Paul Magnette l’a beaucoup répété, «octobre ne sera pas juin». © PHOTO NEWS

«La vague bleue doit se fracasser sur le mur rouge»: le dernier briefing de Paul Magnette pour sauver les communales 2024 du Parti socialiste

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

En bureau de parti, le 23 septembre, Paul Magnette a donné ses dernières indications stratégiques aux dirigeants du PS. «Les trois dernières semaines seront décisives», a-t-il expliqué.

«La vague bleue doit se fracasser sur le mur rouge!», a dit Paul Magnette. Le Parti socialiste sort d’un été difficile, son président entre dans un automne plein de dangers, et le bureau de parti a été convoqué le 23 septembre à 10 heures, par visioconférence –les candidats wallons aux communales ont autre chose à faire, à trois semaines du scrutin, que d’aller se faire toiser, un lundi, par le carrefour Léonard en chantier.

Paul Magnette y a rappelé ce que devaient être les dernières lignes de force du parti pour les communales, martelant, comme c’est écrit juste avant la phrase du mur rouge dans le dernier slide de sa présentation de 40 minutes, en conclusion donc, qu’«octobre ne sera pas juin».

«Sur Facebook, on touche tout le monde, y compris ceux qui n’ouvrent pas quand on frappe à leur porte.»

Changement de méthode

«Octobre ne sera pas juin», a dit le président Magnette, parce que «les communes doivent devenir un rempart aux politiques antisociales de la droite». Il a commencé son exposé par un commentaire de politologue-président-député-candidat à ne pas être bourgmestre de Charleroi. Il a glosé sur la récente étude bouclée par un consortium de six universités sur les transferts de voix (l’UAntwerp, l’UCLouvain, la VUB, la KU Leuven, l’UNamur, l’ULB et l’UGent) avant et pendant la campagne pour les élections du 9 juin. Celle-ci révélait que le PS avait vu son capital électoral se dilapider pendant la campagne, beaucoup d’indécis se tournant vers d’autres formations, spécialement Les Engagés, mais aussi le MR. Toutefois, a fait observer le président, à moins que ce fût le politologue, dans un mouvement d’apaisement présidentiellement politologique, «on garde la base électorale la plus fidèle», mouvement qu’il fit suivre d’une requête mobilisatrice, politologiquement présidentielle donc: «MAIS on doit mieux cibler et convaincre de nouveaux électeurs.».

«Octobre ne sera pas juin», a en effet répété Paul Magnette, parce que le PS a déjà un peu changé de méthode pour la campagne communale. Ces dernières années, le PS témoignait d’une réticence offusquée à faire de la publicité sur les réseaux sociaux. Mais depuis l’approche du 9 juin, et encore plus depuis ses traumatisants résultats, les socialistes ont décidé d’employer les us qu’ils dénonçaient chez leurs adversaires (PTB, MR et Les Engagés surtout) sur les réseaux sociaux. Hier, les socialistes accusaient leurs rivaux, spécialement ceux du PTB, de donner des centaines de milliers d’euros à Mark Zuckerberg pour sponsoriser des publications politiques, et prônaient plutôt le contact physique, par la magie interactive du porte-à-porte particulièrement. Aujourd’hui, ils invitent tous leurs candidats à sponsoriser leurs publications, parce que sur Facebook, explique-t-on au boulevard de l’Empereur, on touche absolument tout le monde, y compris ceux qui ne sont pas là au moment où on frappe à leur porte, y compris aussi ceux qui n’ouvrent pas quand on frappe à leur porte. Ce n’est pas que le porte-à-porte n’a plus sa place dans une campagne socialiste, d’ailleurs il peut servir pour faire de très bonnes photos destinées à des publications sponsorisées sur Facebook et Instagram. Mais les réseaux sociaux sont maintenant, dans la nouvelle doctrine socialiste, des moyens inégalables de «mieux cibler et convaincre de nouveaux électeurs».

Beaucoup mènent des listes du bourgmestre, alors qu’ils conduisaient en 2018 des équipes explicitement PS.

«Octobre ne sera pas juin», a donc dit le président Paul Magnette, et il a appuyé cette promesse sur un constat, ici encore chiffré. Les socialistes, traditionnellement, font de meilleurs résultats aux élections communales qu’aux législatives. C’est observable en comparant les communales de 2006 aux législatives de 2007, les communales de 2012 aux législatives de 2014, les communales de 2018 aux législatives de 2019, et donc on compte beaucoup l’observer encore aux communales de 2024 par rapport aux législatives de 2024. Pour cela, pouvait-on lire sur la présentation diffusée par Paul Magnette, le PS doit se prévaloir de «bilans très bons et surtout des propositions locales fortes et une vision pour nos communes». Une autre recommandation, logique dans ce contexte, apparaît légèrement contradictoire avec la doctrine précédente de Paul Magnette, adversaire résolu du cumul entre mandats communal et législatif. «On a plein d’atouts et on doit miser sur nos personnalités locales, fortes et appréciées: nous restons le parti de la proximité», a-t-il professé, ce qui a sans doute rétrospectivement satisfait les nombreux mandataires locaux connectés au bureau par visioconférence, et qui s’étaient opposés aux ardentes volontés de décumul intégral portées jadis par leur président-bourgmestre. Ces mandataires municipalistes étaient des brèches dans la vieille citadelle socialiste que voulait rebâtir Paul Magnette, ils sont désormais les fondations du temple que Magnette Paul veut rénover. «Les communes doivent devenir un rempart ou un contre-pouvoir aux politiques antisociales de la droite», a-t-il expliqué à ses camarades du bureau du 23 septembre. Beaucoup parmi ces derniers mènent des listes du bourgmestre alors qu’ils conduisaient en 2018 des équipes explicitement PS, et c’est aussi un signe de cette nouvelle ligne localiste. Comme d’ailleurs l’idée, suggérée cet été, de changer le nom du parti.

Les dernières lignes de force du PS pour les communales.

Ne plus répondre à Bouchez

«Octobre ne sera pas juin», a redit le président Magnette, parce qu’il s’est montré déterminé, en plus de mieux les «cibler» et les «convaincre», à «récupérer les électeurs partis chez Les Engagés et au MR». La méthode consiste en un piège, dans lequel ne sont pas encore tombés Les Engagés et le MR, qui ont bien veillé à ne pas trop présenter ces alléguées «politiques antisociales de la droite» à la population, ni dans les déclarations des gouvernements qu’ils ont déjà composés, ni dans le programme des exécutifs dont ils ont prudemment reporté l’installation à plus tard que le 13 octobre. C’est précisément pourquoi, depuis plusieurs semaines, les leaders socialistes, à longueur d’interviews et de publications sponsorisées sur les réseaux sociaux, répercutent les conséquences, connues et possibles, des mesures, établies et potentielles, de ces nouveaux gouvernements, accouchés et en gésine, sur cette classe moyenne qui a fait défection au PS le 9 juin, spécialement celle des secteurs de l’enseignement, des soins de santé ou des forces de l’ordre.

Paul Magnette a également recommandé aux membres du bureau de ne pas réagir à l’omniprésence médiatique de Georges-Louis Bouchez, dont la capacité à déterminer l’agenda médiatico-politique est inégalée en Belgique francophone. Polémiquer avec lui ne servirait que ses intérêts, pas ceux de ceux avec qui il polémique, car lui répondre, selon la nouvelle ligne socialiste, c’est faire fructifier le capital de l’adversaire. La semaine dernière, Paul Magnette s’est toutefois autorisé à assimiler au trumpisme la vidéo publiée par le président du MR après le refus, par la cour d’appel de Mons, d’inscrire Julie Taton sur le registre des électeurs. «Parce qu’il a remis en cause la police et la justice, c’était trop», a-t-il justifié, et il s’est retrouvé en manchette du plus grand quotidien francophone, Sudinfo. D’autres expériences précédentes ont semble-t-il indiqué que l’absence de réaction aux sorties de Georges-Louis Bouchez les empêchait de perdurer. Les socialistes ont réagi à ses propositions sur la sécurité, «Moi, bourgmestre, les barakis et les Ravachol, c’est fini» avait titré Sudinfo en manchette, et on en a parlé pendant deux semaines. Les socialistes n’ont pas répondu à ses propositions sur le revenu d’intégration sociale, «Moi, bourgmestre, les allocations sans rien faire, c’est fini», avait titré Sudinfo en manchette, et on n’en a parlé que deux jours.

«Octobre ne sera pas juin», s’est d’ailleurs convaincu le président du Parti socialiste, en conclusion, juste avant de donner la parole aux membres du bureau, pour une remarque ou un commentaire, et il n’y en a pas eu beaucoup (André Flahaut, Camille Dieu, Christophe Lacroix et Olga Zrihen). «Un seul mot d’ordre: la campagne de terrain, dans les médias, sur les réseaux sociaux», a-t-il rappelé, et on a déjà évoqué deux des trois termes de ce seul mot d’ordre, le terrain et les réseaux sociaux. Restent les médias. Paul Magnette a raconté, en passant, qu’il était allé manger avec la direction de Sudinfo, il n’y a pas si longtemps que ça. Parce que lui et ses camarades ont comptabilisé le nombre de manchettes favorables au MR et, plus largement, celles défavorables aux autres partis, et qu’ils en sont fort énervés, dans toutes les éditions locales du groupe et dans toutes les fédérations du parti. Depuis ce repas, s’est réjoui Paul Magnette, qui avait fait la manchette de Sudinfo avec ses «onze mesures de la future Arizona qui vont plomber votre budget» le jour de ce bureau, les socialistes ont, paraît-il, meilleure presse dans les pages nationales du plus grand quotidien francophone. Il a rappelé que la cheffe de groupe au parlement de Wallonie, Christie Morreale (sur le coût des mesures wallonnes pour la classe moyenne), ainsi que le chef de groupe au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Martin Casier (sur le coût des mesures de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour la classe moyenne), avaient reçu un bon accueil.

Puis Paul Magnette a signalé que «les trois dernières semaines sont décisives: il y a beaucoup d’indécis», pour ceux qui n’auraient pas été attentifs. Et il a vraiment conclu en assurant donc qu’«octobre ne sera pas juin: la vague bleue doit se fracasser sur le mur rouge!». Il faut sans doute se le dire souvent pour le croire.

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