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Le compte d’épargne n’est plus la bonne option pour votre argent: «C’est le moment ou jamais d’aller voir ailleurs»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Avec une baisse des taux attendue pour juin, l’épargnant aurait tort de laisser dormir son argent sur des comptes à faible rendement. D’autres options s’offrent à lui, comme les comptes à terme, les obligations ou les bons de caisse. Une manière de «sécuriser» son épargne à des taux attractifs avant qu’il ne soit trop tard. Mais tout est une question de temporalité…

Pour la première fois depuis longtemps, la Banque centrale européenne (BCE), via sa présidente Christine Lagarde, a laissé la porte ouverte à une baisse de ses taux directeurs. Selon toute vraisemblance, ce rabaissement pourrait intervenir au mois de juin. Et, dans le cas où le chef d’orchestre européen amorce un decrescendo, il est fort probable que les banques suivent la cadence et abaissent, à leur tour, les taux d’intérêt sur l’épargne. Ces derniers n’ont par ailleurs jamais atteint la barre fixée par la BCE, malgré les tentatives d’électrochoc via le bon d’Etat, par exemple.

En partant du principe où les institutions bancaires chercheront à maintenir leurs marges d’intérêt, une baisse des taux directeurs de la banque centrale n’est pas une bonne nouvelle pour l’épargnant, qui risque de voir les maigres taux actuels encore se réduire. «On a atteint le niveau ‘haut’ des taux d’intérêt. C’est le moment ‘d’aller faire ses courses’, de faire son shopping parmi les différentes offres afin de bloquer les taux d’intérêt actuels pour une plus longue période», entame Anh Nguyen, expert financier (UNamur, UCLouvain).

Les comptes d’épargne: la (mauvaise) solution par défaut

Les comptes d’épargne restent le choix numéro 1 des Belges pour leur argent. Actuellement, 260 milliards d’euros y sont placés. A titre de comparaison, la France et ses 68 millions d’habitants comptent 540 milliards déposés en épargne. «Proportionnellement, le Belge met donc beaucoup d’argent sur le compte d’épargne, remarque Anh Nguyen. Mais tout porte à croire que ce produit va être impacté par la baisse des taux. C’est pourquoi l’épargnant doit commencer à regarder ailleurs: c’est le moment ou jamais», conseille-t-il.

Cependant, si vous avez absolument besoin de votre argent sur le court terme et que vous tenez au compte d’épargne, visez alors l’ouverture d’un compte auprès des ‘petits’ acteurs en ligne (MeDirect, Keytrade, Santander) qui proposent des taux plus intéressants. Laisser son argent dormir sur un compte d’épargne d’une grande banque belge (BNP, Belfius, ING, KBC) est inintéressant. Pire encore: laisser l’entièreté de son épargne végéter sur un compte courant.

Pour Grégory Guilmin, expert financier indépendant (La Bourse: Make it Easy), les comptes d’épargne belges ne sont pas attractifs en raison du système de prime de fidélité. «Ce bonus n’est rétribué qu’après douze mois, avec la condition de ne pas devoir toucher à l’argent. Chez un acteur allemand comme Trade Republic, les intérêts sont payés tous les mois, compare-t-il. Or, avec la prime de fidélité, seul le montant minimum qui a été sur le compte pendant douze mois est pris en compte. C’est un système injuste pour l’épargnant: d’une part parce qu’il doit attendre un an, d’autre part parce que, dans le même temps, sa banque peut placer à du 4% et être payée tous les jours par la BCE», pointe-t-il.

Epargne: coussin de sécurité et temporalité

Selon Grégory Guilmin, également conférencier et coach financier, l’épargnant doit se créer un «coussin de sécurité» qui correspond à six mois de dépenses nettes et douze mois de salaire net. Cela équivaut à l’argent qu’on ne souhaite pas investir en Bourse. «Il convient surtout de déterminer si l’épargnant a des projets qui nécessitent de l’argent au-delà de ce coussin de sécurité, comme un investissement immobilier. C’est la temporalité qui est importante, insiste-t-il. S’il n’a pas besoin de l’argent à court terme, prendre des décisions d’investissement ou de désinvestissement en fonction d’éléments potentiels futurs est contre-productif. Le mieux est alors d’investir un montant moindre, mais sur le long terme».

