Mein Kampf ne fait plus fureur
Septante ans après le suicide d’Adolf Hitler, son bréviaire de la haine raciale et antisémite pourrait signer son retour dans les kiosques allemands. En Belgique, la » bible » du nazisme n’a jamais déserté les librairies. Mais ne s’y vend qu’à l’abri des regards. Sans faire fureur.
Disponible uniquement sur demande, vendu comme « une maladie honteuse ». Quel autre sort qu’une existence semi-souterraine pourrait-on réserver à la bible de l’idéologie nazie qui a mené des millions d’innocents à l’extermination ? Mein Kampf entrevoit pourtant le retour à la lumière. Rendez-vous programmé le 31 décembre 2015, septante ans après la disparition de son principal auteur, Adolf Hitler. L’ouvrage échappera alors à la garde vigilante des autorités bavaroises, détentrices des droits d’auteur, pour tomber dans le domaine public. Frisson, répulsion : la perspective d’un retour en kiosque glace la patrie d’adoption du Führer. Il n’y aura donc pas de remise de peine pour l’ouvrage maudit : Mein Kampf restera impubliable en Allemagne, pour cause d’incitation à la haine, punissable par la loi. Même si une première entorse à l’interdit se profile, sur fond de bras de fer avec le Land de Bavière : une monumentale édition scientifiquement commentée est annoncée en Allemagne pour début 2016. « En rendant public Mein Kampf, sa légende noire va s’effondrer », plaide l’un des initiateurs du projet controversé.
Polémique en Allemagne. A l’ouest, rien de nouveau. Mein Kampf franchira le cap du nouvel an en Belgique sans habits neufs. En continuant de s’écouler librement, sous une fausse apparence de clandestinité. Le catalogue des crimes à venir du nazisme, rédigé entre 1923 et 1924, oblige les commerçants du livre à quelques contorsions. Edouard Delruelle, philosophe et ex-directeur adjoint du Centre pour l’égalité des chances, plante le décor : « Rien n’empêche légalement la vente ni la lecture de Mein Kampf. Mais la loi interdit de commercialiser de façon ostensible un livre, une image ou un objet nazi qui peut inciter à la haine ou au négationnisme. »
Prière donc de s’adresser au comptoir pour commander Mein Kampf. Le livre ne s’offre pas au regard, ne s’expose pas en rayon ou en vitrine. Les libraires veillent à ne pas franchir la ligne rouge ni à pousser à la consommation. « Un livre est vendu en moyenne tous les trois mois », observe-t-on dans le milieu des livres d’occasion. « Nous écoulons à peine dix à vingt exemplaires par an sur le marché belge », confirme l’éditeur parisien François-Xavier Sorlot, patron des Nouvelles Editions Latines, seule maison légalement investie des droits de traduction française de Mein Kampf, moyennant l’insertion de huit pages d’avertissement ordonnée en 1979 par une décision judiciaire.
Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :
- le reportage dans les librairies de Bruxelles, Liège, Charleroi et Louvain-la-Neuve
- les versions pullulent sur le Web
- tolérance zéro ?
- « Mein Kampf reste un ouvrage de référence dans les milieux conspirationnistes »
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