Stress post-traumatique: l’Amérique malade de ses tueries?
Angoisse, dépression, prostration.. Les tueries qui se multiplient aux Etats-Unis comme à Roseburg ou San Bernardino plongent les Américains dans un état de stress post-traumatique bien au-delà du cercle des survivants et des proches.
« Sommes-nous devenus une nation en stress post-traumatique? », interroge la psychologue Jean Kim sur le site Alternet.
« Quand on additionne » les morts, les blessés, le personnel d’urgence, les proches, et tous ceux qui sont touchés de près ou de loin, ces massacres « ont un impact sur chacun d’entre nous », estime le docteur Merritt Schreiber, professeur de psychologie à l’université UC Irvine.
Le président américain Barack Obama, en présentant mardi des mesures pour renforcer le contrôle des armes à feu, a essuyé des larmes au souvenir des 20 enfants tués en 2012 à Newtown (Connecticut) par un déséquilibré, qui a fait 26 victimes au total.
« Nous ne pouvons accepter ce carnage dans notre communauté », a-t-il plaidé.
Depuis ce drame qui a marqué toute la nation, ses efforts pour faire passer au Congrès une loi généralisant les contrôles d’antécédents avant de pouvoir acheter une arme sont restés vains, face à l’opposition du camp républicain.
Depuis, les fusillades de masse se sont accélérées. D’après le site gunviolencearchive.org, il y en a eu 330 aux Etats-Unis l’an dernier, contre 281 en 2014. Dès le 1er janvier cette année, une autre survenait au Texas, faisant 4 blessés.
A chaque fois, les images de civières, ambulances, proches effondrés, les portraits des tueurs, les mines sombres des forces de l’ordre tournent en boucle à la télévision.
Pour Merritt Schreiber, « il est scientifiquement prouvé que passer beaucoup de temps à regarder ce genre d’incidents à la télévision provoque une montée d’anxiété chez les adultes comme chez les enfants ».
Peur de l’autre
Cela se traduit par une « hyper-vigilance », un état d’alerte permanent, proche de la paranoïa, comme la peur de s’asseoir dans un restaurant dos à la porte.
Ces cycles de violence qui se répètent « perpétuent la peur (…) et peuvent créer des divisions entre nous et les autres », explique Eric Bergemann, psychologue à Los Angeles.
« Quand on entend en permanence parler dans les médias de choses qu’on ne peut pas contrôler (…) on choisit une bataille contre un groupe x, y ou z pour avoir l’impression de faire quelque chose, comme +combattons tous ces musulmans+ », remarque-t-il.
Depuis la tuerie de San Bernardino, perpétrée par un couple de musulmans radicalisés, de nombreux actes ou agressions anti-musulmans ont notamment été rapportés.
Le risque de fusillade fait désormais partie de la vie des Américains.
Eric Bergemann raconte que ses patients lui disent « +j’ai envie de faire ça mais j’ai peur d’aller dans un lieu public, ça pourrait être un bon endroit pour un attentat+ ».
Dans les bureaux, les employés sont dorénavant aussi informés des procédures en cas de « tireur actif ». « Vous avez trois options: fuir, vous cacher, ou combattre », lit-on dans la notice aux locataires d’un immeuble de Los Angeles.
Beaucoup d’écoles organisent aussi des « kill drill », au cours desquels des bambins apprennent à se cacher en cas d’intrusion d’un tueur.
« Les enfants de Californie faisaient des exercices en cas de tremblement de terre, maintenant ils grandissent avec l’idée que ces tueries sont normales. On les prive du sentiment de sécurité », souligne Catie Mogil, pédopsychologue qui enseigne à l’université UCLA.
Pour elle, ces petits Américains pourraient devenir une génération d’adultes sur-angoissée, comme les enfants de militaires.
A Roseburg, bourgade d’Oregon, « tout le monde est sur les nerfs, même les enfants », constate Robert Bullock, l’un des responsables des pompiers de la ville.
Il y a trois mois, un étudiant déséquilibré a tué au fusil d’assaut neuf de ses camarades d’université. Pompiers, infirmiers et policiers « sont encore en état post-traumatique », a-t-il expliqué à l’AFP.
« Ils ont des difficultés pour dormir, un moral en dents de scie: une minute ils vont bien, la suivante plus du tout », « certains mots les font se glacer parce qu’ils ont cru entendre +fusillade+ (…) Je pense qu’aucun d’eux ne va s’en remettre totalement », ajoute-t-il.
Des symptômes évoquant ceux de militaires qui pendant des années, parfois toute leur vie, sont victimes de réminiscences des atrocités du combat, de pensées morbides et autres troubles psychologiques.
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