Indépendants, footballeurs pros, propriétaires, policiers…: voici les «contents» du virage à droite de la Belgique

Nicolas De Decker Journaliste au Vif
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Les nouvelles cartes électorales promettent une alternance à droite en Wallonie et au gouvernement fédéral. Ce bouleversement politique n’ira pas sans mécontenter certains acteurs. Mais il constitue une aubaine historique pour de nombreux autres. En voici quelques exemples.

Au fédéral, Bart De Wever mène doucement sa mission d’information fédérale, qu’il cumule avec un mandat flamand. Mandat flamand et mission fédérale doivent aboutir à l’installation d’une majorité flamande N-VA-CD&V-Vooruit et de la même coalition associée aux Engagés et au MR au gouvernement fédéral. En attendant le bourgmestre d’Anvers, Maxime Prévot et Georges-Louis Bouchez, eux, n’ont pas traîné pour avancer côté francophone. Triomphateurs des urnes wallonnes et (un peu moins) bruxelloises, ils peuvent se permettre d’aller vite. Ils ont lancé une vaste opération de consultations de tous les secteurs, qui les verra, d’ici au 28 juin, recevoir plusieurs dizaines d’acteurs de la société civile.

Dans les vestiaires et les loges, on accueille le renforcement de ce flanc droit avec des vivats.

Ces organisations, Georges-Louis Bouchez et Maxime Prévot les connaissent déjà. Le Montois et le Namurois n’ignorent pas quels intérêts elles défendent et quelles valeurs elles promeuvent. Parfois, ils les partagent, parfois pas. D’ailleurs, leur rencontre inaugurale avec les organisations patronales, le 18 juin, a duré plus de temps que prévu, et celle, qui suivait, avec les organisations syndicales, moins. C’est la CGSLB qui a parlé en premier, avant les deux autres syndicats wallons. On sait déjà que chacun se pliera au résultat des élections, mais que les syndicats sont mécontents et que les patrons ne le sont pas. On sait aussi que les chômeurs de longue durée vivent probablement leurs derniers mois d’allocations. Dans plusieurs autres domaines, des acteurs font une moue inquiète, et d’autres ont le sourire qui claque, c’est la saine dynamique de l’alternance en démocratie. Voici qui sont les «contents».

Les autres parties, à découvrir en cliquant ci-dessous.

Les «contents»

Les «pas contents»

Ceux qui attendent

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Les indépendants et professions libérales

Contents

Ils sont les nouveaux héros du temps, ils seront la focale unique de toutes les politiques publiques, et ils sont la base électorale des triomphateurs du moment. Les professions libérales, les indépendants et les commerçants sont ceux qui, comme répètent sans cesse Georges-Louis Bouchez, futur probable ministre-président wallon et fils de commerçants, et Maxime Prévot, probable futur ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ancien consultant et époux d’une réviseuse d’entreprises, «travaillent, investissent et prennent des risques». Ceux-là ont massivement gratifié ces partis respectifs, qui sont leur débouché politique le plus naturel, le 9 juin. 52,6% des Wallons exerçant une profession libérale ont voté MR, et 19,5% Les Engagés, selon le sondage «sortie des urnes» du Centre d’étude de la vie politique de l’ULB. Ces proportions s’élèvent à respectivement 50,2% et 18,8% pour les indépendants et les commerçants. Il ne pourra pas s’agir de clientélisme, puisque ce terme semble ne s’appliquer que pour d’autres catégories sociodémographiques, mais les indépendants et les professions libérales seront les aiguillons de l’action de tous les tout prochains gouvernements.

Les propriétaires wallons

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C’est basique comme une chappe sur un terrain à bâtir. Le rapport à la propriété immobilière est un des déterminants du comportement électoral: les propriétaires votent plutôt à droite, les locataires plutôt à gauche, et chaque parti s’en trouve culturellement enclin à davantage se préoccuper des uns que des autres. L’installation prochaine de gouvernements de droite au fédéral (compétent pour une partie de la fiscalité immobilière) et en Région wallonne (compétente pour une autre partie de la fiscalité immobilière, mais aussi pour le logement, les loyers, la construction, la rénovation, l’énergie, l’urbanisme, la mobilité, etc.) porte dès lors en elle une vague de réformes favorables aux propriétaires de biens immobiliers (et à leurs héritiers, lire par ailleurs). A Bruxelles, où le PS est incontournable, la situation restera en revanche plus friable.

Le football pro

Content

Les années Vivaldi auront été difficiles pour les défenseurs du foot pro. Le régime dérogatoire de cotisations sociales appliqué aux professionnels du ballon rond a été remis en cause par Frank Vandenbroucke. Et l’interdiction de la publicité pour les paris sportifs voulue par Vincent Van Quickenborne privera les trésoreries des clubs de leurs plus gros annonceurs. La constitution d’un gouvernement fédéral avec le MR, dont le président, Georges-Louis Bouchez, ami de Mehdi Bayat, préside aussi un club professionnel, et avec la N-VA, dont l’ancien vice-président, Lorin Parys, est désormais président de la Ligue pro, le syndicat des clubs professionnels, alimente déjà de forts espoirs dans les vestiaires et les loges, où l’on accueille le renforcement de ce flanc droit avec des vivats.

