Conférence sur le sida: « une dangereuse complaisance » à combattre
Experts et militants se retrouvent à Amsterdam à partir de lundi pour la Conférence internationale sur le sida, à un moment où s’installe « une dangereuse complaisance » vis-à-vis d’une maladie qui est mieux traitée mais fait toujours des ravages.
En finir avec le sida: l’objectif paraît encore loin aujourd’hui. Même si le nombre d’infections au HIV baisse, certains pays, certaines régions voient des résurgences du virus.
Pour les associations, les traitements qui permettent de vivre avec le VIH ont paradoxalement nui à la prévention.
Les chiffres « ont donné à certains le cran de déclarer que la fin du sida est à portée de main », a relevé le chercheur et ancien patron de l’Onusida Peter Piot, lors d’une conférence téléphonique avec des journalistes.
« Il n’y a absolument aucune preuve pour soutenir cette idée », estime-t-il, mettant en garde contre « une dangereuse complaisance ».
Lui et les auteurs d’un rapport sur l’épidémie pour la Société internationale sur le sida (IAS) et la revue médicale The Lancet sont, d’après lui, « extrêmement inquiets de voir le risque, réel, que le monde puisse crier victoire bien avant que notre combat contre le sida soit terminé ».
À côté de célébrités comme le prince Harry, l’actrice Charlize Theron ou le chanteur Elton John, plus de 15.000 délégués sont attendus aux Pays-Bas pour cette conférence de lundi à vendredi.
La conférence est l’occasion pour les scientifiques de débattre de l’incidence des avancées récentes, ou des revers, dans la quête de traitements anti-VIH meilleurs et plus simples.
Après plus de trois décennies de recherche, le virus reste incurable et sans vaccin. Il a contaminé quelque 80 millions de personnes depuis le début de l’épidémie au début des années 1980.
Aujourd’hui, 36,9 millions de personnes vivent avec le VIH, en espérant qu’il ne s’aggrave pas en sida. Près de trois sur cinq prennent des traitements antirétroviraux pour l’éviter, selon l’Onusida.
Pour la première fois depuis le début du siècle, le nombre de morts annuel est passé sous un million en 2016 et en 2017.
« Erreur stratégique »
Mais dans une cinquantaine de pays, les infections sont en hausse, faute de prévention, ou à cause de législations répressives contre des populations à risque (homosexuels, toxicomanes s’injectant des drogues).
Donner la priorité au traitement du VIH plutôt qu’à cette prévention pourrait bien avoir été « une erreur stratégique », estime la présidente de l’IAS, Linda-Gail Bekker, interrogée par l’AFP.
« Il n’y a pas d’épidémie dont nous nous soyons sortis par des traitements », a-t-elle affirmé, citant le virus Ebola ou la tuberculose. « Clairement, un vaccin est le Graal, mais nous n’y sommes pas encore ».
Elle croit aux bénéfices de la prévention: le préservatif, les aiguilles neuves pour les toxicomanes, et la médecine préventive.
L’argent sera le nerf de la guerre.
Après avoir baissé pendant deux ans, les fonds versés aux pays à revenus faibles et moyens pour la lutte contre le sida ont augmenté en 2017 de 16% à 8,1 milliards de dollars, selon les chiffres de l’Onusida et l’ONG Kaiser Family Foundation.
La tendance n’est « pas prévue pour durer », d’après elles: l’afflux vient de fonds déjà budgétés que les États-Unis n’avaient pas dépensés les années précédentes. Et le président Donald Trump a promis d’y consacrer moins d’argent.
L’Onusida estime à 7 milliards de dollars par an les financements manquants pour que le sida ne soit plus une menace pour la santé publique mondiale en 2030. Pour parvenir à cet objectif, le nombre de nouveaux cas de VIH et de morts liées au sida devra chuter de 90% sur 20 ans.
« Le boulot n’est pas terminé », prévient Robert Matiru, le directeur des opérations d’Unitaid, organisation internationale d’aide en médicaments.
Linda-Gail Bekker craint que la mobilisation se soit « dispersée trop vite ». « Soit on fait des progrès contre cette épidémie, soit on recule », pense-t-elle.
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