L’hypnose pour humaniser les soins
Elle sert à tout, et maintenant, on peut même s’y exercer à la maison. Pour maigrir, pour arrêter de fumer, pour supporter la roulette chez le dentiste… Jamais l’hypnose n’a été autant à la mode dans les cabinets médicaux comme dans les hôpitaux. Enquête sur un phénomène en plein essor.
Un peu partout en Belgique, l’hypnose attire de plus en plus d’adeptes. Elle connaît même une véritable fièvre depuis quelque temps. Comment expliquer un tel engouement ? Selon le monde médical, ce sont surtout les patients, de plus en plus nombreux, qui en font la demande, parce que l’hypnose leur apparaît plus naturelle. « De nombreux patients veulent de moins en moins dépendre des médicaments, par crainte de leurs effets secondaires.
De plus, l’hypnose ne leur fait plus peur parce qu’on en parle fréquemment », explique le Dr Paul-Henri Mambourg, psychiatre et président de l’Institut Milton Erickson (du nom du père de l’hypnose moderne), à Liège. Le praticien observe également un malaise face à une médecine, certes efficace, mais que beaucoup considèrent comme trop technique, froide, pratiquant des actes à la chaîne au détriment de l’écoute du patient. Autre motivation mise en avant par les nouveaux adeptes : c’est une façon de ne pas subir une maladie, une intervention, un traitement ou un examen. « La technique médicale est très performante, assure David Ogez, psycho-oncologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc, à Bruxelles Mais elle déshumanise la relation. Le patient est vu comme un objet qu’on doit traiter. L’hypnose vient rééquilibre tout ça, puisqu’elle demande au patient d’utiliser ses propres ressources. »
Et les soignants l’ont bien perçu : de plus en plus, ils s’adaptent à ce besoin d’humaniser les soins. « Ça les intéresse. Les demandes de formation se multiplient », souligne le Dr Paul-Henri Mambourg, qui initie à l’hypnose exclusivement des médecins, infirmières, dentistes, psychologues. Il doit refuser chaque année des candidats tant l’intérêt s’amplifie. « Ce qui rassure les patients et contribue sans doute à la diffusion de l’hypnose à un plus large public. »
Les patients, parce qu’on s’intéresse à eux, qu’une personne leur parle pendant les soins, sont plus détendus et ont le sentiment d’être mieux pris en charge. Or, à patients heureux, praticiens heureux. « Bien sûr, c’est important pour le patient, mais n’oublions pas les praticiens ! C’est très stressant de devoir accompagner, toute la journée, l’anxiété des autres. Nous sommes inévitablement affectés par l’angoisse et la douleur de nos patients. L’hypnose, c’est une vie professionnelle plus sereine pour nous. Donc plus disponible pour les patients », s’enthousiasme le Pr Fabienne Roelants, médecin anesthésiste aux Cliniques universitaires Saint-Luc.
La toute-puissance traditionnelle du praticien est ici contre-indiquée. L’introduction de l’hypnose au bloc oblige à travailler autrement. « La voilà la révolution, le changement de paradigme que nous sommes peut-être en train de vivre : l’hypnose modifie les relations et abolit les distances entre le patient et les soignants. Ainsi, les membres de l’équipe du bloc (anesthésistes, chirurgiens, infirmiers…) sont sur un pied d’égalité et c’est le patient qui est au centre : on travaille dans une ambiance feutrée, les bruits sont réduits au maximum, j’accompagne le patient tout au long de l’intervention, et les chirurgiens doivent adapter leurs gestes pour ne pas rompre l’atmosphère », poursuit le Pr Roelants.
Le regain d’intérêt pour cette pratique ancienne s’explique aussi par le développement de la neuro-imagerie. Grâce à elle, on comprend de mieux en mieux comment l’hypnose fonctionne. Dérivé du mot grec hypnos, le « sommeil », l’hypnose désigne, au contraire, un état de conscience modifié. Elle est un état naturel. Tout le monde connait ça, comme lorsque l’on s’évade, qu’on est totalement absorbé par une musique… « Par exemple, lorsque vous conduisez en pensant à autre chose. Vous arrivez à un endroit en vous disant : « Je suis déjà là ! » et en ayant oublié par où vous êtes passé… », explique le Pr Marie-Elisabeth Faymonville, qui a développé, dès 1992, au CHU de Liège, l’hypnosédation, une approche innovante combinant hypnose et anesthésie locale en faible dose. « Il ne faut pas croire à l’hypnose, ce n’est pas une religion, une croyance. C’est simplement un talent que chacun possède, de façon plus ou moins développée. »
Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :
- le fonctionnement cérébral sous hypnose
- les applications de l’hypnose
- les différentes techniques
- les conseils pour choisir un hypnopraticien
- l’hypnose dans l’Histoire
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