Gérald Papy
Syrie : Trump invente la guerre impulsive
En répondant à l’attaque chimique de Khan Cheikhoun par des frappes sur une base aérienne, le Président des Etats-Unis change complètement la donne en Syrie. Il contourne l’ONU et défie la Russie. Mais a-t-il une stratégie de long terme ?
En 2013, Barack Obama avait renoncé à frapper la Syrie de Bachar al-Assad accusée d’avoir perpétré une attaque à l’arme chimique dans une banlieue de Damas aux mains des rebelles (1500 tués dont quelque 400 enfants). Moscou l’avait convaincu en forçant le régime syrien à liquider sous contrôle international son armement chimique. En 2017, Donald Trump, souvent critiqué pour sa proximité supposée avec Vladimir Poutine, n’a attendu que 48 heures pour punir Bachar al-Assad après le bombardement à l’arme chimique de la localité de Khan Cheikhoun qui a fait entre 60 et 100 morts et a donné lieu à la diffusion d’images insoutenables d’enfants à l’agonie. Le nouveau président des Etats-Unis a de la sorte changé radicalement de position à l’égard du Président syrien que son administration avait remis en selle il y a quelques jours en ne réclamant plus officiellement son départ comme préalable à une sortie de crise.
Si la responsabilité de l’armée syrienne dans l’attaque chimique de mardi est avérée, ce dont les Etats-Unis n’ont pas encore administré la preuve, des représailles peuvent s’avérer justifiées. Car non seulement Damas aurait fait montre d’un cynisme criminel à l’égard de sa population, comme il l’a déjà fait par le passé, mais il aurait aussi révélé sa duplicité, son armement chimique étant censé être éradiqué depuis l’accord de 2013. Néanmoins, l’attitude du commandant en chef des armées américaines a de quoi susciter certaines inquiétudes. Si l’attaque de cette nuit devient l’action de référence de sa politique étrangère, cela signifie que le président de la plus grande puissance mondiale considérera dorénavant le passage par l’ONU comme accessoire et qu’il ne s’embarrassera pas de préoccupation multilatéraliste. Cela implique aussi qu’il n’hésitera pas à provoquer l’affrontement direct avec les autres grandes puissances, en l’occurrence ici la Russie. On assiste donc à un possible retour de la loi du plus fort. Qu’elle nous paraisse légitime dans le cas de l’attaque chimique syrienne ne la rend pas moins extrêmement dangereuse pour le nouvel ordre du monde qui se profile. Quelle crédibilité les Etats-Unis auront-ils pour empêcher la Russie ou la Chine de procéder de la même façon ?
George W. Bush avait initié la guerre préventive qui a apporté le chaos au Moyen-Orient. On ne peut qu’espérer que Donald Trump ait une stratégie élaborée et à long terme, notamment avec la Russie, concernant la région sous peine que sa pratique de la guerre impulsive – imaginons pareille stratégie à l’encontre de l’Iran – ne produise un chaos de plus grande ampleur encore.
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