La plupart des migrants viennent de Gambie : « la situation y est tellement désespérée que c’est la seule option »
La plupart des immigrés qui viennent par bateau ne sont pas originaires de Syrie ou de Somalie, mais de Gambie. Ils fuient une terrible dictature.
De nombreux passagers des bateaux qui ont fait naufrage ces trois derniers mois dans la méditerranée venaient de Gambie. Selon les derniers chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), sur les 10.165 migrants qui ont atteint vivants les côtes italiennes, 1413 (14%) venaient de ce pays de l’Afrique de l’Ouest. Plus tous ceux qui n’ont pas survécu à la traversée et dont on ignore le nombre. Et ça pour un pays qui ne compte que 1.8 million d’habitants.
#Med crossing: Here are the latest @IOM_news figures by nationalities. #Gambia #Senegal on top, then Somalia #Syria pic.twitter.com/yRNadLNwmn
— Thomas Fessy (@bbcfessy) April 20, 2015
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
La Gambie est surtout connue comme destination touristique pour ses plages paradisiaques. Mais pourquoi tant d’habitants veulent-ils fuir ce petit pays ? La Gambie est dirigée depuis 20 ans par l’un des dictateurs les plus excentriques et impitoyables au monde. Yahya Jammeh est arrivé au pouvoir en 1994 après un coup d’État pacifique. Depuis il dirige le pays d’une main de fer. Et le régime est, d’année en année, de plus en plus répressif. Ce dictateur a fait parler de lui en annonçant qu’il avait trouvé un remède contre le sida et la peine de mort pour les homosexuels.
Yahya Jammeh a entamé un nouveau mandat de 5 ans, en novembre 2011, suite à des élections à la légalité plus que douteuse. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a même refusé d’envoyer des émissaires puisqu’elle trouvait que la situation politique en Gambie ne pouvait être considérée comme non frauduleuse et libre.
Un horizon plombé
« Si un pays est si mal dirigé qu’il n’existe pas la moindre chance de changement, que reste-t-il à faire ? Il n’y a que la fuite » dit Sidi Sanneh lors d’une interview téléphonique avec Knack. Sanneh est un ancien ministre des affaires étrangères et ex-ambassadeur au Sénégal. Il est désormais un opposant au régime et habite aujourd’hui aux États-Unis, à Fairfax en Virginie. Il tient un blog sur l’évolution politique de son pays natal.
« C’est désolant de voir ce que la Gambie est devenue. Le pays perd beaucoup de jeunes. Leur situation est tellement désespérée, que pour eux il n’y a aucun avenir. Le chômage des jeunes se situe entre 70 et 80% .
Ebola
Les deux principaux piliers de l’économie gambienne sont l’agriculture et le tourisme dit encore Sanneh. « Le secteur agraire fournit 70% des emplois à la campagne, mais il périclite ces dernières années. La raison ? Jammeh leur prend une partie des récoltes sans les payer. Je connais des paysans qui ne sont plus payés par les autorités depuis 2011. Le Tourisme ne vaut plus que pour 10% de PIB et la tendance n’est pas à l’amélioration suite à la panique provoquée par l’épidémie d’Ebola. Si ces deux importants secteurs ne se rétablissent pas, la Gambie s’embourbera encore davantage dans les problèmes. »
Les droits de l’homme bafoués
Sous Jammeh, les disparitions, arrestations arbitraires et tortures n’ont fait que prendre de l’ampleur. Les exemples d’opposants politiques qui sont agressés, arrêtés, torturés et jugés lors de procès bidon sont légion. Ceux qui ont été suspectés d’avoir participé au coup d’État manqué de décembre dernier ont été condamnés à mort par le tribunal militaire et probablement déjà exécutés. Les peines de mort sont souvent appliquées directement et en secret. Sanneh raconte : « Quatre putschistes qui venaient des États-Unis sont en ce moment jugés sur base du Neutrality Act. Mais les suspects locaux ont été arrêtés et enfermés sans autre forme de procès. Personne ne sait où ils sont incarcérés. Il s’agit de plusieurs dizaines de personnes, principalement les familles des suspects, âgées de 14 ans à 70 ans.
Sanneh raconte comment on empêche Ousainou Darboe, le principal opposant à Jammeh, de faire campagne. « Darboe souhaite faire une tournée électorale de dix jours à travers le pays dans le cadre de la campagne présidentielle de l’année prochaine, mais il est constamment bloqué. On touche ici aux fondements du principe démocratique »
La question est: pourquoi la communauté internationale reste-t-elle si silencieuse ? En août de l’année dernière, Jammeh était encore reçu par Obama dans le cadre d’un top americo-africain à Washington.
Pres Obama + Gambian Pres Jammeh in August. Instead of a WH invite, visa bans & asset freezes seem more appropriate. pic.twitter.com/hJHghsWbVC
— Ty Wesley Cobb (@tywesleycobb) January 27, 2015
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
« La Gambie a de gros problèmes, mais c’est un très petit pays. Et il n’a pas de pétrole » précise le cynique Sanneh. « C’est une peu la Corée du nord de l’Afrique »
L’opposant espère que les évènements dramatiques en méditerranée des derniers mois permettront, au moins, de mettre en lumière la situation dramatique du pays. « Les gens se demandent, à raison, pourquoi un si petit pays a autant de représentants parmi les candidats à ses mortelles traversées. J’espère que les derniers évènements placeront la Gambie au centre des attentions. J’ai vraiment l’impression que les choses sont en train de bouger » conclut Sanneh.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici