Le jour de fermeture obligatoire dans les commerces pourrait être remis en cause par la coalition Arizona. © Getty Images

Les commerces bientôt ouverts le dimanche? Pourquoi cette volonté du MR pourrait se concrétiser sous cette législature

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Alors qu’une coalition Arizona se profile au fédéral, davantage de flexibilité pourrait être accordée aux commerces en termes d’horaires d’ouverture. Le MR, notamment, veut permettre aux magasins d’ouvrir le dimanche pour limiter la concurrence de l’e-commerce et des achats transfrontaliers.

Faire son shopping le dimanche sera-t-il bientôt la norme? La proposition pourrait en tout cas refaire surface sous cette législature, au vu des intentions des partis pressentis pour former un gouvernement fédéral. Sous une coalition Arizona réunissant le MR, Les Engagés, la N-VA, le CD&V et Vooruit, seuls les socialistes flamands feraient barrage aux emplettes dominicales. Un compromis pourrait ainsi se dégager sur une suppression du jour de fermeture obligatoire dans les magasins.

Actuellement, la majorité des commerces sont en effet tenus de respecter une période de fermeture ininterrompue de 24 heures par semaine, durant laquelle le magasin est inaccessible aux clients, la vente directe de produits est interdite et les livraisons, proscrites. Des exceptions à ce jour de repos obligatoire existent toutefois pour les commerces situés dans des zones touristiques (à la Côte, à Durbuy…) ou dans les gares, les aéroports et les hôpitaux. Les librairies ou les stations essences ne sont pas non plus visées par cette règle. Une dérogation peut aussi être octroyée lors d’événements locaux spécifiques (foires, braderies, marchés, etc).

Le commerçant, «maître» de ses lieux

En dehors de ces exceptions et de certains magasins alimentaires, les commerces de détail ne sont autorisés à ouvrir le dimanche qu’à six reprises par an. Un seuil trop contraignant aux yeux du MR, qui plaide pour une liberté totale en termes d’ouverture dominicale, comme en Suède. «L’idée n’est pas de rendre la mesure contraignante, mais d’offrir cette possibilité aux commerçants qui le souhaitent», précise le parti. Selon les libéraux, cette flexibilité accrue permettrait de faire face au développement de l’e-commerce et de limiter les achats transfrontaliers le dimanche.

Un constat partagé par la fédération du commerce, qui estime que les emplettes effectuées en France ou aux Pays-Bas représentent un «handicap concurrentiel de plus en plus important». «Tout commerçant a le droit d’être maître en ses propres lieux, insiste Lora Nivesse, directrice des affaires publiques chez Comeos. Il doit pouvoir déterminer les horaires qui l’arrangent le mieux, en fonction de sa fréquentation et des habitudes de sa clientèle

Un effet d’étalement

Des arguments qui peinent à convaincre les syndicats, à commencer par le SETca (FGTB), qui dénonce un nouvel instrument de «dérégulation» qui va mettre à mal les conditions de travail dans le commerce, déjà plombées par l’implémentation des flexijobs et d’autres contrats précaires. «Comme d’habitude, les enseignes qui offrent des emplois dignes et de qualité vont trinquer, au détriment des ‘cowboys’ qui ouvriront sept jours sur sept sans scrupule pour les conditions de leur personnel», déplore Myriam Delmée, présidente du SETca.

Les représentants des commerçants indépendants craignent également que la mesure n’affaiblisse l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. «Quand on tient un commerce tout seul, c’est compliqué de s’aligner sur les autres en ouvrant tous les jours, contextualise Olivier Vandenabeele, conseiller au service d’études de l’Union des Classes Moyennes (UCM). D’autant qu’il faut toujours prévoir une journée pour gérer le stock». Pour les structures qui peuvent faire appel à du personnel, ouvrir un septième jour par semaine impliquerait des coûts salariaux difficilement supportables, dus notamment aux sursalaires en vigueur le dimanche, ajoute le Syndicat Neutre des Indépendants (SNI).

Des coûts pas forcément compensés par des ventes plus importantes. «Le pouvoir d’achat du consommateur reste le même, que l’on ouvre six ou sept jours», assure Olivier Mauen, porte-parole du SNI. « Plusieurs études ont démontré qu’une ouverture sept jours sur sept n’avait pas de réelle plus-value économique, complète Olivier Vandenabeele. Elle se traduit plutôt par un effet d’étalement et de répartition des achats plutôt que par une augmentation de ceux-ci.»

Les grandes chaînes favorisées?

La libéralisation du secteur profiterait surtout aux grosses enseignes, telles que Decathlon ou Ikea, au détriment du commerce local ou artisanal, craint encore Olivier Vandenabeele. L’UCM se dit toutefois «ouverte» aux discussions en raison de l’évolution des habitudes de consommation, mais en assurant aux petits commerces la possibilité de jouer à «armes égales» avec les plus grosses structures.

Outre les réticences des représentants des indépendants, l’implémentation d’une telle mesure risque de se heurter à la future opposition parlementaire. Côté francophone, le PS, Ecolo, le PTB et même DéFi ont toujours désapprouvé la suppression du jour de fermeture obligatoire dans les commerces. L’idée, déjà émise sous le gouvernement Michel et portée par la N-VA durant la campagne électorale de 2019, n’a jamais abouti. Seules quelques adaptations ont pu voir le jour, comme la possibilité de changer de jour de fermeture hebdomadaire tous les trois mois, contre six auparavant, pour permettre aux commerçants de s’adapter au rythme des saisons, par exemple.

Les esprits sont-ils aujourd’hui plus mûrs ? Oui, à en croire Comeos, qui s’attend à des avancées sous cette législature. «L’avènement généralisé de l’e-commerce et les crises successives (Covid-19, énergie…) ont encore fragilisé le secteur, tranche Lora Nivesse. Il y a urgence d’accorder plus de souplesse aux commerçants.»

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire