Walter Pauli
« Le bien prime à nouveau sur le sacré au Vatican »
Bonny et François ont dressé leurs comptes: une Église qui ne dialogue pas avec la société est vouée à devenir hors de propos.
Récemment, les propos de l’évêque anversois Johan Bonny ont suscité la polémique. Plusieurs organisations catholiques se sont montrées choquées par sa plaidoirie pour une reconnaissance ecclésiastique formelle de relations homosexuelles parue dans le quotidien De Morgen : « Tout comme il existe dans la société une diversité de cadres juridiques pour les couples, il devrait également y avoir une diversité de formes de reconnaissance au sein de l’Église » a-t-il déclaré.
Des membres de l’Union des étudiants catholiques flamands (Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond) ont qualifié les propos de Bonny de « non catholiques ». Et le groupe Pro Familia, surgi de nulle part, a appelé les croyants à prier pour « la conversion de notre évêque ». D’après Pro Familia, Bonny « s’est excommunié » par ses déclarations.
Bonny était effectivement allé plus loin que sa fameuse « lettre à François » de septembre 2014 qui lui avait valu des ennemis en Belgique et à l’étranger. En vue du Synode des évêques sur la famille, il avait plaidé pour une modification de la doctrine vaticane sur les homosexuels et les croyants divorcés. Selon Bonny, « ces personnes méritent plus de respect et un jugement plus nuancé que celui inscrit dans certains documents ecclésiastiques ».
Les homosexuels ghettoïsés
Ces quarante dernières années, tout théologien ou évêque qui se distanciait ouvertement de la ligne vaticane officielle en matière de morale familiale et sexuelle risquait une sanction. Cette ligne n’avait-elle pas, en effet, été établie et reconfirmée par les papes successifs, de Paul VI à Benoît XVI en passant par Jean Paul II ? Cependant, avec un pape comme François, Johan Bonny n’est plus le seul à exprimer ce point de vue. Ses préoccupations sont revenues mot à mot dans le projet de texte du Synode des évêques sur la famille qualifié de « révolutionnaire » par le monde extérieur. Cependant, un projet de texte n’est pas un document définitif et les paragraphes ayant trait à une attitude positive à l’égard des homosexuels n’ont pas été repris dans le texte final officiel. Une majorité du synode avait approuvé le nouveau cap, mais en l’absence d’une majorité des deux tiers, les paragraphes concernés n’ont pas été repris. Une minorité a donc rejeté la proposition.
Une Église qui ne dialogue pas avec la société est vouée à devenir hors de propos
François connaît les sensibilités de ces forces conservatrices. Il est également au courant de la malveillance de leurs propos. En 1994, le cardinal Antonio Quarracino, son prédécesseur à l’archevêché de Buenos Aires, voulait encore isoler les homosexuels dans un ghetto. En outre, il mettait la bestialité et l’homosexualité sur le même plan.
Par conséquent, il n’est vraiment pas surprenant que même en Amérique du Sud l’Église catholique jadis omniprésente ait perdu beaucoup de son attrait. Un évêque comme Bonny et un pape comme François ont dressé leurs comptes : une Église qui n’est plus capable d’entamer un dialogue raisonnable avec la société est vouée à devenir hors de propos.
15 maladies
C’est la raison pour laquelle François prend sa lutte pour le changement au sérieux. Il nomme de nouveaux cardinaux à un rythme élevé et en dehors des conseils habituels. Entre-temps, il règle ses comptes avec les anciens cénacles de pouvoir à sa façon. Ses « voeux de Noël » aux membres de la Curie se sont avérés d’une dureté inhabituelle. En outre, le texte est disponible librement sur le site web du Vatican – l’époque où la Curie réécrivait un discours papal à sa guise, ce qui est arrivé à l’infortuné Jean Paul I en 1978, est révolue. Pour François, les hauts fonctionnaires du Vatican souffrent de pas moins de quinze « maladies » graves, de « l’Alzheimer spirituel »(maladie six) aux « faces funèbres » (douze) en passant par la maladie huit, « la schizophrénie existentielle », » le fruit de l’hypocrisie typique du médiocre et du vide spirituel progressif que les diplômes et les titres académiques ne peuvent combler. C’est une maladie qui frappe souvent ceux qui se limitent aux tâches bureaucratiques et perdent ainsi le contact avec la réalité, avec les personnes concrètes ».
Il y a donc une guerre ouverte au Vatican. En peu de temps, le pape n’a pas seulement gagné de la sympathie, mais surtout du respect parce que l’on sent à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église que le combat mené par François est juste. Le bien prime à nouveau sur le sacré.
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