Guillaume Defossé
Intervention militaire en Syrie ou quand le serpent se mord à nouveau la queue
Ce n’est plus en écho lointain. L’Europe voit aujourd’hui de ses yeux les conséquences humaines catastrophiques de la violence profonde et protéiforme en Syrie.
Après plus de quatre ans d’un cycle qui s’auto-reproduit, on aurait pu espérer que des voix politiques s’élèvent chez nous pour tirer les enseignements d’une politique conflictuelle inefficace et destructrice. Il est révoltant de voir qu’il n’en est rien, malgré les différentes alertes des mouvements de la paix, et malgré les évidences qui nous sautent désormais aux yeux.
La réponse à apporter pour endiguer l’afflux de réfugiés vers l’Europe ne s’est en effet pas fait attendre : en Angleterre, en France et maintenant en Belgique on planifie une intervention militaire en Syrie. Cette réponse serait d’ailleurs tellement judicieuse qu’on pourrait apparemment se passer d’une Résolution du Conseil de Sécurité pour la concrétiser. C’est vrai, après tout : les États-Unis le font déjà, avec une inefficacité criante.
Est-il naïf de se demander en quoi une couche supplémentaire de violence en Syrie contiendrait le flux de réfugiés?
Est-il naïf de se demander en quoi une couche supplémentaire de violence contiendrait le flux de réfugiés qui, pour leur grande majorité, fuient ces mêmes violences ? Au risque de nous répéter, la crise des réfugiés – et la recrudescence du phénomène terroriste – que l’Europe n’arrive plus à masquer est étroitement liée aux interventions militaires en Afghanistan, en Irak et en Libye. Comment peut-on à nouveau n’envisager que l’option militaire alors qu’elle fournit jour après jour, et jusque dans le parc Maximilien, les preuves de son inefficacité ?
Rappelons également que cette crise des réfugiés a également été rendue possible par l’action délétère de la « communauté » internationale à propos de la Syrie. En continuant à armer, entraîner et financer les différentes parties en conflit, les puissances régionales et internationales ont prolongé et renforcé les violences en Syrie. En ne soutenant pas – et en sapant – les diverses amorces de négociation entre belligérants (mission de la Ligue Arabe de 2011, accords dits de Genève 1 de juin 2012, négociations de Genève 2 de janvier 2014) et en cristallisant les antagonismes, les puissances régionales et internationales ont fait reculer les négociations aux calendes grecques.
Aujourd’hui, que ce soit par les airs ou par la terre, les États-Unis, la Russie, l’Iran, la France, l’Angleterre ou la Belgique sont indirectement réunis dans leur lutte contre Daesh, comme si celui-ci avait désormais le monopole de la déstabilisation en Syrie. Daesh est un avatar de la destruction de la Région. Une destruction rendue aussi possible par l’absence de volonté pacifiante des différents sponsors régionaux et internationaux de la violence dans ce pays. Le nouvel Envoyé Spécial des Nations-Unies pour la Syrie Staffan de Mistura, diplomatiquement, ne dit pas autre chose. N’est-il dès lors pas urgent de tenter une autre approche et d’appeler chacun à se réunir autour de son travail pour faire de ses réels efforts de conciliation, une amorce de paix pour le pays et la région ? Poser la question, c’est y répondre.
C’est bien cette question que la CNAPD, ainsi que d’autres associations du mouvement de la paix belge, soulevait hier à 17h, au coin du Boulevard du Régent et de la rue du Lambermont.
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