Kazakhstan: retour progressif à la normale, le gouvernement condamne la couverture médiatique
Internet a été rétabli et la vie revenait progressivement à la normale lundi à Almaty, la plus grande ville du Kazakhstan, après une semaine d’émeutes et une répression implacable qui ont fait plusieurs dizaines de morts dans le plus grand pays d’Asie centrale.
Dans la capitale économique de 1,8 million d’habitants, où se sont déroulées les émeutes les plus violentes, les sites web locaux et étrangers étaient à nouveau accessibles lundi, décrété jour de deuil après les pires troubles de l’histoire indépendante de l’ex-république soviétique. Et les transports publics étaient visibles sur les routes d’Almaty pour la première fois depuis le début des violences, ont constaté les correspondants de l’AFP.
Le Kazakhstan a présenté les émeutes à Almaty comme une attaque de « groupes terroristes » et exprimé son mécontentement envers la couverture médiatique étrangère des événements, qui ont commencé par des manifestations contre une hausse du prix du carburant dans l’ouest du pays le 2 janvier.
Dimanche soir, le ministère de l’information a retiré un bilan publié plus tôt dans la journée sur une chaîne officielle Telegram, selon lequel plus de 164 personnes avaient trouvé la mort dans le pays au cours des violences.
« Erreur technique »
Il a expliqué à deux sites internet privés que sa diffusion était le résultat d’une « erreur technique ». Il n’y a toutefois pas eu de nouveau bilan.
Le bilan de 164 morts, qui n’a pas pu être vérifié de manière indépendante, est en forte hausse, les autorités ayant jusqu’ici fait état de 26 manifestants et 16 membres des forces de sécurité tués et plus de 2.000 personnes blessées.
Dans une déclaration envoyée à la presse lundi, le ministère des affaires étrangères a déclaré que les articles des médias étrangers avaient créé « la fausse impression que le gouvernement du Kazakhstan s’en prenait à des manifestants pacifiques. Nos forces de sécurité ont affronté des foules violentes qui ont commis des actes de terreur éhontés ».
La présidence a annoncé dimanche que 5.800 personnes avaient été arrêtées, parmi lesquelles « un nombre substantiel d’étrangers », et 125 enquêtes ouvertes dans le sillage de ces émeutes inédites depuis l’indépendance, en 1989, de ce pays de 19 millions d’habitants riche en hydrocarbures.
La contestation avait débuté en province après l’augmentation des prix du gaz, avant de gagner des grandes villes, notamment Almaty, où la police a tiré à balles réelles sur les manifestants prenant d’assaut des bâtiments officiels.
Selon le ministère kazakh de l’Intérieur, le préjudice matériel causé par les violences a été initialement évalué à environ 175 millions d’euros.
Plus de 100 commerces et banques ont été pillés et plus de 400 véhicules détruits, selon la même source.
Le Kazakhstan avait annoncé samedi l’arrestation de l’ex-directeur des services de renseignement, Karim Massimov, première personnalité majeure interpellée, pour des soupçons de « haute trahison ».
« Tirer pour tuer »
Refusant tout dialogue avec les manifestants, le président Tokaïev avait autorisé vendredi ses forces à « tirer pour tuer ».
Condamnant cet ordre, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a estimé dimanche sur ABC que « les autorités au Kazakhstan devraient être capables de s’occuper des défis auxquels elles font face de façon pacifique, pour s’assurer que les droits de ceux qui manifestent pacifiquement soient protégés ».
Almaty portait dimanche les stigmates des violences, avec des façades d’immeubles noircies par les flammes et des carcasses de voitures brûlées jonchant les rues.
Outre la hausse du coût de la vie, la figure de l’ex-président Noursoultan Nazarbaïev, qui a régné d’une main de fer sur le Kazakhstan de 1989 à 2019, a cristallisé la colère des manifestants.
Son porte-parole, Aïdos Oukibaï, a une nouvelle fois nié dimanche que M. Nazarbaïev ait quitté le pays, assurant qu’il soutenait M. Tokaïev.
Sur fond de rumeurs de lutte de pouvoir, il a aussi affirmé que M. Nazarbaïev avait cédé de son propre chef la direction du Conseil de sécurité nationale à M. Tokaïev, qui avait brusquement annoncé cette semaine qu’il en prenait les rênes.
La situation au Kazakhstan est suivie avec inquiétude à l’étranger. Le pape François a exprimé dimanche sa « douleur » et appelé au « dialogue » pour retrouver la paix.
Moscou a déployé des troupes dans le pays d’Asie centrale dans le cadre d’un contingent multinational de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), à l’appel de M. Tokaïev.
Les Etats-Unis ont estimé qu’il serait « très difficile » pour le Kazakhstan d’obtenir le départ des militaires russes, une critique que Moscou a qualifiée samedi de « grossière ».
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