Emmanuel Macron veut « réinventer » l’ONU
Il charme Donald Trump, monte au front sur tous les grands dossiers et bavarde avec les passants: à New York, Emmanuel Macron entend « réinventer » l’ONU, en parallèle de sa volonté de relancer l’Europe.
Dans les rues de Manhattan, le président français est resté fidèle ses habitudes. Remontant d’un bon pas la Seconde Avenue, entouré de ses gardes du corps un peu nerveux, il en profite pour serrer la main des passants ravis qui le photographient, comme il aime à le faire dans tous ses déplacements.
Il veut appliquer aux Nations Unies la même méthode qu’en France et dans l’Union européenne: séduire et convaincre, pour réformer. Et faire porter la voix de la France en se plaçant au centre des discussions sur les sujets cruciaux comme le climat, la Syrie, l’accord sur le nucléaire iranien et la sécurité en Afrique.
En France toutefois, après l’euphorie qui a suivi son élection en mai, la grogne monte, avec des manifestations et des sondages de popularité en baisse.
A l’international, la clé, pour lui, réside dans la relation privilégiée qu’il entend entretenir avec Donald Trump, pourtant aux antipodes de ses convictions sur la plupart des dossiers.
Son entrevue lundi avec Donald Trump n’aurait guère pu être plus chaleureuse. Le président américain veut même organiser à Washington un défilé militaire le 4 juillet inspiré de celui du 14 juillet!
Donald Trump assure l’admirer: « Il est fort, il est intelligent, c’est un honneur d’être avec Emmanuel », a-t-il dit lundi. Grâce à cette bonne entente, Emmanuel Macron espère l’influencer.
Premier défi, le convaincre de réintégrer l’Accord de Paris contre le réchauffement climatique. Le président français y croit toujours obstinément. « Je suis convaincu qu’à la fin il comprendra », a-t-il répété mardi devant la presse.
Lundi, il lui a parlé cash: « L’accord est irréversible, les Etats-Unis ne peuvent pas simplement s’en retirer », lui a-t-il dit. Selon des conseillers du président français, rapportant l’entrevue, Donald Trump a paru hésiter, a demandé un nouveau briefing et semblé pouvoir négocier de revenir en échange d’une baisse des contributions financières américaines.
‘Ambition universelle’
« Il y a une méthode, et des percées », selon l’Elysée. « Le président ne lâche rien sur les sujets, conversation après conversation ». Et même les sujets qui fâchent, « on les met sur la table ».
Autre dossier où Emmanuel Macron espère faire fléchir Donald Trump, l’avenir de l’accord nucléaire conclu en 2015 entre les grandes puissances et l’Iran. Donald Trump menace de « déchirer » cet accord par lequel Téhéran s’est engagé à ne pas produire de bombe atomique en échange d’une levée progressive de sanctions pesant sur Téhéran. Le président américain a redit mardi tout le mal qu’il pensait de ce texte.
Le mettre en cause serait « ouvrir la boîte de Pandore », a plaidé Emmanuel Macron, pour qui l’Iran, puis ses voisins, seraient poussés à se doter de l’arme atomique. Devant lui, Donald Trump a énuméré les options à voix haute, comme si tout était encore possible.
Les espoirs de Paris pourraient être illusoires. Avec le président américain, impossible de jauger du résultat.
Adepte du dialogue avec tous, Emmanuel Macron a rencontré lundi le président iranien Rohani, ou encore, ce qui n’était pas prévu, Paul Kagame, président du Rwanda, aux relations compliquées avec la France depuis le génocide de 1994.
Lors de son discours, Emmanuel Macron devrait présenter une vision d’un monde « résolument multipolaire ».
« Face aux crises, nous devons avoir une réponse dont le socle est le multilatéralisme des Nation unies. C’est le message que j’enverrai à l’ONU. Non pas pour reproduire des habitudes passées mais pour réussir à le réinventer », a-t-il dit mardi à des journalistes.
« Il veut défendre le multilatéralisme comme ambition universelle et le renouveler pour qu’il soit adapté aux enjeux du XXIe siècle », a précisé l’Elysée.
Sa prochaine ambition, relancer la machine Europe: la semaine prochaine, il présentera à ses partenaires européens une feuille de route sur dix ans pour « refonder » l’Union européenne en proposant « une Europe à plusieurs formats », avec un ministre et un Parlement de la zone euro.
