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« Ne tournons pas autour du pot : la radicalisation de l’EI a un lien avec l’islam »

Patrick Loobuyck, professeur à l’université d’Anvers, n’hésite pas à dire qu’on ne peut ignorer le rôle de l’islam dans la création du khalifat et du djihadisme.

« Malgré la gravité du phénomène, l’EI et la radicalisation des combattants syriens méritent un débat de société nuancé et bien informé » dit le professeur Patrick Loobuyck de l’université d’Anvers. C’est pour cela, et aussi pour offrir un autre message que les explications simplistes qui tiennent en une ligne, qu’il a écrit en collaboration avec de nombreux experts son livre « De lokroep van IS » ( Le chant des sirènes de L’EI). Parce qu' »en ce moment, la polémique l’emporte encore et toujours sur la raison.  » précise-t-il.

Les naïfs versus les dénigreurs de l’islam

Loobuyck ne tergiverse pas sur le rôle de l’islam dans l’avènement de l’EI. « On ne peut nier que la création du khalifat et du djihadisme ait un rapport avec l’Islam. Même si pour aborder ce sujet, il faut trouver le bon discours. Et c’est là que cela se corse. D’un côté, il y a les naïfs qui nient toute connivence. Même Obama a dit que l’EI n’avait rien à voir avec l’Islam. Et de l’autre, il y a ceux qui dénigrent en permanence l’islam, qui font des généralités et qui accusent la religion de tous les maux. Les deux sont abusifs. »

L’auteur précise qu’en renvoyant tout sur le dos de l’islam, on est loin d’avoir tout dit.  » Il y a tellement de facteurs qui entrent en ligne de compte lorsque quelqu’un décide de partir vers la Syrie. Surtout en sachant que la radicalisation ne découle que d’une certaine forme extrémiste de l’islam.  »

L’influence de l’Arabie saoudite

« Nous devons aussi oser nous regarder le nombril et admettre que notre morale a autorisé durant trop longtemps le wahhabisme d’Arabie saoudite. L’Islam a été reconnu en 1974 comme religion, mais la première mosquée ne fut reconnue qu’en 2007. Durant trente ans, il y a donc eu une espèce de vide qui fut abondamment rempli par l’Arabie saoudite. C’est de cette façon que la grande mosquée de Bruxelles fut financée par le riyal saoudien. En même temps que l’argent, c’est aussi le wahhabisme saoudien, l’un des mouvements les plus extrémistes au sein de l’islam, qui s’est déversé sur notre pays. »

« L’une des principales raisons pour partir au djihad serait un sentiment d’injustice, qui peut être nourri par la discrimination, mais aussi d’autres facteurs comme la politique internationale » selon Loobuyck . « Le djihadisme est le monstre de Frankenstein créé par l’ouest, lui-même. En Afghanistan, comme au Moyen-Orient, l’ouest n’est pas arrivé à détruire les politiques d’islam radical. Il les a, au contraire, nourries » précise Ludo De Brabander de l’association Vrede (paix).

Patrick Loobuyck (red.). De lokroep van IS. Syriëstrijders en (de)radicalisering. Uitgeverij Pelckmans, 2015, 288 blz., ISBN 978-90-289-8361-8, 21,50 euros

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