Syrie: l’EI s’est emparé de Palmyre, élargissant sa zone d’influence de part et d’autre de la frontière
Le groupe djihadiste Etat islamique (EI) s’est emparé jeudi de la ville de Palmyre en Syrie après avoir conquis celle de Ramadi en Irak, deux victoires significatives qui lui ont permis d’élargir sa zone d’influence de part et d’autre de la frontière.
L’Unesco a mis en garde contre une éventuelle destruction de cette cité vieille de plus de 2.000 ans, réputée pour ses colonnades torsadées romaines, ses temples et tours funéraires, par l’EI qui a déjà détruit plusieurs trésors dans des cités antiques en Irak. En s’emparant de Palmyre, véritable carrefour routier qui ouvre sur le grand désert syrien frontalier de l’Irak, l’EI se rend maître de la moitié du territoire de Syrie et menace Homs, la troisième ville du pays en guerre, selon une ONG et des experts.
Malgré une campagne aérienne lancée depuis 2014 par la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis pour aider en Irak le pouvoir et en Syrie les rebelles, à contrer l’EI, ce groupe ultraradical sunnite a réussi les deux coups de force en huit jours. Responsable d’atrocités et fort de dizaines de milliers d’hommes, l’EI élargit à Palmyre et Ramadi son « califat » proclamé en juin 2014 sur les larges pans de territoire conquis à cheval entre la Syrie et l’Irak. Néanmoins, évoquant la perte de Ramadi, la capitale de la province irakienne d’Al-Anbar conquise dimanche par l’EI, le président Barack Obama a estimé que les Etats-Unis ne perdaient pas le combat contre ce groupe, rappelant avoir toujours dit que la campagne antidjihadistes prendrait « plusieurs années ». « Les combattants de l’EI sont dans toutes les parties de Palmyre », a affirmé à l’AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Le régime, qui a connu de multiples revers ces derniers mois, a reconnu sa défaite, affirmant que son armée « s’était retirée après l’entrée d’un grand nombre de terroristes ».
‘Perte pour l’humanité’
L’EI, intervenue dans la guerre en Syrie en 2013, a revendiqué sur Twitter la prise de Palmyre, inscrite par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité et située dans la province centrale de Homs. La bataille de Palmyre déclenchée le 13 mai a fait près de 500 morts et poussé une partie des habitants à la fuite, selon l’OSDH. Recourant à de nouvelles exactions, les combattants de l’EI ont exécuté au moins 17 personnes, des civils et des militaires pro-régime, quelques heures après la conquête de Palmyre, de même source. Un militant originaire de Palmyre, contacté via Facebook, a affirmé que les djihadistes fouillaient les maisons à la recherche de personnes loyales au régime de Bachar al-Assad et empêchaient les habitants de sortir. L’électricité est toujours coupée.
Réitérant son appel à l’Onu à agir, la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova a affirmé que « toute destruction à Palmyre serait (…) une énorme perte pour l’humanité ». Le président français François Hollande a appelé à « agir » contre le « péril » pour « des monuments inscrits au patrimoine de l’humanité » et contre l’EI. Avec la prise de Palmyre, l’EI contrôle « désormais plus de 95.000 km2 en Syrie, soit 50% du territoire », d’après l’OSDH.
Le groupe contrôle en effet la majeure partie des provinces de Deir Ezzor et Raqa (nord), et a une forte présence à Hassaké (nord-est), Alep (nord), Homs et Hama (centre). Il est aussi maître de la quasi-totalité des champs pétroliers et gaziers de Syrie.
Armes russes à Bagdad?
« Palmyre peut être utilisé pour lancer des attaques en direction de Homs et Damas », estime Matthew Henman, chef de l’IHS Jane’s Terrorism and Insurgency Centre. Fabrice Balanche, géographe et spécialiste de la Syrie, acquiesce. « La prise de Palmyre ouvre la voie vers Damas et Homs. A terme, cet axe peut être menacé ». Selon lui, l’EI domine désormais « un carrefour de première importance (…) qui ouvre une nouvelle route vers l’Irak, Al-Anbar et Ramadi ».
« L’EI créé une continuité géographique avec l’Irak à travers la steppe syrienne ». Il estime que l’armée n’avait pas tenu à Palmyre à cause de « la diversité des fronts » de la guerre entre régime et rebelles depuis 2011, qui « a empêché l’armée de mobiliser des troupes » pour cette bataille. De l’autre côté de la frontière, l’armée aidée des milices chiites se préparait à lancer la contre-offensive pour reprendre Ramadi aux djihadistes qui contrôlent en grande partie Al-Anbar.
A Moscou où il se trouve en visite, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a appelé la Russie à s’impliquer davantage dans la lutte contre l’EI. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a affirmé que son pays était prêt à répondre à « toutes » les demandes de fourniture d’armements de Bagdad.