L’UCLouvain

Contente

En Belgique francophone, le monde universitaire obéit à des lois géopolitiques complexes, mises en suspens le temps d’un réflexe hostile de la corporation des recteurs, réunie pour défendre le décret Glatigny, dont la réforme a contraint les administrations des universités à de pesants changements. Le décret Glatigny sera, dès la rentrée, réintroduit par le MR et Les Engagés. A ce moment, les équilibres géopolitiques traditionnels reprendront cours, sous une configuration absolument nouvelle, puisque les deux partis les plus proches de l’acteur universitaire dominant, l’UCLouvain, seront aux manettes partout. Les anciens recteurs Vincent Blondel (UClouvain passé aux Engagés, député wallon et ministrable) et Pierre Jadoul (UCLouvain Saint-Louis, au MR et suppléant de Valérie Glatigny), artisans d’une fusion redoutée par les autres universités, surtout par l’ULB, veilleront à préserver le lien privilégié entre leurs nouvelles formations et leur alma mater formatrice.

Le décret Glatigny sera, dès la rentrée, réintroduit par le MR et Les Engagés.

Les policiers

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Les moyens alloués à la police relèvent essentiellement du fédéral. Le MR et Les Engagés ne seront donc pas seuls à décider, mais on peut partir du principe que la coalition orientée au centre-droit qui se dessine ne devrait pas trop être défavorable à un renforcement des forces de l’ordre. La Vivaldi avait promis le recrutement de 1.600 policiers par an, mais les résultats se situent en deçà des ambitions. Dans l’opposition ces dernières années, Les Engagés ont régulièrement dénoncé cette situation de sous-effectif. Le parti a numériquement fixé un cap dans son programme: il faut engager 3.684 policiers supplémentaires, polices locale et fédérale confondues. Quant au MR, qui n’est pas contre un renforcement des moyens policiers, le discours est surtout axé sur l’efficacité, qui doit précisément permettre aux services de police de pouvoir se concentrer sur leurs fonctions premières. «Plus de bleu dans les rues», dit l’adage. Parmi les mesures préconisées, pour la justice en l’occurrence, figure une plus grande effectivité des peines prononcées, censée soulager le travail policier en bout de course.

3.684

policiers supplémentaires, polices locale et fédérale confondues sont réclamés par Les Engagés.

Les héritiers

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C’est une des premières décisions du binôme MR-Les Engagés: travailler à la disparition ou à une importante réduction des droits de succession, cette «taxe sur la mort» que Maxime Prévot a dans le viseur. L’idée consisterait à instaurer un «droit de transmission» dont le taux s’élèverait à 4% ou 5%, avec un éventuel abattement pour les quelques premières dizaines de milliers d’euros. Cela doit encore être négocié et, accessoirement, budgété, dans un contexte de vaches maigres pour la Région wallonne. Les fiscalistes applaudissent ou sont incrédules, selon leurs sensibilités. Les droits de succession, dont le taux en Wallonie varie 3% à 80% en fonction des situations, sont impopulaires, méritent une modernisation, sont contournés par les plus fortunés et les plus habiles. A l’inverse, historiquement, ils symbolisent une réduction des inégalités sociales entre les biens nés et les autres. Une chose semble en tout cas acquise: les héritiers, du moins ceux qui ne bénéficient ni des plus gros abattements ni de l’ingénierie fiscale, ne se plaindront pas de cet allègement promis.

4% à 5%

de «taux de transmission» pourraient remplacer les 3% à 80% de droits de succession.

Les agriculteurs

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On ne s’aventurera pas dans le débat qui consiste à savoir qui défend le mieux les intérêts des agriculteurs. Mais historiquement, il se fait que les familles libérale et centriste/chrétienne ont toujours pu trouver auprès du secteur un électorat relativement fidèle. Ce n’est pas pour rien que les ministres en charge de cette matière ont presque exclusivement été libéraux ou chrétiens/centristes par le passé. Les coups de semonce des agriculteurs, les derniers moins, ont donné lieu à quelques expressions d’animosité à l’égard des écologistes et, plus globalement, de normes environnementales jugées trop contraignantes. En cela, les agriculteurs peuvent se réjouir du succès engrangé tant par le MR que par Les Engagés, qui ont cherché à les rassurer sur ces points durant les mouvements de colère. Différentes sensibilités existent, d’un syndicat agricole à l’autre. Le principal en Wallonie, la FWA, est présidé par une mandataire MR, ce qui témoigne sans doute d’une certaine proximité idéologique. Peu avant le scrutin, Le Sillon belge, journal consacré au monde agricole, effectuait un coup de sonde parmi ses lecteurs, qui plaçaient le MR en tête (mais en recul), devant Les Engagés (en nette progression), tous deux étant loin devant les écologistes, communistes et autres socialistes.

Les conducteurs de voitures salaires

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Dans le grand débat autour de la réforme fiscale, la question des niches fiscales revient souvent sur la table. Et, niche parmi les niches, l’avantage extralégal des voitures de société fait l’objet de biens des dissensions. S’il fallait résumer, c’est un non-sens environnemental et une injustice fiscale pour les uns, un élément intéressant du package salarial pour les autres. Dans les grandes lignes, les bénéficiaires d’une voiture de société ne devraient pas trop s’en faire. A tout le moins, les deux partis francophones qui devraient gouverner au fédéral n’envisagent pas de supprimer le régime à court terme. Rectification: Les Engagés veulent le supprimer, mais les bénéficiaires pourraient conserver l’avantage jusqu’à la fin de leur contrat de travail, après quoi ils obtiendront des avantages financièrement équivalents. Quant au MR, il n’est pour lui pas question de supprimer l’avantage tant qu’une réforme fiscale n’aura pas augmenté «considérablement» le revenu net des travailleurs.

Les bénéficiaires d’une voiture de société ne devraient pas trop s’en faire.

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