestinien Hamas à la fin de la guerre qu’il a lancée le 27 octobre dans la bande de Gaza. Aucune perspective sur son terme ne se dessine. Ni la dissolution du cabinet de guerre –mesure imposée par le retrait de la coalition d’union nationale des anciens chefs d’état-major Benny Gantz et Gadi Eizenkot qui l’avaient intégré après la tragédie– ni l’ouverture d’un couloir humanitaire entre le poste-frontière de Kerem Shalom et l’hôpital européen de Rafah dans le territoire palestinien –une décision de l’état-major de l’armée apparemment non concertée avec le gouvernement– n’en sont les prémices.

Projet de rapt signalé

Ainsi est repoussée à un horizon indéfini l’introspection qui mettra sans doute à mal l’attitude du gouvernement et de bien d’autres institutions dans la gestion de la situation dans la bande de Gaza avant et pendant la journée du 7 octobre. Une nouvelle preuve en a été donnée avec la révélation par la chaîne de télévision israélienne Kan de l’existence d’un rapport de l’Unité 8.200, organe de renseignement de l’armée israélienne, qui, le 19 septembre 2023, mettait au jour des entraînements de sections d’élite du Hamas en vue de l’attaque de cibles militaires et de kibboutz du pourtour du territoire palestinien et le rapt d’un nombre d’otages explicitement évalué entre 200 et 250. L’attaque du 7 octobre a fait 1.194 morts; 251 personnes ont été enlevées par les assaillants. Les responsables du renseignement au sein du commandement militaire sud de l’armée, en charge de la bande Gaza, auraient eu connaissance de ce rapport…

Un accord a permis la libération de 105 captifs entre le 24 et le 30 novembre 2023. D’après l’armée, 116 personnes seraient encore détenues dans la bande de Gaza tandis que 41 seraient décédées. D’autres, enfin, ont été libérées sur intervention des forces israéliennes. Un haut responsable israélien participant aux négociations pour un nouvel échange entre des otages et des prisonniers palestiniens en Israël a assuré, le 18 juin, que «plusieurs dizaines» de captifs de Gaza étaient en vie, aux mains du Hamas, d’autres groupes djihadistes, ou même de civils, et qu’il en avait des «preuves certaines». Une manière peut-être de rappeler l’intérêt d’un approfondissement des tractations. Le 31 mai, le président américain Joe Biden a présenté un plan en ce sens. Mais Israël et le Hamas ne sont toujours pas arrivés à en fixer les modalités.

«J’ai essayé de rester forte. Mais il y a eu des moments difficiles.»

Opération délicate

Or, un élargissement à la faveur d’un accord négocié est la voie la plus certaine de résolution de cette question. La complexité d’une opération de libération par la force menée dans un terrain aussi hostile le confirme. La preuve en a été donnée par les détails révélés sur l’intervention de Tsahal, du Shin Beth et de l’unité d’élite de la police Yaram, qui a permis le retour à la liberté le 8 juin de Noa Argamani, Almog Meir Jan, Andrey Kozlov et Shlomi Ziv. La mission a nécessité un mois de préparation après leur localisation dans deux bâtiments du camp de réfugiés de Nuseirat, au centre du territoire palestinien. Des agents de Yaram se sont infiltrés parmi la population pour parvenir à déterminer dans quelle pièce ils étaient retenus. Les édifices ont été reconstruits en territoire israélien pour aider les futurs assaillants à se mouvoir à l’intérieur des bâtiments réels. Le jour de l’assaut, Noa Armagani a été libérée rapidement; elle se trouvait dans le premier. Des combats violents ont été nécessaires pour garantir la même issue aux trois autres détenus, dans le second édifice. Bilan: entre 104 morts, chiffre israélien, et 274 morts, décompte du Hamas, du côté palestinien, et un soldat tué, côté israélien.

«J’ai essayé de rester forte. Mais il y a eu des moments difficiles», a témoigné Noa Argamani, une participante au Festival de musique Nova devenue un des visages emblématiques des otages. Elle a précisé avoir été «esclavagisée» pendant sa détention. D’autres captives ont été victimes d’agressions sexuelles. De quoi comprendre cette réflexion de Noa Argamani: «Une fois, j’ai entendu à la radio qu’Israël était contre la fin de la guerre, et cela m’a brisée…» Une interpellation qui, jusqu’à présent, n’a pas suffi à convaincre Benjamin Netanyahou de changer de stratégie.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire