Deux citoyens français en justice pour connaître les mesures d’ondes de nos GSM
Deux citoyens français ont entamé une procédure en référé pour que la justice de leur pays rende publics les résultats des mesures de contrôle des téléphones portables.
L’audience publique se tiendra mercredi devant le tribunal administratif de Melun, en Ile-de-France. La législation européenne impose en effet aux constructeurs de limiter le taux de rayonnement des GSM. Mais, au moins jusqu’en avril 2016, les tests qui en vérifiaient le respect étaient effectués dans des conditions peu réalistes. Et pour les consommateurs qui utilisent un téléphone commercialisé avant le durcissement des tests, impossible de savoir si leur appareil est conforme aux normes actuelles ou pas.
Les champs électromagnétiques produits par les téléphones portables sont classés par le centre de recherche sur le cancer de l’OMS dans la catégorie des cancérigènes possibles. Pour pouvoir être vendus dans l’Union européenne, ces appareils doivent dès lors respecter un plafond de rayonnement. Celui-ci est calculé en « débit d’absorption spécifique » (DAS), une grandeur physique qui correspond à l’énergie absorbée par le corps par unité de temps et de masse. Le DAS maximal est de 2 W/kg pour la tête et le tronc et 4 W/kg pour les membres.
Dans plusieurs Etats comme la Belgique, la valeur DAS au niveau de la tête doit obligatoirement être mentionnée sur le lieu de vente des téléphones sans fil. La Belgique vérifie elle-même que cette information est donnée aux consommateurs, mais pas si les taux de rayonnement respectent effectivement les limites légales. Pour ce qui concerne les aspects techniques, elle fait confiance aux tests effectués par la France, a expliqué à l’agence Belga Jimmy Smedts, porte-parole de l’Institut belge des postes et des télécommunications (IBPT).
Or, en 2015, pas moins de 89% des 95 téléphones testés par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) française sur un corps humain factice dépassaient les seuils autorisés lorsqu’ils étaient contrôlés à maximum 5 mm du tronc et des membres. Certains atteignaient jusqu’à 7 W/kg. Pour autant, aucun d’entre eux n’a été retiré du marché car l’Union européenne permettait alors de calculer le DAS à une distance jusqu’à 25 mm de la peau de l’utilisateur pour le tronc et les membres du corps (le « DAS tête », lui, a toujours été mesuré en contact avec l’oreille). Et, à cette distance, les téléphones étaient bien en règle.
« Absurde », dénonce le citoyen français Marc Arazi qui, avec la journaliste Fabienne Ausserre, a saisi la justice fin février pour connaître la liste des téléphones pointés lors de ces tests de 2015 ainsi que les résultats précis des contrôles, que l’ANFR refuse de publier. « Tant que les gens ne sont pas informés, ils ne savent pas qu’ils doivent garder leur téléphone à distance. Un grand nombre se promènent avec leur GSM en poche en permanence. »
En avril 2016, à la demande de la France, la formulation de la norme harmonisée européenne a été revue. Les appareils doivent être testés en contact de la peau pour le DAS qui concerne les membres (comme pour la tête), et à une distance de maximum « quelques millimètres » pour le tronc. En pratique, il s’agit de 5 mm maximum, assurent l’IBPT et son homologue français. Une période transitoire est toutefois prévue jusqu’au 12 juin 2017 pour les modèles qui étaient déjà commercialisés avant cette modification. Et pour les téléphones déjà achetés, rien ne change.
Si certains médias français parlent de « phonegate », l’IBPT ne voit vraiment pas de quoi s’inquiéter. « Le fait que les autorités françaises ne rendent pas publics certains résultats de mesure est tout à fait normal et justifié étant donné que les fabricants ont mis sur le marché un produit conforme aux normes en vigueur à ce moment-là », argumente son porte-parole Jimmy Smedts.
« Que les normes soient régulièrement adaptées et qu’une période de transition soit prévue est un processus normal. Des efforts considérables sont d’ailleurs consentis par les fabricants pour respecter l’ensemble de la législation applicable. En cas de dépassement de la limite, comme c’est le cas actuellement pour quelques appareils testés selon les nouvelles conditions en matière de distance de séparation, il ne faut pas partir automatiquement du principe qu’il y a un risque pour la santé », ajoute-t-il, car « une marge de sécurité considérable a déjà été prise en considération ».
Au surplus, l’IBPT rappelle que la polémique concerne uniquement les DAS calculés au niveau du corps. Le « DAS tête » a lui toujours été mesuré en contact avec l’oreille et « aucune infraction n’a été constatée ces dernières années ».
La boîte crânienne n’a pas la même densité que le corps et les consommateurs doivent pouvoir évaluer au mieux les risques qu’ils encourent, répond Marc Arazi, médecin qui a participé au « Grenelle des ondes » entre 2009 et 2012 au nom de l’association Priartem. Avec la médiatisation de cette affaire, il espère au moins encourager les citoyens à ne pas rester collés en permanence à leurs appareils mobiles, surtout les enfants et les femmes enceintes.