Archéologie : Soliman le Magnifique révèle ses mystères dans un coin de campagne hongrois
Sultan mythique pour les Turcs, Soliman le Magnifique suscite aussi l’engouement à Szigetvar, dans la campagne hongroise, qui vit au rythme des découvertes archéologiques sur le site où est mort le conquérant ottoman.
Et si après avoir fait la guerre aux troupes alliées à la monarchie habsbourgeoise durant le siège de Szigetvar (sud), Soliman le Magnifique faisait la fortune de cette région reculée, près de la frontière croate, qui se rêve désormais en pôle touristique ?
« Cette ville est en train de mourir, les jeunes s’en vont ou sont déjà partis en Allemagne ou à Londres, mais Soliman peut amener des emplois, de l’argent, du tourisme », affirme Norbert Pap, professeur à l’université de la ville voisine de Pecs, qui dirige les fouilles dans cette zone.
De récentes découvertes, sur un site à quatre kilomètres du château, focalisent tous les espoirs: les chercheurs sont convaincus d’avoir exhumé le tombeau du plus célèbre sultan de l’histoire ottomane, mort à 70 ans passés, quelques heures avant l’assaut final sur Szigetvar, le 7 septembre 1566.
La légende veut en effet que le corps de Soliman, malade, et décédé dans la tente impériale, ait été rapatrié à Constantinople, l’actuelle Istanbul, pour être inhumé dans la mosquée Süleymaniye que le Magnifique avait fait édifier.
Mais son coeur et ses organes internes auraient été inhumés sur le lieu de son décès, le champ de bataille de Szigetvar. Les combats acharnés s’étaient soldés par une victoire à la pyrrhus des Ottomans, stoppés dans leur progression vers Vienne.
Occupée 150 ans par les Ottomans (1541-1699), la Hongrie n’a jamais fait grand cas des vestiges architecturaux de cette conquête perçue comme une page sombre de l’histoire nationale, un coup d’arrêt à la florissante renaissance hongroise.
Et ce sont des financements turcs qui, en 2012, ont permis à l’équipe de Norbert Pap de se lancer sur les traces de Soliman en combinant outils technologiques dernier cri et études des textes historiques.
– Après le tombeau, le cercueil ? –
Depuis 2014, le gouvernement hongrois co-finance les fouilles et mercredi, pour les célébrations des 450 ans de la bataille de Szigetvar, le chef d’Etat hongrois Janos Ader accueillera sur place des représentants de l’Etat turc, alors que la venue du président Recep Tayyip Erdogan avait même, un temps, été évoquée.
Au milieu des vignobles et des vergers qui couvrent le site, Norbert Papp leur fera revivre les étapes de ses découvertes.
Comme ce jour, avant Noël 2014, où son coeur a fait un bond devant les résultats d’une nouvelle étude géophysique révélant « des bâtiments sous la terre, correspondant aux indications des cartes médiévales, et tournés vers le Mecque ».
Les fouilles mettent au jour les vestiges d’un monastère derviche, d’une mosquée, des pièces d’argent, des restes de vêtements, de poteries, de verre, de métal. Et les ruines d’un tombeau composé de plusieurs salles.
Pour l’historien, la nature de ces trouvailles ne fait pas de doute: « Nous pouvons dire avec certitude que nous avons trouvé la tombe de Soliman » autour de laquelle les écrits anciens racontent que les Ottomans avaient bâti une petite cité, appelée Turbek.
Cette conviction, affirme Nobert Pap, est partagée par plusieurs de ses collègues turcs.
La quête n’est pas finie: les chercheurs espèrent encore découvrir les murs de la cité de Turbek, des vestiges de baraquements militaires et, pourquoi pas, le cercueil où aurait été enterré le coeur du sultan.
De leur côté, les autorités de Szigetvar espèrent les retombées de cette aventure: le maire de cette ville de 10.000 habitants, Peter Vass, assure avoir déjà repéré un site près du château pour des investisseurs intéressés par la construction d’un hôtel.
« Beaucoup de Turcs sont riches et ont les moyens de voyager, pourquoi pas à Szigetvar », renchérit l’ambassadeur de Turquie à Budapest Sakir Fakili. « Soliman est une icône nationale en Turquie », rappelle Norbert Pap.
En attendant les foules, cinq visiteuses de marque découvriront bientôt le site: cinq femmes présentées comme des descendantes de princesses ottomanes prêtes à fournir leur ADN pour qu’il soit comparé aux échantillons prélevés autour de la tombe.
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