Donald Trump est-il fasciste?
Il a anéanti ses adversaires et son nombre de sympathisants ne fait qu’augmenter, mais le racisme dur et le style agressif de Donald Trump en effraient plus d’un. « C’est ainsi que le fascisme entre en Amérique », déclare l’idéologue républicain Robert Kagan. Que représente vraiment Donald J. Trump ? Est-il secrètement fasciste ? Analyse du « trumpisme ».
Trump transgresse toutes les lois généralement respectées par un candidat présidentiel républicain. Se chamailler avec la chaîne d’informations conservatrice Fox News, ridiculiser les héros de guerre tels que l’ancien candidat républicain John McCain, qualifier l’ancien dictateur irakien Saddam Hussein d’opposant efficace au terrorisme, diffuser des étoiles de David sur Twitter, accepter le soutien de membres du Ku Klux Klan : tout autre candidat présidentiel agissant de la sorte se serait exclu depuis longtemps de la course à la Maison-Blanche. Mais ces déclarations ne font que renforcer « Teflon Don » et cela irrite bon nombre de membres de son parti. Ses changements d’avis, ses accusations permanentes des minorités, la glorification de dirigeants autoritaires comme Vladimir Poutine, l’hystérie du public suspendue à ses lèvres : ses positions dégoûtent bon nombre de républicains.
Ces derniers mois, l’expert en Affaires étrangères Robert Kagan a porté l’accusation la plus véhémente contre Trump. Kagan, un républicain convaincu qui a conseillé des ministres démocrates et républicains, a fustigé à la fois le comportement destructeur de Trump et l’attitude laxiste de l’establishment du parti républicain : « C’est ainsi que le fascisme entre en Amérique. (…) Non à coup de bottines et de gestes de salutation, mais par une pseudo star de la télévision, un millionnaire factice, un égomane qui surfe sur la rancoeur et l’insécurité du peuple et un parti qui se range derrière lui par ambition, fidélité aveugle ou peur. » Malgré son statut d’idéologue, Kagan avait appelé à voter Clinton. « Le parti est irrémédiablement perdu, mais on peut peut-être encore sauver le pays. »
Les mimiques grotesques de Trump quand il lève le menton, font un peu penser au jeune Benito Mussolini. L’historien américain Robert Paxton, à qui l’on doit « Le fascisme en action », l’oeuvre de référence sur le fascisme au 20e siècle, voit des ressemblances. « Trump se sert des mêmes thèmes utilisés par les fascistes : le nationalisme, le racisme, la xénophobie. Tout comme Mussolini, il répond à un sentiment de déclin national qu’on peut inverser uniquement grâce à son leadership efficace. »
Pourtant, ses manières n’en font pas un fasciste, estime l’expert en fascisme britannique Roger Griffin, historien à l’Oxford Brookes University. « Le fascisme n’est pas une forme révolutionnaire de l’ultranationalisme. Les fascistes veulent détruire la démocratie parlementaire et la remplacer par un ordre nouveau. Ils veulent créer un nouvel homme. Trump n’a pas cet agenda révolutionnaire. Il n’a pas l’intention de créer un nouvel ordre. C’est un populiste d’extrême droite, comparable à Marine Le Pen ou Geert Wilders, mais il n’est pas fasciste. » Paxton estime également que le terme de fasciste ne s’applique pas. « Trump est un démagogue doué qui a réussi à capter un courant hostile au gouvernement et à l’élite hautement qualifiée. Son succès est le point culminant d’un long processus où le président des États-Unis est devenu une espèce de star, au lieu d’un dirigeant national qui connaît bien les affaires administratives. Ceux qui traitent Trump de fasciste, négligent un problème beaucoup plus grave aux États-Unis : l’individualisme effréné qui mine l’idée d’un intérêt commun. »
Si Trump n’est pas fasciste, qu’est-ce qu’il est? Ses glissements continuels d’opinion compliquent la formulation d’une définition univoque de son mouvement. Le trumpisme n’est pas vraiment une idéologie, estime Lawrence Rosenthal, directeur du Center for Right-Wing Studies de l’Université de Berkeley. « C’est trop un micmac de positions pour ça, et qui se contredisent souvent. Le trumpisme est un sentiment irrationnel. Peu importe sa proposition : ses supporters aiment son style. Ils s’identifient à lui parce qu’ils s’opposent à l’establishment. Donald Trump est leur bras d’honneur à l’élite. »
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