Le polémiste français Eric Zemmour, fondateur du parti Reconquête, était invité d’honneur à la NatCon. © AFP

Elus d’extrême droite, conservateurs, catholiques intégristes, anti-wokes… Quels étaient les invités de la conférence controversée à Bruxelles?

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

La NatCon, organisée mardi et mercredi à Saint-Josse (Bruxelles), rassemblait le gratin de la droite nationaliste et conservatrice européenne, mais aussi des personnalités d’extrême droite de premier plan.

Malgré les manifestations, les boycotts de dernière minute ou les tentatives d’interdiction, la National Conservatism Conference (NatCon) a bel et bien eu lieu à Bruxelles, ces 16 et 17 avril.

Annoncée dans un premier temps au Concert Noble (qui s’est rétracté), puis au Sofitel d’Etterbeek (qui a lui aussi fait machine arrière), la conférence a finalement débuté mardi matin au Claridge, une salle d’événements située sur le territoire de Saint-Josse-ten-Noode. Avant que le bourgmestre socialiste de la commune, Emir Kir, ne décide à son tour de la suspendre sur-le-champ, via un arrêté de police. Il a finalement fallu la saisine en urgence du Conseil d’Etat – et sa décision nocturne – pour que les débats puissent se poursuivre, mercredi matin.

Si la conférence (pour laquelle il fallait débourser entre 15€ et … 20.000€) a provoqué tant de remous, c’est parce qu’elle rassemblait des individus polémiques. Pourtant, une réunion similaire s’était déjà tenue en 2022 dans la capitale, passée à l’époque sous les radars. Sur son site Internet, la NatCon se présente comme un événement réunissant des personnalités publiques, des journalistes, des universitaires et des étudiants, qui prônent le conservatisme national comme alternative à une Union européenne «toujours plus étroite», et font de la renaissance des «traditions nationales uniques» leur cheval de bataille. Dans les faits, l’événement rassemblait surtout des figures de proue de la droite conservatrice et de l’extrême droite européennes. En tête d’affiche: le président hongrois Viktor Orban, le politicien français Eric Zemmour et l’europhobe britannique Nigel Farage.

Eurosceptique… voire europhobe

Si tous les participants ne se revendiquent pas d’extrême droite, la majorité défend une politique caractérisée par ses trois idéologies prépondérantes, à savoir l’inégalitarisme, le nationalisme et le radicalisme, rappelle le politologue du Crisp Benjamin Biard. La vision inégalitariste considère qu’il existe différentes races, ethnies ou civilisations qui sont inégales par nature, ce qui justifierait une hiérarchie entre ces différentes catégories. Cela laisse donc la porte ouverte à la pensée raciste. La vision nationaliste entend homogénéiser un territoire sur le plan ethnique ou civilisationnel . «Tous les nationalistes ne sont pas d’extrême droite, mais tous les extrémistes de droite sont nationalistes, souligne Benjamin Biard. Ce nationalisme va généralement de pair avec une posture eurosceptique (à l’image de Viktor Orban) voire europhobe (à l’instar de Nigel Farage, fervent défenseur du Brexit)». Enfin, la vision radicaliste met sous tension les valeurs qui caractérisent les fondements des démocraties libérales, à savoir l’équilibre des pouvoirs, la liberté de la presse ou les droits accordés aux minorités.

Outre Zemmour, Orban et Farage, d’autres nationalistes conservateurs ou élus d’extrême droite étaient présents à la NatCon, à commencer par les deux membres du Vlaams Belang Tom Vandendriessche (député européen) et Filip Dewinter (député fédéral), l’Italien Nicola Procaccini (député européen et membre du parti Fratelli d’Italia) ou l’Espagnol Hermann Tertsch (député européen et membre du parti Voxx). Citons également l’ex-Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki ou le député européen Jacek Saryusz-Wolski, tous deux membres du parti conservateur Droit et Justice (PIS), classé par certains politologues à l’extrême droite de l’échiquier politique.

Mouvance juive

Des catholiques conservateurs (voire intégristes) figuraient également parmi le panel d’invités. Notamment le cardinal Gerhard Ludwig Müller, ancien préfet de la Congrégation. Fervent opposant à la doctrine plus «progressiste» du pape François, l’Allemand avait qualifié, en début d’année, de «blasphème» l’éventuelle bénédiction des couples homosexuels. Citons également l’activiste catholique Gloria von Thurn-und-Taxis, qui affirmait en 2021 que la pilule était une forme d’avortement et qu’un préservatif ne protégeait pas du sida. Paul Coleman, directeur de la branche européenne de l’organisation chrétienne Alliance Defending Freedom (anti-avortement et opposée aux droits des LGBTQ+), a lui aussi pris la parole.

La conférence se caractérisait également par une mouvance juive nationaliste, surtout dans le chef des organisateurs, souligne Manuel Abramowicz, coordinateur de RésistanceS, le journal de l’observatoire belge de l’extrême droite. L’événement a en effet été sponsporisé par la Fondation Edmund Burke et l’Institut Herzel («une organisation juive ultra-nationaliste», selon Abramowicz), tous deux présidés par Yoram Hazony, penseur israélo-américain et défenseur du «nationalisme israélien».

«Faire groupe» à la veille des élections

Enfin, une flopée d’universitaires et intellectuels conservateurs faisaient également partie de l’assemblée, tel que David Engels, historien belge, professeur à l’ULB et en Pologne. Citons également le Britannique Matthew Goodwin et le Français Pierre Valentin, qui ont tous deux fait de l’idéologie antiwoke leur fonds de commerce.

Quels que soient leur origine ou leur formation, les personnalités présentes à la NatCon partageaient un objectif commun: faire primer les valeurs nationalistes et conservatrices sur le Vieux Continent. «Leur obsession, c’est la perte de l’identité européenne primale, à savoir l’identité blanche – chrétienne, note Manuel Abramowicz. Avec deux craintes principales: l’islamisme et le communisme». Le timing choisi pour la conférence, à deux mois du scrutin européen, n’est pas anodin. «Il y a une volonté de se mettre en réseau et de faire groupe à la veille des élections», souligne Benjamin Biard, qui rappelle qu’un événement similaire avait déjà été organisé à Bruxelles avant les élections de mai 2019 par Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, dans le but de rassembler les mouvements européens de droite ou conservateurs.

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