La momie de Padre Pio en tournée en Italie
La dépouille de Padre Pio, emblème d’une dévotion quasi-superstitieuse qui a souvent irrité à Rome, a été exposée en plusieurs endroits d’Italie.
Le caisson transparent contenant le corps de ce frère capucin italien (1887-1968), au visage recouvert d’un masque de silicone, est arrivé mercredi dernier à Rome et a déjà attiré des milliers de fidèles dans les deux églises où il a été exposé. Dans la lumière dorée d’une splendide fin d’après-midi romaine, les reliques ont été amenées en une lente procession le long de la via della Conciliazione, la grande avenue menant à la basilique Saint-Pierre, où elles doivent être exposées jusqu’au 11 février.
Une foule de fidèles de tous âges, principalement Italiens, a salué le passage du caisson, précédé de dizaines de religieuses, prêtres et moines capucins, et encadré du panache rouge de carbiniers remplacés ensuite par des gardes suisses, tandis qu’alternaient cantiques, lectures religieuses et récitations du rosaire.
Au passage du corps du saint, les téléphones se tendent pour prendre une photo, les gendarmes saluent, on se signe, des larmes coulent, certains applaudissent. Et lorsque la dépouille atteint la colonnade du Bernin, les cloches de Saint-Pierre sonnent à la volée, tandis qu’une odeur d’encens s’installe sur la place.
« Qu’est-ce que c’est beau! », s’exclame, émue, Cesarina Onesi, une retraitée romaine de 74 ans qui prie Padre Pio tous les soirs. « C’est un grand homme, avec tant que foi, tant de courage, tant d’humanité… »
Né en 1887, devenu capucin à 15 ans, Padre Pio da Pietrelcina, né Francesco Forgione, a vécu la majeure partie de sa vie au couvent de San Giovanni Rotondo, dans le sud de l’Italie, devenu un sanctuaire où sa dépouille est d’ordinaire exposée.
Pendant 50 ans, il a affirmé avoir reçu des stigmates, des blessures aux mains, aux pieds et à la poitrine similaires à celles de Jésus sur la croix. Il a aussi évoqué des visions du diable, des guérisons et même des épisodes de lévitation.
Religiosité populaire
L’Eglise, très réticente, a diligenté plusieurs enquêtes et a cherché à encadrer ses activités, lui interdisant de dire la messe en public pendant des décennies. Cela n’a fait qu’accroître l’aura d’un homme dont les statuettes et images pieuses sont devenues omniprésentes en Italie, en particulier dans le sud.
Jean XXIII et Paul VI se méfiaient de lui et de la dévotion quasi-superstitieuse qu’il suscitait, mais Jean Paul II, qui était venu se confesser auprès de lui lorsqu’il était jeune prêtre, l’a fait saint en un temps record en 2002.
Petit-fils d’immigrés italiens, le pape François ne craint pas non plus cette religiosité populaire qui hérisse une partie de l’Eglise. A Buenos Aires, il avait favorisé le développement des groupes de prière dédiés à Padre Pio, qu’il doit recevoir samedi matin en audience.
Mais tout en mettant en avant ce confesseur infatigable dans le cadre du Jubilé de la miséricorde, il a essayé de limiter le culte de la personnalité en honorant un autre grand confesseur, Leopold Mandic (1866-1942), dont la dépouille précédait vendredi celle de Padre Pio.
Cet autre moine capucin à la barbe blanche a d’ailleurs perturbé certains fidèles. « Je ne savais pas qu’ils seraient deux. J’ai pris la photo au passage du saint, puis j’ai rangé mon appareil, et là j’ai vu qu’il y en avait un deuxième », a raconté en riant soeur Jane Margaret, une religieuse britannique de passage à Rome. Devant l’entrée de la basilique, son archiprêtre Angelo Comastri a mis l’accent sur les qualités de confesseur des deux moines.
« Ils ont fait passer des fleuves de miséricorde dans leurs mains, passant jusqu’à 16 heures par jour dans le confessionnal », a déclaré le cardinal. « Combien d’âmes ont-ils pu ainsi appaiser ! », a-t-il ajouté en regrettant que beaucoup de fidèles désertent aujourd’hui les confessionnaux.
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