« Plus que Bruxelles, c’est l’Europe qui a été visée »
Dans ses éditoriaux de mercredi, plusieurs titres de la presse internationale soulignent qu’en visant Bruxelles, la nébuleuse djihadiste ciblait l’Europe et a voulu démontrer que malgré toutes les mesures offensives et défensives prises à son encontre, l’État islamique conserve un pouvoir de nuisance intact. La seule planche de salut du Vieux continent semble être la volonté des États démocratiques de faire front face à l’hydre islamiste.
La une du quotidien de référence Le Monde affiche en lettres blanches sur fond noir: « Bruxelles frappée par le terrorisme ». En dessous figure une photo du hall des départs dévasté de l’aéroport de Bruxelles-National. Le journal, qui paraît en début d’après-midi à la différence de la plupart des titres, évoque une « capitale en état de siège » déchirée par les « bruits permanents des sirènes ».
Dans son éditorial signé de la main de son directeur de publication Laurent Joffrin, le journal progressiste parisien Libération écrit ressentir « le chagrin des Belges », en référence au chef-d’oeuvre de Hugo Claus. Louant une ville où l’on préfère « un arrangement compliqué » qu’un « affrontement simple », Laurent Joffrin condamne une agression contre le « califat des droits de l’Homme: l’Europe politique », appelant au sursaut de l’Union. « Le fracas des ceintures explosives fait résonner un hymne à la haine. Le nôtre, avec Beethoven, c’est l’hymne à la joie », conclut-il.
A Madrid, le quotidien El Pais embraie et estime que c’est l’Europe qui a été attaquée à travers ce double attentat. « Quand les terroristes attaquent l’Europe en majuscules, l’Europe réagit en minuscules », regrette l’éditorialiste du journal espagnol, appelant les Européens à proposer une réponse commune à cette nouvelle agression.
L’hebdomadaire français Courrier international appelle les gouvernements à ne pas céder « à l’émotion, ni (aux) décisions gouvernementales trop hâtives, aussi symboliques soient-elles ». Invoquant une « union sacrée contre le terrorisme » qui doit redonner un sens à l’Europe, il rappelle que sa fragilité est aussi sa grandeur.
Dans son éditorial, le quotidien londonien The Guardian souligne qu’il n’existe dorénavant plus de doute quant au fait que l’État islamique a fait de l’Europe sa cible privilégiée. « Il est important que la Belgique et ses partenaires européens maintiennent certaines perspectives et gardent la tête froide. Les droits et les valeurs que l’Europe porte seront mises à l’épreuve par la manière avec laquelle les sociétés affronteront des groupes qui veulent semer la mort et la division en leur sein. » The Guardian refuse de parler de guerre, estimant que cette rhétorique tend à légitimer l’État islamique et préfère dénoncer le comportement « meurtrier » de l’organisation terroriste.
The Times, toujours à Londres, remarque avec effroi que les événements de Bruxelles « nous rappellent que nous pouvons tous devenir la cible des djihadistes ». Le quotidien conservateur fait valoir que seul la coopération internationale et des services de renseignement qui collaborent sont en mesure de réduire le risque.
En Suisse, Le Temps, pessimiste, constate l’échec depuis un an et l’attaque contre Charlie Hebdo des forces de sécurité, malgré un état d’alerte et une coopération accrue, et va jusqu’à se demander: « Et si les terroristes étaient en train de gagner la guerre? » Notant que « l’ennemi vient de l’intérieur », il appelle la population à ne pas répondre par la tolérance, « quand des comportements témoignant d’une radicalisation apparaissent ».
Le New York Times, par la voix de son contributeur Roger Cohen, constate également que « l’Europe a été frappée en plein coeur ». L’État islamique a ainsi voulu signaler à toute l’Europe qu’aucune mesure engagée par les gouvernements européens depuis les attentats de Paris n’a eu d’effet sur sa capacité opérationnelle. La Syrie, « incubateur d’une menace mondiale » représente aujourd’hui un danger par « le magnétisme exercé par la puissance djihadiste sunnite ».
En Russie, le quotidien Kommersant juge que les terroristes en général et l’État islamique en particulier lance un triple message. D’abord, un signal démontrant leur capacité de nuire malgré l’arrestation de Salah Abdeslam. Ensuite, les djihadistes veulent souligner que les mesures sécuritaires n’ont aucun impact sur leurs activités. Enfin, les victoires militaires engrangées en Syrie et en Irak ne feront pas fléchir Daesh. Le journal moscovite appelle le monde civilisé à poursuivre son existence normalement, car les fanatiques n’arrêteront pas leur entreprise macabre.
Au Japon, la une des quatre principaux quotidiens du pays (Asahi, Mainichi, Yomiuri et Nikkei) mettait les attentats bruxellois en manchette. Au Brésil, le journal carioca O Globo, qui rappelle dans son éditorial comment la situation s’est retournée en Belgique entre l’arrestation de Salah Abdeslam et les événements de mardi, conclut que les attentats de Bruxelles « confirment ce que ceux de Paris avaient suggéré: l’État islamique est devenu un groupe capable d’exécuter des actions de terreur à grande échelle loin du Moyen-Orient ».
Le quotidien australien Sydney Morning Herald note que la Belgique a « un sérieux problème avec le terrorisme », parlant d’attentats « choquants, mais pas surprenants ». Rappelant les attaques survenues au Musée Juif et dans le Thalys Bruxelles-Paris ainsi que le rôle des terroristes basés à Molenbeek dans les attentats de Paris, le journal syndeyïte fustigent les failles politiques, économiques et sociales belges qui ont permis au radicalisme islamiste de faire son nid à Bruxelles.
En Chine, l’édition internationale du South China Morning Post redoute que les attentats de Bruxelles ne marquent que le début d’une vague de violences prête à ravager le Vieux continent. Notant qu’il y a environ 11.000 combattants étrangers partis en Syrie, « la préoccupation centrale est le fait que ces individus, qui comptent potentiellement 2.000 Européens de l’Ouest (…), reviendront aguerris avec une détermination et des capacités terroristes bien plus importantes. » Avant d’ajouter: « par habitant, la Belgique est le premier pays européen contributeur en combattants en Syrie, avec Bruxelles comme point chaud ».