Trop de sport, est-ce possible?
Ceux qui font beaucoup de sport s’entendent souvent dire qu’ils feraient bien de faire attention et d’en faire peut-être un peu moins, pour ne pas abîmer leur coeur. Mais qu’en est-il réellement?
À partir de quel moment l’activité sportive dépasse-t-elle les limites et devient néfaste? La problématique est complexe, et de trop nombreuses informations erronées circulent – notamment au sujet du coeur – même en provenance de spécialistes. C’est pourquoi nous donnons la parole à Michael Joyner (1), un ancien collaborateur de la NASA qui a exercé de nombreuses fonctions différentes et est l’auteur d’une liste impressionnante de publications importantes. Il est très écouté par les personnes particulièrement impliquées dans le sport. Non pas que ses réflexions représentent la vérité ultime et intangible, mais bien parce qu’elles nous portent à réfléchir et à relativiser.
Cinq réflexions
Par exemple, la question est de savoir s’il est mauvais de pratiquer un sport intensif pendant toute la vie, et si cela est néfaste pour le coeur. Voyant que les objets que nous utilisons intensivement s’usent ou sont moins efficaces au fil du temps, nous pourrions penser qu’il en va de même pour notre corps, que nos articulations s’usent, ou encore que nos muscles et nos ligaments se fragilisent. Mais est-ce bien exact? Nous oublions que notre corps s’entretient par lui-même, et que nos tissus sont constamment renouvelés pour remplir leur fonction. Nous devons donc considérer notre corps avec rationalité, et c’est précisément ce que Michael Joyner s’évertue à faire.
Il a publié récemment cinq réflexions au sujet du prétendu effet néfaste du sport sur la santé cardiaque. Nous parlons ici des sportifs qui entraînent leur corps en le respectant, et qui veillent à rester prudents dans l’amélioration de leur condition.
1. Après un effort intense et prolongé, la puissance du coeur diminue souvent de quelques pourcents pendant quelques jours, et la concentration de la troponine, par exemple, augmente temporairement. Une observation intéressante, car cette substance est libérée par des muscles actifs, mais aussi par des muscles lésés. Comme les médecins s’intéressent à la concentration sanguine de troponine lorsqu’ils suspectent un infarctus, ils peuvent être effrayés de la voir augmenter chez les sportif. Cependant, le coeur étant un muscle – même s’il est d’un genre particulier – à coté de nombreux autres, en cas d’effort important, il n’est pas le seul muscle à faire augmenter le taux de troponine, comme l’a révélé une étude néerlandaise réalisée chez des coureurs (2). Plus de 66% d’entre eux enregistraient des valeurs augmentées après un entraînement intense ou une compétition. Dès lors, en déduire que les sportifs abîment leur coeur est un peu rapide, d’après Michael Joyner, surtout en l’absence d’autres signes de lésion cardiaque. De plus, le taux de troponine redevient rapidement normal, et le coeur se remet à pomper tout à fait normalement après quelques jours. Il faudrait donc plus d’études pour pouvoir affirmer qu’un effort intense et prolongé pourrait nuire au coeur. Le suivi minutieux de la Transeurope Footrace, une course de 66 étapes consécutives sans aucune journée de repos, n’a en tout cas montré aucune lésion cardiaque chez les coureurs (3).
2. Les artères coronaires des ultra-coureurs sont d’un diamètre plus élevé que la moyenne, et elles peuvent ainsi assurer un débit sanguin plus important que chez les personnes non sportives (4). Une bonne chose, car cela signifie qu’elles peuvent ainsi diminuer le risque d’un blocage et d’un infarctus. Les résultats récents de la Transeurope Footrace vont dans le même sens.
3. Des études réalisées chez l’animal montrent que les efforts intenses et prolongés peuvent provoquer des microlésions cardiaques, rendant le coeur plus sensible aux troubles importants du rythme. Ces conclusions ne peuvent cependant pas être d’emblée transposables à l’homme. Ainsi, par exemple, dans une étude, les rats étaient incités à courir par des électrochocs (5). Sans danger, d’après les chercheurs, mais ces chocs entraînent un stress mental qui joue un rôle important dans les infarctus. De plus, ces rats parcouraient des distances énormes, d’après Michael Joyner, et à grande vitesse. De telles circonstances ne sont pas comparables à la vie humaine normale, même chez des coureurs fanatiques, insiste Michael Joyner. Enfin, d’autres études sur des animaux placés dans des conditions plus normales indiquent que l’entraînement physique a plutôt un effet positif sur le rythme cardiaque et qu’il aide à prévenir les arythmies (6).
4. La course à pied est sûre, y compris les marathons ou les courses encore plus longues, avec un risque de mort subite faible. Il existe bien un risque augmenté de troubles dangereux du rythme lorsque le sportif souffre d’infections virales qui affectent le muscle cardiaque, et qui sont trop souvent négligées par les sportifs. Les limites sont pourtant claires: lors d’une infection virale, si l’on sent que quelque chose ne tourne pas rond au cours de l’entraînement, il vaut mieux lever le pied un moment. Un repos complet n’est généralement pas nécessaire: on peut continuer à bouger sans aller jusqu’à se fatiguer, afin d’éviter que le coeur ne soit pas inutilement surmené.
5. Mais il y aurait un bémol: un sport pratiqué intensément pendant toute la vie pourrait augmenter le risque de fibrillation auriculaire de 5% (7). Les preuves en sont cependant faibles. Du reste, la fibrillation auriculaire n’est pas une maladie potentiellement fatale chez le sportif, et elle peut être traitée. Elle entraîne parfois un certain nombre de conséquences négatives sur l’activité sportive, mais sans plus. Le risque de fibrillation auriculaire ne doit donc pas être exagéré, car les sportifs bénéficient toujours de la perspective d’une vie plus longue et en meilleure santé que le reste de la population. Il y a bien trop de personnes qui ne bougent pratiquement pas, et c’est beaucoup plus dangereux pour la santé. L’homme est fait pour bouger, pas pour rester assis.
Références:
- http://www.drmichaeljoyner.com
- The Netherlands Journal of Medicine. 2014; 72: 5-9. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24457432
- Bodytalk. 2014; 91: 20-23.
- Circulation. 1993; 87: 1076-1082.
- Circulation. 2011; 123: 13-22.
- American Journal of Physiology – Heart and Circulatory PhysiologyPublished 1 October 2009; 297: H1171-H1193. http://ajpheart.physiology.org/content/297/4/H1171.full-text.pdf+html
- Europace. 2009; 11: 1156-1159.
Sport de haut niveau et santé
On entend souvent dire que le sport de haut niveau est mauvais pour la santé, mais est-ce bien vrai? Il existe pourtant beaucoup d’indices portant à croire que de nombreux sportifs de haut niveau vivent plus longtemps que la moyenne. Ce ne sont que des indices, mais qui méritent réflexion. De plus, ces sportifs ont bien conscience que leurs prestations ne peuvent pas s’améliorer s’ils se surchargent systématiquement et abîment leur santé. Être malade et surmené ne permet pas de réaliser des prestations de haut niveau, et le palmarès ne peut donc pas s’étoffer dans de telles conditions.
Ceci dit, pour atteindre leur objectif, à savoir la victoire, ils doivent travailler un maximum. Les préoccupations pour la santé n’arrivent donc qu’en deuxième place, même si la majorité des sportifs de haut niveau savent qu’elle est indispensable pour progresser.
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