Assad est un « criminel » et devra être jugé, estime le président Macron
Le chef de l’Etat français Emmanuel Macron a estimé mardi que le président syrien Bachar al Assad était « un criminel » et devrait répondre de ses crimes devant « la justice internationale », tout en précisant que c’était au peuple syrien de choisir librement son dirigeant.
« Bachar al-Assad, c’est un criminel, il devra être jugé et répondre de ses crimes devant la justice internationale. Mais je n’ai pas fait de sa destitution un préalable, par pragmatisme », a déclaré M. Macron, estimant qu’il revenait au peuple syrien « de choisir librement le dirigeant à venir ».
L’accord de Paris sur le climat « ne sera pas renégocié », affirme Macron
L’accord de Paris sur le climat « ne sera pas renégocié », a aussi affirmé le président français. « Cet accord ne sera pas renégocié, il nous lie (…), nous ne reculerons pas », a déclaré le président français, ajoutant qu’il « respecte profondément la décision des Etats-Unis ». « La porte leur sera toujours ouverte », mais les autres Etats signataires continueront « à mettre en oeuvre l’accord de Paris », a-t-il insisté sous les applaudissements.
L’accord de Paris vise à limiter le réchauffement climatique. Il a été signé en décembre 2015 à Paris par 195 pays.
« Les plus fragiles sont les premières victimes, mais nous sommes tous frappés par l’emballement du climat ». « Détricoter l’accord serait détruire un pacte entre les Etats et les générations », a poursuivi Emmanuel Macron, critiquant implicitement, mais sans le citer, le président Donald Trump qui a décidé le 1er juin de retirer les Etats-Unis de l’accord.
Le président français a de nouveau lundi tenté de convaincre Donald Trump de réintégrer l’accord, misant sur les bonnes relations qu’il a nouées avec son homologue américain, mais n’a pas vraiment obtenu de réponse. Avec espoir, il a déclaré mardi matin qu’il était « convaincu qu’à la fin (son homologue) comprendra ». Cependant, dans son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, Donald Trump n’a pas une seule fois parlé du climat.
Emmanuel Macron a aussi rappelé qu’il présiderait ce mardi une première réunion consacrée à un futur « Pacte mondial pour l’environnement », une charte de l’ONU qui rassemblerait tous les textes sur l’environnement. La France prévoit aussi le 12 décembre un sommet à Paris pour étudier le financement des engagements pris par les Etats signataires de l’accord de Paris. « Nous devons continuer à aller plus loin car le réchauffement ne s’arrête pas », a conclu le président français.
Création d’un « groupe de contact » sur la Syrie
Emmanuel Macron a plaidé mardi devant l’Assemblée générale des Nations unies pour la création d’un « groupe de contact » sur la Syrie afin d’enclencher une nouvelle dynamique pour aller vers une solution politique au conflit. Le processus de négociations mené à Astana au Kazakhstan, par Moscou, Téhéran et Ankara, et qui ne traite pas les aspects politiques, « ne suffit pas », a-t-il déclaré.
Le groupe de contact voulu par la France intégrerait les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et « les parties prenantes » au conflit, a précisé Emmanuel Macron.
« Pour établir une paix durable et juste, il y a urgence à nous concentrer sur le règlement politique de la crise par la transition », a-t-il dit. « Je souhaite que nous puissions lancer un groupe de contact avec tous les membres du P5 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité) et l’ensemble des parties prenantes », a-t-il ajouté. Il n’a cependant pas précisé si l’Iran, un des protagonistes majeurs du conflit, et dont les Etats-Unis ne veulent pas, serait associé aux discussions.
Un groupe international de soutien à la Syrie (GISS) qui regroupait tous les acteurs, soutiens du régime ou de l’opposition, existait depuis 2015.
Les pourparlers d’Astana sont parrainés par la Russie et l’Iran, alliés de Damas, et la Turquie, soutien des rebelles. Accueillies par un allié de la Russie en Asie centrale, ces négociations sont considérées comme une tentative du Kremlin de pacifier la Syrie après l’intervention militaire russe lancée en septembre 2015.
Par ailleurs, évoquant la question des armes chimiques en Syrie, il a affirmé que « les auteurs de l’attaque du 4 avril dernier devront être traduits devant la justice internationale et cela ne doit plus jamais se produire », a aussi dit le président français.
Une Commission d’enquête de l’ONU sur la situation des droits de l’Homme en Syrie a estimé début septembre que les forces syriennes étaient responsables de l’attaque au gaz sarin sur la localité de Khan Cheikhoun (nord-ouest) le 4 avril qui a fait plus de 80 morts, dont de nombreux femmes et enfants.
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