Le rossignol aime chanter à Berlin de fin avril à fin mai. © GETTY IMAGES

Ce musicien joue des concertos avec des rossignols

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Jazzman reconnu, David Rothenberg a pris l’habitude de jouer de la clarinette avec des animaux, surtout les rossignols de Berlin.

Dans certains dialectes, son nom signifie «mille voix». Le chant du rossignol mâle –la femelle ne chante pas– fascine depuis des millénaires. «Il est capable de tenir toute la nuit jusqu’à ce que les autres oiseaux suivent le mouvement à l’aube», note David Rothenberg dans le surprenant livre Un rossignol dans la ville, en constatant aussi que «le rossignol nous perturbe constamment en veillant à ce que son chant recèle quelque chose auquel on ne peut s’attendre». Clarinettiste de jazz, icône de la scène musicale expérimentale new-yorkaise, Rothenberg s’est pris de passion pour cet oiseau symbole de l’amour ou de la nostalgie et dont les parcs de Berlin regorgent à chaque migration, au point que les plus grands spécialistes de l’espèce travaillent à la Freie Universität de la capitale allemande.

David Rothenberg, pour qui Berlin est la ville d’Europe la plus idéale pour entendre le chant du rossignol de fin avril à fin mai, a l’habitude d’y prendre ses quartiers pour… improviser des concertos avec ces virtuoses qui continuent à chanter «même pendant les guerres». Dans un essai à la fois philosophique et scientifique, le musicien, qui a accompagné de grands noms tels que Peter Gabriel ou Suzanne Vega, raconte son expérience avec ces passereaux spécialistes des ruptures de rythme. La complexité unique de leur chant l’aide à trouver le fameux «effet Sharawadji» que les Chinois décrivent comme la beauté de l’irrégularité.

«Son chant recèle quelque chose auquel on ne peut s’attendre.»

Le musicien fait preuve d’humilité, convenant avec son ami artiste Korhan Erel qu’il n’est pas nécessaire de tirer des conclusions scientifiques sur le talent des rossignols et que nous devrions simplement nous réjouir de leur chant. Il renchérit avec lucidité: «Tous, nous avons conscience que notre espèce contribue au réchauffement de la planète […] et que cela pourrait signifier la fin de notre domination sur Terre. Pourtant, ces moments où les humains peuvent entrer en relation avec la nature grâce aux sons qui nous entourent, lorsque nous faisons de la musique avec les rossignols de Berlin, existent encore.»

Les mélomanes amoureux de la faune et de la flore découvriront cet ouvrage, à la fois érudit et intimiste, avec beaucoup de plaisir, car, à travers la mélodie millénaire du rossignol, l’auteur invite à questionner l’importance du son, de la musique, de l’écoute, a fortiori dans un monde baigné dans un brouhaha urbain permanent que les rossignols parviennent à dompter. Quel exemple!

Un rossignol dans la ville, à la recherche du son parfait, par David Rothenberg, Actes Sud, 272 p.

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