Qui était vraiment Mahomet ?
On ignore presque tout de la vie du fondateur de l’islam. Son itinéraire religieux et politique mérite d’être retracé à la lumière des dernières (re)découvertes historiques.
Qui était vraiment Mahomet ? Comment vivait-il dans l’Arabie du VIIe siècle ? Que s’est-il réellement passé ? L’enjeu est de taille : très vite, il a été admis que les versets du Coran étant la parole de Dieu, le livre était incréé et donc intangible. Le Coran est tout autant fondé sur la vie même de Mahomet, le dernier et le plus accompli des prophètes, si grand qu’il ne peut être représenté dans l’islam fondamentaliste. Sur cette base, toute enquête sur ses interrogations, ses croyances et ses actes se révèle audacieuse, voire taxée de « révisionnisme ».
En fait, de son vivant, cet homme n’a laissé aucun texte, aucun document. Le Coran l’évoque très peu et les autres récits sur lui restent hagiographiques et incohérents. Ainsi pour avoir des détails sur sa vie, il y a la sira, biographie fondée sur les témoignages de ses compagnons. Mais les chroniques ne se recoupent pas et se contredisent. Il faut aussi se référer aux hadith – les dits du Prophète, récits relatant ses actions, faits et gestes, qui forme avec la sira ce qu’on appelle la tradition. Problème : ces écrits ne sont pas contemporains de l’épopée mahométane, ils ont été transmis oralement avant d’être rédigés plusieurs décennies, voire plusieurs siècles après, créant ainsi une figure du prophète. « La plupart remontent à la dynastie des Abbassides, à la fin du VIIIe siècle, c’est-à-dire près de deux siècles après sa mort. Difficile d’évaluer ce qui a pu être modifié pour servir ces souverains », précise Jean-Charles Ducène, directeur d’études à l’Ecole pratique des Hautes études, à Paris.
L’existence de Mahomet ne peut cependant pas être mise en doute. Elle est rapportée par de nombreux témoignages crédibles, relatés dans des textes syriaques et juifs qui, lors des conquêtes arabes en 630 en Palestine, évoquent un personnage religieux qui avait unifié l’Arabie et dont les combattants se réclamaient. « Mais, durant un demi-siècle après sa mort, aucune source musulmane ne cite Mahomet. C’est le silence. La première référence explicite au Prophète est une pièce de monnaie, frappée en 685 à Bishapur, en Perse, dans l’Iran actuel », souligne Guillaume Dye, professeur à l’Université libre de Bruxelles.
Tout doit donc encore être décrypté, par d’autres biais que le corpus religieux de l’islam. Les historiens ne manquent pas de documents utiles, de sources extérieures pour approcher le Mahomet historique. Mieux : ils sont en possession de documents hier inaccessibles, aujourd’hui numérisés et diffusés sur Internet. Ceux-ci leur permettent de remonter à l’origine des conditions de la Révélation et de la société dans laquelle vécut le messager d’Allah. Ils se plongent aussi dans l’analyse de textes racontant l’histoire de La Mecque, de Médine ou la vie de telle oasis. Des chercheurs travaillent également sur la société tribale de l’Arabie du VIIe siècle qui imprègne le Coran, et où les liens claniques étaient prépondérants. Des épigraphistes scrutent les pierres gravées du sud et du nord de l’Arabie enfin décryptées : on a ainsi découvert que l’expression « le miséricordieux » attribuée à Allah (à l’exception de la sourate 9, toutes commencent par cette invocation), était déjà présente au Yémen au IVe siècle. Ce qui démontre la présence déjà d’un courant vers le monothéisme et que, sur le terrain, l’initiative prophétique de Mahomet n’était pas si isolée.
Le dossier spécial dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :
- Mahomet l’orphelin
- Mahomet le marchand
- Mahomet le mari et père de famille
- Mahomet et la Révélation
- Mahomet et ses concurrents
- Mahomet le chef politique
- Mahomet le chef de guerre
- Mahomet le plagieur ?
- Mahomet et les femmes
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