Els Van Hoof (CD&V) à la Chambre, en octobre 2023. © BELGA

Opération d’ingérence massive «made in China» : Els Van Hoof (CD&V), présidente de la Commission relations extérieures de la Chambre, victime d’une tentative de piratage (Info Le Vif)

Clément Boileau
Clément Boileau Journaliste

Comme le vice-président de la Commission Samuel Cogolati (Écolo), la parlementaire a été ciblée par le groupe de hackers affilié à Pékin, l’APT31, dont plusieurs membres viennent d’être inculpés aux États-Unis. Les services de renseignement belges ont été alertés par le FBI dès 2021.

En apparence, un simple e-mail en provenance d’une ONG alertant sur la situation des droits humains en Chine. En réalité, une tentative de hameçonnage (phishing) pour pirater des données sensibles. Au début de l’année 2021, c’est bien ce qui est arrivé à la parlementaire Els Van Hoof, présidente (CD&V) de la Commission des relations extérieures à la Chambre, d’après des éléments récoltés par Le Vif, que la parlementaire confirme. Comme Samuel Cogolati à la même période, elle aussi a été victime du groupe «APT31», une structure de pirates informatiques affiliés à la Chine.

Les voix critiques de Pékin espionnées

Ce n’est pas un hasard: les deux parlementaires, respectivement présidente et vice-président de la Commission relations extérieures de la Chambre, font aussi partie de l’IPAC, une coupole internationale regroupant des élus qui entendent fermement lutter contre les faits d’ingérence pilotés par Pékin. L’IPAC œuvre aussi en faveur de l’indépendance de Taïwan ou des Ouïghours, cette ethnie turcophone durement réprimée par le régime et dont la Belgique considère qu’elle risque un génocide.

L’opération de piratage concoctée par le groupe «APT31» a été massive; tous les membres de l’IPAC, dont font également partie le parlementaire Georges Dallemagne (Les Engagés) et l’eurodéputé et ancien Premier ministre Guy Verhofstadt (Open VLD), ont potentiellement été visés.

Els Van Hoof a réellement compris l’ampleur de la tentative d’ingérence chinoise ces derniers jours seulement, dans la foulée d’une série d’inculpations qui ont eu lieu aux États-Unis, après que le FBI a identifié une demi-douzaine d’agents d’APT31 agissant pour le compte de Pékin. Un certain nombre de victimes présumées européennes, en particulier des membres de l’IPAC, ont ainsi été notifiées par les autorités américaines. Il revient par ailleurs auprès du Vif que l’IPAC a officiellement demandé des renseignements au FBI, qui a enquêté sur ces faits d’ingérence présumée.

Les services belges prévenus dès 2021

Averties elles aussi de l’avancée des investigations outre-Atlantique, les autorités belges savaient depuis 2021, revient-il auprès du Vif. Dans le cas de Els Van Hoof, les services ont réagi relativement rapidement. «Hameçonnée» début 2021, la parlementaire a été approchée par les services de renseignements belges en septembre de la même année. Ceux-ci ne sont vraisemblablement plus revenus vers elle après novembre de cette année-là. Entretemps, Els Van Hoof s’est notamment rendue à Taïwan par deux fois (2022 et 2023), et a été clairement intimidée par les autorités chinoises après que celle-ci a déposé une proposition de résolution concernant la menace croissante planant sur Taïwan. Elle était sans doute, en sus, espionnée.

Pour ce qui est de Samuel Cogolati, lui aussi victime de tentative de hameçonnage début 2021, il n’a été mis au parfum qu’en février 2023 par le CCB (le centre pour la cybersécurité en Belgique). Il a depuis porté plainte.

Dans les deux cas, la réaction tiède des autorités belges sur ces faits d’ingérence présumée interroge, alors même que les relations entre la Belgique et la Chine ont connu un récent coup de chaud, Pékin réautorisant par exemple les importations de porc belge sur son sol. Monsieur Cogolati s’était notamment ému du manque de réaction politique après la mise en cause du député d’extrême droite Filip De Winter (Vlaams Belang), dont les liens présumés avec un espion chinois ont été mis en exergue par une enquête de nos confrères de Humo et Apache. Mais aussi contre les cyberattaques dont des parlementaires belges semblent bien avoir été victimes.

Pression… belge

Outre les intimidations de Pékin, Els Van Hoof aurait, elle, également subi des pressions du lobby de la viande en Flandre, concerné de près par la réouverture au marché chinois du porc belge. Sur le plan institutionnel, il revient également auprès du Vif que les services de renseignements belges et les différents parlements du pays réfléchissent à un système qui permettrait de mieux circonscrire ces attaques ou tentatives d’ingérence touchant des mandataires politiques.

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