Dans le cas où l’épargnant a besoin de son argent dans un horizon de 3 à 5 ans, il est plus judicieux de ne pas investir l’entièreté de façon risquée. Et donc, de se diriger vers un compte à terme (chez Trade Republic, par exemple, un taux de 4% brut (2,8% net) est proposé pour un an, avec des intérêts payés mensuellement), ou des obligations de bonne qualité, comme l’or. «Si on a un horizon de plus de dix ans, on peut investir à 100% dans des fonds d’investissement passifs en actions (ETF)», assure-t-il.

Les comptes à terme

En optant pour un compte à terme, on place son argent pour une durée déterminée, contrairement au compte d’épargne. «C’est le prix à payer: si on veut ‘bloquer’ le taux, l’argent est aussi bloqué, résume Anh Nguyen. Cette option est intéressante si le client est certain de ne pas avoir besoin de cet argent à court terme.»

Sur les comptes à terme, les taux d’intérêt se situent aux environs de 2% nets sur 1,5 ou 10 ans. «Le taux ne varie pas beaucoup en fonction de la durée. En ce moment, la courbe des taux est inversée. En d’autres termes, plus vous placez votre argent longtemps, moins le taux est intéressant. C’est une situation assez étrange, mais cela permet quand même de bloquer un taux pendant quelques années, précise Anh Nguyen. D’ici un ou deux ans, poursuit-il, il est fort probable que le taux d’intérêt soit plus bas que celui d’aujourd’hui. Il revient donc à l’épargnant de faire la démarche en adoptant une attitude proactive. Votre banquier ne pas vous appeler pour vous convaincre de bouger votre argent sur un compte à terme.»

Les obligations

Au niveau des obligations, il y a deux façons d’investir : soit on achète des lignes directes, avec le risque de faire un ‘mauvais choix’ et que l’entreprise connaisse des problèmes. Soit on se dirige (et c’est l’option privilégiée) vers des fonds d’obligations proposés par les banques. «Ce portefeuille permet de réduire les risques, avance Anh Nguyen. Avec en moyenne un rendement de 4% brut, soit 2,8% nets par an, c’est un produit intéressant pour l’investisseur.» D’autant plus que lorsque les taux baissent, les obligations ont tendance à prendre de la valeur. «D’une part, on peut capter ce taux de 2,8% et d’autre part, si les taux baissent, on peut réaliser une plus-value supplémentaire sur les obligations du portefeuille.»

Les obligations restent cependant des instruments financiers qui sont volatiles. « C’est le point faible, tempère Grégory Guilmin. Si vous avez besoin de l’argent plus tôt que prévu, votre investissement sera soumis à de la fluctuation financière.»

Les bons de caisse

Remis au goût du jour par des banques comme Belfius ou CPH, le bon de caisse peut représenter une alternative intéressante. «Si vous êtes client de la banque et que vous avez un compte d’épargne, optez alors plutôt pour le bon de caisse, conseille Anh Nguyen. Belfius propose du 2,1% net pour un an, alors que le compte d’épargne tourne autour du 1%. Mais à l’instar du compte à terme, en optant pour le bon de caisse, l’épargnant ne doit pas avoir besoin de l’argent pendant la maturité choisie.»

La tentation de l’étranger

Le taux moyen sur l’épargne en Belgique (0,85%) est bien en-deçà de la moyenne européenne (1,71%). Cette immobilisme belge est dû à plusieurs éléments, selon Grégory Guilmin : «Le monopole des grandes banques, les contraintes administratives relatives aux ouvertures et fermetures de comptes, et la surprotection de l’Etat envers les banques, qui oblige les épargnants à déclarer un compte à l’étranger à la BNB.»

Avec ses taux toujours aussi peu attrayants, les banques belges pourraient ainsi voir les clients tentés de bouger leur épargne vers l’étranger, ou vers des comptes en ligne. «Ce ne serait pas une mauvaise chose pour enfin pousser les banques à proposer des taux décents», estime Grégory Guilmin. «Mais pour placer son argent à l’étranger, l’épargnant se cogne à des obligations fiscales, qui demandent des démarches supplémentaires rebutantes», craint Anh Nguyen. «Aujourd’hui, on peut être rémunéré à du 3 ou 4% sans risque simplement en faisant jouer la concurrence», conclut Grégory Guilmin.

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