Manette de jeux vidéo
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En Belgique, près d’un joueur de jeux vidéo sur deux est une femme: «On y a toujours joué. C’était juste une question de visibilité»

Le Vif

47% des joueurs de jeux vidéo belges sont des femmes. Un chiffre en constante augmentation ces quinze dernières années. 

Près de la moitié des joueurs de jeux vidéo en Belgique sont des femmes, pointe une étude de la VGFB (Video Games Federation Belgium). Un constat loin d’être surprenant selon Chloé Boels, cofondatrice de Stream’Her, association qui met en avant les femmes dans le milieu du streaming: «cela fait quelques années qu’on est à du 50/50 à l’échelle mondiale. Dans cette logique, la Belgique est même un chouia en retard». 

Il y a 15 ans, les chiffres étaient nettement différents: seul un tiers des joueurs étaient des femmes. En une dizaine d’années, du chemin a été parcouru dans le secteur vidéoludique: «à l’époque, il y avait un grand manque de représentation féminine dans le jeu vidéo. Aujourd’hui, il y a du mieux, explique JarmOu, streameuse de jeux vidéo liégeoise. Par exemple, le personnage féminin emblématique Peach est passé de la princesse innocente qu’il fallait sauver à une héroïne forte qui a aujourd’hui droit à son propre jeu». C’est un propos que rejoint Krysthal, elle aussi streameuse à ses heures perdues: «il y a quinze ans, c’était impensable de s’attacher à Peach, reléguée au second plan dans les jeux Mario. À présent, ma fille la perçoit comme une héroïne centrale dans le paysage vidéoludique». 

«Jouer des héros masculins, c’était la norme»

«À l’adolescence, on était obligé de jouer avec des personnages masculins, regrette Krysthal. C’était la norme». JarmOu a vécu différemment ce manque de représentation: «Comme c’était vu comme étant un hobby purement masculin, je le vivais comme une fierté de jouer aux jeux vidéo dans mon développement social. Je me sentais spéciale». 

Au fil du temps, l’arrivée croissante de personnages féminins forts a permis à des tas de joueuses de se sentir enfin représentées: «en 2024, les amatrices de jeux vidéo ne sont plus contraintes de s’identifier à des héros masculins, poursuit Krysthal. Le jeu vidéo propose dorénavant une énorme palette d’héroïnes». «Les exemples sont nombreux, poursuit Chloé Boels: Lara Croft est passée d’objet de fantasme à une héroïne reconnue, et l’arrivée de nouvelles figures féminines ne peut qu’améliorer l’expérience vidéoludique de milliers de joueuses. C’est porteur d’espoir pour les jeunes filles qui s’intéressent aux jeux vidéo». 

Oui, mais…

L’enquête de la VGFB montre que les jeunes sont moins intéressés par les jeux vidéo que les adultes. C’est bien simple, 57% des joueurs en Belgique ont plus de 25 ans. Cela va même plus loin, un tiers des joueurs ont plus de 35 ans, et l’âge moyen des joueurs et joueuses est de 31 ans. «On s’attend à ce que cette moyenne augmente d’année en année, explique David Verbruggen, directeur général de la VGFB. Penser que le jeu-vidéo est un loisir d’enfant n’est plus d’actualité»

JarmOu et Krysthal, toutes deux âgées de plus de 35 ans, sont loin d’être étonnées par ce constat: «on fait partie de la génération qui a grandi avec les jeux vidéo, entame Krysthal. Maintenant dans la vie active, on a forcément plus de moyens financiers, et donc c’est bien plus facile d’investir dans ce hobby». Selon JarmOu, les jeunes d’aujourd’hui se désintéressent bel et bien des jeux vidéo: «mes neveux jouent relativement peu. Ils sont bien plus intéressés par TikTok et Instagram. C’est facile d’accès, et surtout totalement gratuit». Un avis que rejoint Chloé Boels: «les jeunes sont attirés par la création de vidéos digitales. L’industrie vidéoludique devrait investir davantage pour proposer du contenu aux plus jeunes».

David Verbruggen tempère: «le jeu vidéo intéresse encore les plus jeunes, car ils représentent une part de joueurs tout de même importante. Et puis, la part grandissante d’adultes s’explique aussi par le nombre de jeux plus matures proposés: beaucoup sont interdits au moins de 18 ans et sont trop violents pour les plus jeunes. Une partie non négligeable des divertissements numériques ne sont tout simplement pas accessibles aux mineurs, ce qui les empêche peut-être de jouer plus souvent». 

Un hobby tabou?

Si c’est assez surprenant d’apprendre qu’un tiers des joueurs ont plus de 35 ans, c’est aussi parce que peu de joueurs osent parler de ce loisir, ce que regrette Krysthal: «sur le lieu de travail, quand on me demande ce que j’ai fait du week-end, c’est toujours plus clinquant de prétendre que j’ai mangé au restaurant, que de dire que j’ai passé la soirée sur la console. Moi-même, je ne parlais pas de ce plaisir personnel, alors que je travaillais dans le secteur informatique, endroit propice pour trouver d’autres joueurs. J’avais l’impression que mes collègues ne me comprendraient pas».

Thomas Renard

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