La Première ministre italienne Giorgia Meloni n’a pas renié son passé néofasciste. © GETTY IMAGES

Pourquoi remémorer le fascisme aide à combattre le populisme d’aujourd’hui

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Auteur d’une somme sur Benito Mussolini, Antonio Scurati dénonce l’amnésie de Giorgia Meloni et d’une partie de l’Italie sur le passé fasciste. Un danger actuel.

Convié cette année par la RAI 3 à prononcer un discours à l’occasion des commémorations de la libération de l’Italie, le 25 avril 1945, de l’occupant nazi et de ses alliés fascistes dirigés par Benito Mussolini, l’écrivain Antonio Scurati, auteur d’un triptyque prodigieux sur le Duce (M. L’enfant du siècle, M. L’homme de la providence, M. Les derniers jours de l’Europe, Les Arènes, 2020, 2021, 2023) a vu son intervention annulée pour des «raisons éditoriales» par la direction de la chaîne de télévision. Il devait y dénoncer l’incapacité à renier son passé politique de la Première ministre Giorgia Meloni, issue de Fratelli d’Italia, «un parti d’extrême droite aux leaders dotés d’une histoire personnelle, biographique et politique issue du néofascisme». Dans La Politique de la peur (1), il approfondit les convergences et les divergences entre l’Italie de l’avant-Seconde Guerre mondiale, qui a vu l’ascension du fascisme, et celle d’aujourd’hui.

«Les leaders politiques qui défient la démocratie […] ne descendent pas du Mussolini fasciste, mais du Mussolini populiste.»

En arrivant au pouvoir le 22 octobre 2022, Giorgia Meloni avait le choix entre deux possibilités: «Soit dénouer définitivement –à travers un discours public transparent, décisif– les liens qui rattachent à ce passé obscur, soit se préparer à revisiter l’histoire entière du pays en question en essayant de modifier la marque de ce passé pour jeter sur lui un jour prétendument nouveau qui en nie ou en travestit l’obscurité.» Elle a choisi la seconde option, regrette et dénonce l’auteur. Il rappelle les caractéristiques du fascisme historique: la violence, la séduction, la force du leader, l’entretien d’un sentiment de peur, qu’il importe de transformer en haine. Il y a 100 ans, l’ennemi était le socialiste, aujourd’hui, c’est l’immigré. La théorie d’Antonio Scurati, accréditée par le renoncement à la violence physique de ces acteurs, est que «les mouvements, les partis et surtout les leaders politiques qui défient aujourd’hui la démocratie […] ne descendent pas du Mussolini fasciste. Ils descendent, en revanche, du Mussolini populiste.»

Face à ce qui reste une sérieuse menace pour la démocratie, l’écrivain exhorte à se défaire de «l’illusion de la démocratie éternelle», à reprendre la lutte, et à «embrasser un antifascisme civil, et non plus idéologique, un antifascisme […] qui invite tout le monde à prendre position sous le drapeau de la démocratie».

(1) La Politique de la peur. Manifeste contre le populisme et pour la démocratie, par Antonio Scurati, Les Arènes, 112 p.

© DR

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire