Benjamin Hermann

Le lieu commun de Benjamin Hermann | La charrue, les bœufs et l’embourbement de la formation des prochains gouvernements

Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Les vainqueurs du 9 juin ont laissé entendre qu’ils avancerait au pas de charge pour constituer des gouvernements à tous les niveaux de pouvoir. En dépit de signaux contradictoires…

Il y a eu, rapidement après les élections, comme un vent d’optimisme. En dépit de la considération qu’on pouvait éprouver pour les vainqueurs et les perdants, il fallait bien observer une forme de clarté des résultats, étonnamment limpides, à l’opposé de ce qu’avaient pu envisager à peu près tout ce qui se fait de politologues et de journalistes.

Oui, l’issue des élections pouvait légitimement permettre aux vainqueurs d’avancer au pas de charge. «Sans confondre vitesse et précipitation», comme l’indiquaient Georges-Louis Bouchez et Maxime Prévot. Mais non, la suite des événements n’allait peut-être pas se dérouler avec autant de fluidité que ne le laissait penser cette douce euphorie.

A vrai dire, bien malin qui peut s’avancer sur une échéance avant laquelle la Belgique sera dotée de gouvernements à tous niveaux. Le spectre d’une interminable crise n’existe pas, pas encore, peut-être jamais. Des accords rapidement scellés demeurent envisageables. Mais comme chat échaudé craint l’eau froide, chacun devrait se garder de formuler des pronostics trop optimistes ou pessimistes.

Des signaux contradictoires sont envoyés, parfois en provenance d’une même source. Le futur ex-ancien président de Vooruit, Conner Rousseau, ne disait-il pas lui-même, il n’y a pas longtemps, que les chances étaient minces de voir les socialistes flamands rejoindre une coalition Arizona? La future ex-présidente de Vooruit, Melissa Depraetere, n’invitait-elle pas son parti à tenter le coup, tout de même?

Fort de sa victoire, le président du MR a maintes fois indiqué vouloir avancer prestement. «Au travail» sonne comme un mantra, un programme et un énoncé performatif. Puis sans préjuger de l’avenir, son parti a annoncé la convocation d’une nouvelle élection présidentielle, lors de laquelle Georges-Louis Bouchez se portera candidat à sa succession. Il s’agit notamment d’éviter de polluer les négociations gouvernementales par une élection interne. «Après les élections de 2019, la formation du gouvernement fédéral avait en effet été fortement ralentie par les processus électoraux internes organisés dans plusieurs partis. Or, notre pays a besoin de stabilité», argumente le MR. Cela signifie bien que la possibilité existe, théoriquement, que les atermoiements de l’époque se reproduisent.

Au PS, contradiction supplémentaire, on a laissé entendre qu’on optait pour l’opposition, en sachant pertinemment qu’on était quasi incontournable dans le futur gouvernement bruxellois, là où les socialistes n’ont pas vraiment perdu. Cette Région est celle où l’équation politique est la plus insoluble. C’est pourtant dans la capitale, en dépit des tensions et des postures, qu’un dialogue s’est quelque peu ouvert, entre libéraux et socialistes francophones. Rien n’est fait, mais c’est au minimum une brève éclaircie.

Peut-être a-t-on mis la charrue avant les bœufs, au lendemain des élections, en sous-estimant le risque d’embourbement. Peut-être n’a-t-on pas anticipé les blocages estivaux. Peut-être, à l’inverse, ces jeux de Cassandre ne seront plus qu’un lointain souvenir au moment des élections communales d’octobre prochain. L’un et l’autre sont possibles. C’est beau, cette incertitude de l’histoire qui s’écrit en temps réel.

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